Oncle Vania – Avis +

Pour cette soirée pluvieuse du 2 décembre dernier au théâtre Mouffetard, il était réconfortant de se réfugier dans cette petite salle où étaient programmés deux joyaux de la télévision, ainsi à 18H, Oncle Vania d’Anton Tchekhov et à 21H30, La folle de Chaillot de Giraudoux. Il était très agréable de commencer par un aperçu sur scène du talent de jeunes comédiens de l’école Dullin, venus explorer en quelques scènes, l’univers de Tchekhov en égratignant avec une certaine tendresse ce qui est communément appelé l’âme russe. De petites scénettes, tragicomiques où l’ennui est distillé avec nostalgie dans ce petit monde bourgeois si étriqué, et si médiocre. Un joli moment… où l’on retiendra la prestation de Moustafa Benaïbout.

Comment traiter de l’ennui et du temps qui passe, sans être ennuyeux et sans voir passer le temps ? La mise en scène de Stellio Lorenzi est totalement au service de l’oeuvre, des acteurs, mais aussi des spectateurs utilisant les cadrages précis de caméras pour tenter d’ouvrir métaphoriquement l’écran de la télévision, cette cour où l’on prend le soleil en s’éventant et en écoutant les grillons dépayse tout autant que d’autres scènes bien plus intimistes où les protagonistes boivent de la vodka dans un bureau tard dans la soirée. Le réalisateur nous offre un spectacle de choix. Mais que dire de la modernité du propos ? Le discours de l’un sur la déforestation, de l’autre sur la vocation ou sur le travail ? Cela en devient presque dérangeant…

L’excellent Michel Vitold, une des grandes figures du petit écran des années 70, est l’oncle Vania… Toutes les nuances de l’âme slave apparaissent sous nos yeux : cynique, passionné, violent, dédaigneux, arrogant, désespéré, mais jamais humble, il se lamente sur ce qui aurait pu être mais ne sera jamais, sur ce qui a été mais qui n’est plus. Jean Topart, lui est le pragmatique et ironique médecin Astrov… analyste d’une lucidité rare que l’on pourrait prendre pour l’auteur lui-même. Maria Mauban tour à tour désabusée et passionnée, est une authentique séductrice, que ce soit en admirant son talent, sa beauté ou sa voix infiniment vibrante et mélodieuse. Le pauvre Henri Crémieux (lui aussi si familier car tant de fois aperçu dans des petits rôles marquants à la télévision) qui joue son vieux mari, pédant, égoïste et si peu sympathique lui donne la réplique avec une bêtise désarmante mais si naturelle. Le fameux personnage « pur » que l’on retrouve dans la plupart des pièces de Tchekhov, l’innocente Sonia est joué par Paule Annen vue également depuis dans l’univers de Deplechin. Touchante et lumineuse, sa tirade finale arrachera des larmes au plus aguerri des spectateurs.

Encore une belle adaptation qui ne ressemble pas à du théâtre filmé où l’on a plaisir à redécouvrir une oeuvre mais aussi des grandes figures de la scène des années 60…