Mon avis sur le palmarès du Festival de Cannes

Babel d’Alejandro Gonzalez Inarritu est le seul film américain primé à Cannes dimanche dernier, et encore, le prix de la mise en scène est souvent considéré comme une palme en chocolat.

Rien, donc, pour Southland tales. Le délire post-apocalyptique de 2H40 de Richard Kelly avec The Rock, Sarah Michelle Gellar et Christophe Lambert a pourtant l’air séduisant. Rien pour Marie-Antoinette, le 3e opus de Sofia Copolla, que le critique de Libération a qualité de grosse pub pour macaron Ladurée dans un décor rose bonbon kitschissime, rien enfin pour Fast food nation où Richard Linklater dénonce les effets du fast-food (mais cela a déjà été dénoncé).

Rien non plus pour le cinéma asiatique et je le regrette. Le seul film chinois en compétition, Palais d’été (Summer palace) de Lou Ye – une sorte de Autant en emporte le vent parcourant les dix dernières années du XXe siècle – a pourtant été bien accueilli – et il est surprenant que Wong Kar Waï n’y ait pas été sensible.

Cette année, le jury cannois a préféré récompenser le cinéma européen, ce qui n’est pas fait pour me déplaire, à commencer par le cinéma anglais, deux fois primé. D’abord d’or pour Le vent se lève de l’Anglais Ken Loach qui se penche sur le début de la guerre en Irlande en 1920, dans la même veine que Land and Freedom, sortie en décembre. Après 40 ans de fréquentation régulière du Festival, il était temps de prévaloir ce cinéaste engagé de 70 ans ! C’est d’autant plus méritoire qu’il n’était pas du tout favori. L’autre film primé (Prix du jury) est le premier film de la Britannique Andrea Arnold : Red road où Nathalie Press a les yeux fixés sur sa caméra de surveillance, jusqu’au jour où elle voit un homme réapparaître.

Le cinéma français est (ce n’est pas si courant) primé aussi deux fois. Avec le Grand prix pour Flandres de Bruno Dumont qui l’avait obtenu sous un flot de critiques en 1999 pour L’humanité. Ici, pas de scandale, mais une gêne de montrer la guerre dans tout ce qu’elle a de plus atroce, ce qui, paradoxalement, a un effet bénéfique sur le garçon du Nord de la France envoyé « la-bas » (sans précision). Le film sort le 30 août (à ne pas rater !). L’autre prix est pour les cinq interprètes masculins qui ont massacré le chant patriotique servant de thème à Indigènes de Rachid Bouchareb. Celui-ci rend hommage aux soldats maghrébins qui ont libéré le sud de la France, à la fin de la Seconde guerre mondiale (sortie en septembre).

Le favori pour la Palme d’or, Volver, s’est contenté (comme l’année dernière) du prix du scénario pour Pedro Almodovar et le prix pour les cinq interprètes féminines, ce qui n’était pas très gentil pour Penelope Cruz qui, parait-il, porte le film sur ses épaules.

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Parmi les absents, restent Climats du Turc Nuri Bilge Ceylan (pourtant l’un des favoris), et, surtout, Le caïman de l’Italien Nani Moretti. Absence incompréhensible. C’est le seul film en compétition que j’ai visionné et j’en suis ressorti enthousiasmé. Le film est complexe et traite de la difficulté de réaliser un… film (sur Berlusconi, qui plus est !), de la difficulté du couple, et se termine par un pamphlet politique, hommage aux films engagés des années 1970 style Elio Petri ou Franscesco Rosi. Splendide ! Son absence du palmarès a été expliquée dimanche dans Le masque et la plume sur France Inter par le critique Michel Ciment (du mensuel Positif) expliquant que, en France, on connait bien le cinéma italien qui nous est proche, et que ce n’est pas le cas d’un jury international qui a préféré cette année récompenser des oeuvres plus classiques. Télérama d’aujourd’hui titre même : « Palmes académiques » !

Dommage. Heureusement, nous pouvons voir Le caïman en ce moment en salles. A ne pas rater ! Je viens de revoir Aprile, du même Nani Moretti. Le caïman est sa suite logique. J’en reparlerai.

P.S. : je ne résiste pas à la tentation de vous offrir les paroles du chant patriotique que les cinq interprètes d’Indigènes (Jamel Debbouze, Samy Naceri, Roschdy Zem, Sami Bouajila et Bernard Blancan) ont massacré dimanche soir (je le cite approximativement) :

« C’est nous les Africains qui revenons de loin.
Nous venons des colonies pour défendre le pays.
Mais nous avons au coeur
Une invincible ardeur

Car nous voulons porter haut et fier
Le grand drapeau de notre France entière
Et si quelqu’un venait à y toucher
Nous saurions tous mourir jusqu’au dernier.
Battez tambour, à nos amour à nos (??)
C’est nous les africains
« .

Avis sur Onirik

Le caïman
Marie-Antoinette