Rencontre avec Jang Hoon pour ‘A Taxi Driver’

À l’occasion du Festival du Film Coréen à Paris (FFCP), nous avons pu voir le film A Taxi Driver, un film sorti cet été dans les salles obscures coréennes. Il est basé sur l’histoire vraie du journaliste allemand Jürgen Hinzpeter qui a fait sortir de Corée du Sud des images des émeutes de Gwangju en 1980.

Suite à la projection du film, nous avons pu suivre une séance de questions-réponses avec le réalisateur du film, Jang Hoon.

Petit mot du réalisateur avant le début : Bonsoir, je voulais savoir si vous n’aviez pas trouvé le film trop long ? Car moi, lors de la première avant-première, j’avais très envie d’aller aux toilettes. Pour mon prochain film, je ferai plus court que A Taxi Driver.

Question : qu’est-ce qui vous a motivé à faire un film sur ce sujet[[sujet concernant les émeutes de Gwangju de 1980]], est-ce que parler de ces événements vous tenez vraiment à cœur ?

Jang Hoon : En 2003, la Corée a remis un prix au journaliste allemand, cela a fait grand bruit et il y a eu beaucoup d’articles. Et dans son discours, il a dit qu’il remercie cet ami, ce conducteur de Séoul. Mon producteur était tombé dessus à cette époque et depuis, il voulait en faire un film.

Question : Déjà bravo pour ce grand film. Vous avez fait un film avec plein de styles différents, quelles ont été vos références pour le tourner ?

Jang Hoon : Le film qui m’a vraiment influencé est La Bataille d’Alger[[Film italo-algérien de Gillo Pontecorvo (1966)]]. Et je me suis inspiré d’autres films sur ce sujet ainsi que de livres.

Question : Quelles sont les sources qui vous ont permis de faire le film ? Car ces émeutes divisent encore la Corée et on voit le parti-pris. Vous êtes-vous appuyé seulement sur le témoignage du journaliste allemand ?

Jang Hoon : Il y a plusieurs documents qui m’ont vraiment aidé. La première partie du film est pour reconstituer la même ambiance de la ville. Je me suis basé sur des témoignages d’habitants, sur des photos et des vidéos. Celles du journaliste allemand, mais pas que, en effet, il y avait d’autres journalistes étrangers à Gwangju à l’époque, mais aussi des médias coréens qui étaient censurés et qui ont gardé leurs images pour le moment venu. Dans la deuxième partie du film avec les fusils, ce n’est pas que purement cinématographique, là encore il y a eu des témoignages. Tout comme lors de la poursuite du policier et que le héros tombe sur une cargaison de personnes nues qui se font frapper, c’est un témoignage que j’ai reconstitué à l’image.

Question : Comme travaille-t-on avec grand acteur comment Song Kang Ho[[L’acteur principal, le chauffeur de taxi de Séoul]] ?

Jang Hoon : En réalité, c’était la deuxième fois que je tournais avec lui et ce n’était pas plus facile. Pour le message du film, il était important que se soit lui afin de transmettre le plus possible le message. Et comme on a déjà travaillé ensemble, on a pu faire mieux connaissance lors de la réalisation du film.

Question : Concernant la dernière scène avec la fuite de Gwangju, est-ce que ça s’est vraiment passé ?

Jang Hoon : La dernière course-poursuite est aussi une reconstitution. Je voulais aussi montrer la prise de risque et le sacrifice qu’on fait les taxis de Gwangju. À Gwangju, vous savez il y a une très grande avenue que vous avez pu voir dans le film, plus de 200 taxis s’y sont mobilisés. Il y a eu beaucoup de blessés. Et quand ils se font contrôler, il semblerait que le militaire savait qu’ils étaient ceux qu’on recherchait, et que ce soit une scène réelle. Le journaliste me l’a dit en anecdote, mais ça prouve une certaine conscience et envie que ça s’arrête. Il m’a aussi dit qu’à l’aéroport, si les agents avaient vraiment voulu l’arrêter, ils auraient pu, des gens voulaient que les images sortent et qu’elles soient connues du monde entier.

Question : Le film a beaucoup été vu en Corée [[le film est au box-office depuis deux mois avec 12 millions d’entrées]]. Est-ce que ces faits sont connus de la jeune génération, est-ce qu’ils les ont dans leur mémoire ou le voit-on dans les manuels scolaires ? À quel point est-ce présent ?

Jang Hoon : Quand mon film est sorti, il y a eu deux sortes de réaction. Il y a deux générations, celle qui a vraiment vécu cette histoire et celle dont je fais partie, j’avais 6 ans à l’époque. Personnellement, je ne l’ai appris qu’à l’université. En Corée, il y a une vraie part de la réalité qui est cachée, bien qu’on a pu voir cette année une grande exposition de photos sur ces émeutes. L’ancienne génération est venue me voir et on m’a demandé pourquoi j’avais adouci la réalité, alors que d’un autre côté, on m’a rapporté la discussion de deux jeunes qui pensaient que c’était de la pure fiction. L’éducation joue vraiment beaucoup et je pense qu’il est nécessaire d’éduquer nos enfants à ce genre de choses.

J’ai essayé de trouver un juste-milieu entre les scènes violentes et plus légères, je ne voulais pas faire un film purement violent.

Mais ce qui m’a le plus peiné, c’est ce qui touche à l’éducation actuelle. Par exemple, peu d’enfants savent qu’en Corée du Sud, jusqu’en 1989, on ne pouvait pas sortir du pays sans faire une demande pour obtenir une autorisation. Tout ce qui sortait ou était diffusé dans les médias étaient sous la censure et les vérifications, même les médias étrangers.
Ces vidéos, qu’ils ont cachées dans la boîte de gâteaux, en Corée personne ne les a vues à ce moment. Tout le pays était comme le village voisin qu’on voit. Il y a cependant eu un prêtre coréen en Allemagne qui a pu faire un documentaire sur le sujet. Et c’est cette vidéo qui a pu tourner en Corée et qui a permis de savoir ce qu’il se passait. Avec du recul, c’était comme dans la scène du restaurant dans le village voisin, mais à l’échelle du pays, on se demandait si c’était vrai ou pas. J’ai de l’espoir pour le futur, le nouveau gouvernement est plus adapté pour réagir sur ce sujet. J’espère que ce film sera utile pour le futur et merci encore d’être venus.