Rencontre avec Daniel Pennac et Olivier Saladin

Onirik a participé à une rencontre sympathique et spontanée avec le comédien Olivier Saladin et l’auteur Daniel Pennac, à l’occasion de la pièce fort réussie Ancien malade des hôpitaux de Paris, qui se joue au Théâtre de l’Atelier jusqu’au 13 juin 2015 (vous pouvez retrouver la chronique très enthousiaste de la pièce ici).

La genèse de la pièce

Ancien malade des hôpitaux de Paris est une nouvelle parue en 2002 à l’occasion de la publication par les éditions Gallimard d’un recueil de textes célébrant le bicentenaire de l’Internat de Paris. Une quinzaine d’auteurs ont été sollicités à cette occasion, dont Daniel Pennac avec ce texte original et drôle.

François Morel[[Membres des Deschiens, Olivier Saladin et François Morel se sont rencontrés lors d’un stage de théâtre de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff.]], un ami de longue date, savait qu’Olivier Saladin cherchait un projet et lui a proposé de lire la nouvelle de Daniel Pennac, identifiant le côté théâtral de ce « monologue gesticulatoire ». Daniel Pennac confirme d’ailleurs que le texte offre à l’acteur des libertés, des « autorisations d’improvisation » comme il les nomme.

Olivier Saladin, passionné de mécanique, s’est régalé à se glisser dans ce texte à la précision sans faille. Son personnage ressent un véritable besoin de raconter son histoire à quelqu’un et est porté par la frénésie de la nuit. Une fois lancé, le récit ne peut pas s’arrêter avant la fin, surprenante mais parfaitement amenée grâce aux indices semés au fil de la pièce. Le rythme de la pièce se fait de plus en plus intense, tel un thriller où l’on se demande bien ce qu’il se passe et quelle est l’explication des phénomènes étranges et inquiétants !

Seul en scène : une difficulté particulière ?

Pour Olivier Saladin, le fait d’être seul en scène et ainsi n’avoir pas d’interaction avec un autre comédien n’est pas une difficulté particulière. C’est mon boulot, déclare-t-il avec légèreté et humilité. En revanche, le poids sur les épaules est un peu plus lourd, et l’engagement plus fatiguant. En effet, Olivier Saladin porte la pièce avec un dynamisme et un enthousiasme remarquables, jonglant entre une douzaine de personnages.

Le metteur en scène et le comédien ont travaillé sur ces différents personnages afin que l’ensemble soit précis. Olivier Saladin explique que le point de départ est assez naturel, comme lorsqu’on prend une voix différente pour raconter une histoire (il le fait particulièrement bien !), prenant ici plusieurs archétypes comme points de départ.

Si Olivier Saladin et Daniel Pennac se connaissaient avant de travailler sur ce projet commun, à aucun moment l’auteur n’est intervenu pendant les répétitions. Toutefois, ils ont eu l’occasion d’évoquer la pièce avant le début du travail, notamment sur les indices amenant à la conclusion. Avec un grand sourire, Daniel Pennac se dit enchanté par le résultat, qui correspond exactement à ce qu’il avait imaginé par « monologue gesticulatoire », d’autant que c’est la première fois qu’il ressent une telle adéquation entre ce qu’il avait en tête et ce qu’il a découvert sur scène.

Le travail du comédien

Olivier Saladin explique qu’il cherche la théâtralité, c’est-à-dire « déformer le monde pour mieux le montrer », et l’insolite (ce qu’on n’a jamais vu mais qu’on reconnaît). En effet, la pièce correspond à une comédie burlesque, qui installe une situation absurde tout en ayant l’air normal : impossible d’avoir tous ces grands pontes la même nuit de manière fortuite ! Ainsi, pour coller à cette atmosphère, Olivier Saladin s’est attaché à trouver une forme d’expression burlesque, en travaillant sur le corps et sur la manière de se découper dans l’espace.

Une pièce autour du corps médical

Toutefois, ce n’est pas parce que la situation est improbable, que ce qui est dit est tout aussi burlesque ! Au contraire, Daniel Pennac s’est assuré de l’exactitude des interventions médicales de tous ses personnages. Le sentiment de panique professionnelle est très juste également, telle qu’on peut tous la rencontrer. En effet, le personnage du Dr Galvin est jeune, et il y a un monde entre le savoir théorique (que le médecin maîtrise en sortant de l’école) et la juste expérimentation (qui demande du métier).

Par ailleurs, Daniel Pennac n’est à aucun moment dans la moquerie. Il souligne l’héroïsme et le dévouement des médecins qui sont sources pour lui d’admiration. Dans la pédagogie comme dans la médecine, il y a beaucoup de douleur empathique, relève-t-il.

De l’art de la carte de visite

Un des sujets de la pièce est la carte de visite à laquelle Galvin, le médecin incarné par Olivier Saladin, pense à longueur de journée. Il existe un véritable lyrisme des cartes de visite médicales, qui sont un véritable exercice de style car il faut composer avec l’espace réduit. Avec beaucoup de malice, Daniel Pennac nous a fait passer sa version de la carte de visite : blanche, de qualité, avec simplement indiqué « ma carte » !

Photos : © Artémis pour Onirik.net