L’école de la honte – Avis +

Présentation de l’éditeur

C’est l’histoire d’un asile de fous où tous sont malades et où chacun semble privé de la conscience de s’y trouver enfermé. C’est l’histoire d’une usine d’éducation des masses où des enseignants hagards s’échinent, sur une chaîne de montage qui défile à un rythme endiablé. C’est l’histoire d’une école où les enfants ont cessé d’apprendre, une école que l’on quitte ignorant, et humilié.

Entrez pour une journée dans l’enceinte d’un collège. Découvrez l’antre de la bête, cette machine scolaire étouffante et vorace, ce lieu de douleur et de régression. Élèves et professeurs, tous prisonniers de règlements absurdes et de dogmes ridicules subissent son implacable mécanique. Venez voir ce qu’elle fait d’eux.

Avis de Miss

Emilie Sapielak livre là un excellent ouvrage. La qualité de son écriture et sa capacité à prendre du recul vis-à-vis de son statut de professeur et de tout le système éducatif donne un récit qui se lit à la fois comme un bout de biographie, une étude sur la condition des professeurs, un reportage ou encore… comme Le petit Nicolas, car les scènes « récré » sont bien présentes, mais en en 2010.

Et en 2010, le collège c’est quoi ? Selon Emilie « Le collège, que beaucoup aimeraient voir ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept, est un immense parc à bestiaux. Inutile de payer d’avantage de gardiens de troupeaux. Qu’importe la surpopulation des salles de classes ? L’essentiel : que les bêtes restent dans leur enclos et qu’elles cessent de semer la terreur dans la rue ».

Édifiant, derrière les grilles du collège, Emilie Sapielak raconte ces balles de papier qu’elle reçoit dans le dos quand elle écrit au tableau, ces injures sexistes et xénophobes qu’elle entend sortir de la bouche des enfants, le chahut constant dans les couloirs et les salles. Pour autant, elle n’y accuse pas la jeunesse et les familles comme le font la plupart des livres sur le sujet. Elle dénonce le modèle du collège unique qui ne cesse d’ériger des grilles de plus en plus hautes et laisse pénétrer la police dans les établissements au lieu de revoir l’éducation sous son aspect pédagogique.

Elle s’insurge sur un système qui s’entête à donner le même enseignement à tous les enfants, ignorant ainsi les différences sociales qui les séparent. Au non de l’égalité des chances, l’enseignement est le même et finalement cet enseignement devient le plus inégalitaire. La France accepte le système de bourse scolaire car elle reconnait les différences de revenus, mais elle ne différencie pas ces enseignements car elle ne reconnaît pas encore officiellement le handicap social.

Emilie Sapielak illustre ainsi dans ce libre ce que Bourdieu, Duru-Bellat, Dubet et bien d’autres ont déjà dénoncé mais sans impact sur une refonte du collège unique. En cela, parce que la critique vient cette fois-ci non pas d’un sociologue ou d’un scientifique de l’éducation mais bien d’un professeur qui a vécu ce collège de l’intérieur, elle prend une autre ton et s’apparente à une interpellation du grand public et décideurs dans le domaine de l’éducation.

Emilie Sapielak fait également un parallèle entre le rapport formateur de l’IUFM/élève stagiaire et professeur/élève en critiquant sévèrement la formation donnée par l’IUFM qui ne porte que très peu sur l’aspect pédagogique et infantilise les formateurs stagiaires. Elle livre également un regard critique sur la condition des enseignants : « Pourquoi devient-on professeur au collège ? Certains, honnis et montrés du doigt, considèrent que c’est un métier comme un autre, qui permet de se nourrir. Pour d’autres moins nombreux, c’est un métier confortable qui offre le temps de construire une vie de famille. Pour d’autres encore, les seuls sans doute que la voix du peuple honore de sa bienveillance, c’est une vocation. (…) La vocation est le remède miracle aux angoisses du corps enseignant. Elle seule peut légitimer les agressions quotidiennes et les heures de services impayées. Elle seule peut excuser une formation inexistante. »

Passionnant et à la fois déroutant, ce livre touche un large public : les acteurs du systèmes éducatifs, les parents qui envoient chaque jour leurs enfants au collège, ceux qui les enverront prochainement, les adolescents ; espérons que ce livre aura un impact et sera lu au sein des IUFM et du Ministère.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 282
Editeur : Don Quichotte
Sortie : 26 août 2010
Prix : 18 €