Le Charlatan – Avis +

Présentation de l’éditeur

« Hertz Minsker était arrivé à New York en 1940, amenant avec lui une nouvelle épouse qui avait abandonné un mari – et deux enfants – à Varsovie. On racontait qu’il travaillait depuis des années à un chef-d’œuvre qui éblouirait le monde, mais jusque-là, personne n’en avait rien vu. »

Hertz Minsker, pseudo-philosophe, pseudo-sociologue et véritable charlatan, vit aux crochets de son ami d’enfance, Morris Calisher, magnat de l’immobilier. Hertz, séducteur invétéré, a pour quatrième femme la ravissante Bronia, qui ne se remet pas d’avoir laissé derrière elle ses deux jeunes enfants, désormais prisonniers du ghetto de Varsovie. Morris, lui, est marié à la plantureuse Minna.

Depuis des mois, Hertz et Minna entretiennent une liaison passionnée au nez et à la barbe de leurs conjoints respectifs. Quand l’ex-mari de Minna fait irruption dans leurs vies et décide de vendre à Morris des Picasso et des Chagall – tous faux, bien entendu –, le château de cartes s’écroule et les péripéties s’enchaînent.

Avec ce nouveau roman inédit, Singer nous offre une formidable histoire menée tambour battant, mais aussi un grand livre sur l’exil, le déracinement, et la douleur de l’incertitude quant au sort de ceux qui sont restés en Pologne.

Avis de Claire

Le roman Le Charlatan du Prix Nobel Isaac Bashevis Singer (1902-1991) est tout d’abord paru en feuilleton entre 1967 et 1968, dans le quotidien yiddish Forverts imprimé à New York. Il était resté totalement inédit à ce jour, et c’est un réel plaisir de le découvrir avec notre regard contemporain. Il met en scène une de ces figures singulières qu’affectionnait Singer, et dont il prend un malin plaisir à disséquer les turpitudes et les (mauvaises !) habitudes.

Ce charlatan du titre est Hertz Minsker. Imaginez un homme coincé quelque part entre don Juan et Bel-Ami, mais yiddish polonais, pas du tout méchant, pas du tout ambitieux, et surtout nanti d’une chance insolente, en particulier quand tout semble perdu. L’homme se repose sur ses acquis. Fils d’un rabbin prestigieux en Pologne, précédé par une réputation de grand érudit, pseudo-philosophe lui-même, il vit de petits expédients que lui fournit son ami de toujours, Moshe « Morris » Calisher, et de conférences qu’il donne une à deux fois par an.

Si Hertz Minsker est capable de réciter les dix commandements, et même plus, il n’est pas fichu de les respecter. En particulier quand il s’agit de convoiter la femme de son voisin, ou pire, celle de son meilleur (et unique) ami, Morris. Il a toujours une femme en tête, mais se lasse vite, une fois les émois du corps rassasiés. Sa haute idée de lui-même lui ôte toute envie de s’amender ou de s’améliorer, même quand la situation est des plus désespérée.

« Le Monde d’hier », tel que le définissait Stefan Zweig est en train de disparaître. Hertz et Minsker en prennent conscience tandis qu’ils déjeunent et gâchent de la nourriture dans une cafétéria new-yorkaise alors que les gros titres des journaux débordent des drames qui se jouent au même moment dans le ghetto de Varsovie, où ils connaissent des proches. Isaac Bashevis Singer questionne la judéité, mais au-delà, cela fait écho à l’humanité dans son ensemble, peut-on être réellement qualifié d’homme si l’on n’aide pas son prochain ?

On pourrait croire ce texte triste, nostalgique, mais ce serait mal connaître l’auteur de Yentl, qui pose sur ses personnages un regard sans cesse compatissant, il y a toujours la distance de l’humour, de la dérision, malgré un contexte tragique.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 407
Editeur : Stock
Collection : La cosmopolite
Sortie : 29 janvier 2020
Prix : 22,50 €