La solitude du docteur March – Avis +

Présentation du livre

Dans le Massachusetts, à Concord, un homme quitte femme et enfants pour s’engager auprès des nordistes. Un père aimant, mari fidèle et abolitionniste convaincu : le docteur March.

Enrôlé comme aumônier, March va bientôt voir ses certitudes ébranler par les atrocités commises sur le champ de bataille. Mais rien n’aurait pu le préparer à retrouver celle qu’il n’a jamais pu oublier : la belle et douce Grace, une esclave rencontrée vingt ans plus tôt…

Entre attirance tragique et culpabilité dévorante, engagements humanistes et devoirs familiaux, lynchages publics et mise à sac de plantations, March va devoir affronter des épreuves qui le changeront à jamais. Seul face à lui-même, sur une terre où s’effacent les frontières entre le bien et le mal…

Avis d’Enora

Beaucoup d’entre-vous ont du lire Les quatre filles du docteur March, le roman largement autobiographique de Louisa May Alcott publié en 1868. L’action se passe à Concord dans une famille pauvre mais unie pendant que le père, anti-esclavagiste convaincu, participe à la guerre de sécession. Autour de Marmee, la mère, quatre filles – Meg l’ainée, Jo le garçon manqué, dévoreuse de livres, Beth « la petite souris » à la santé fragile et Amy la petite dernière – dont les personnalités vont évoluer tout au long du roman, du fait de l’absence du père et des difficultés dues à la guerre.

En partant du journal intime de Louisa May Alcott , des lettres familiales et de la biographie de Bronson Alcott, Geraldine Brooks construit un roman dont le père est narrateur pour imaginer les effets de ce conflit fratricide sur cet homme bon et idéaliste. La guerre, l’auteur connait bien puisqu’elle fut correspondante de guerre dans le monde pendant quatorze ans et ses connaissances sur ce conflit américain elle les doit beaucoup à l’intérêt quasi obsessionnel de son mari, l’historien, reporter et écrivain, Tony Horwitz.

Avec un véritable travail d’historien et une parfaite connaissance de la vie des Alcott et du roman de Louisa May, Geraldine Brooks nous livre un roman remarquable sur la guerre et ses répercutions, à la fois sur ceux qui y participent mais aussi sur leurs proches.

Le docteur March est un idéaliste qui après un événement traumatisant de sa jeunesse, lutte contre l’esclavage et distribue sa fortune à l’abolitionniste John Brown. Entré comme aumônier dans l’armée du Nord, il va prendre peu à peu conscience des horreurs et des contradictions d’une guerre qu’il pensait juste et s’aperçoit que même lorsqu’il soutient une cause morale, un conflit amène toujours son lot d’injustices. Le sort des esclaves libérés est aussi terrible qu’avant et comme pour lui la grandeur morale a peu de sens sans action pour en rendre la fin effective, il se sent coupable de tout ce qui arrive, de tout ce qu’il n’a pu éviter ou changer.

A la fin du roman, quelques chapitres donnent voix aux pensées de sa femme. Marmee beaucoup plus visionnaire se rend compte que les générations futures n’ont pas finies de payer pour l’édifice bancal que leurs ancêtres ont battis en utilisant l’esclavage. La guerre pour elle n’est qu’un gâchis, la quête d’une gloire vaine qui laisse, comme toujours, les femmes ramasser les morceaux : les villes détruites, le bétail estropié, les corps mutilés des garçons qu’elles ont portés et des hommes dont elles ont partagé la couche.

Roman historique qui nous emmène au cœur de l’esclavage mais aussi réflexions sur la guerre, ses ravages à travers les visions croisées d’une femme et d’un homme, La solitude du docteur March est un récit éblouissant qui allient érudition, imagination et émotion.

Un vrai coup de cœur !

Fiche technique

format : broché
Pages : 348
Editeur : Belfond
Sortie : septembre 2010
Prix : 20,50 €