L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford – Avis +/-

Résumé

Qui fut vraiment Jesse James, au-delà du folklore et du battage journalistique ? Et qui fut ce Robert Ford, entré à dix neuf ans dans le cercle des intimes de Jesse, qui réussira à abattre chez lui, l’homme que poursuivaient les polices de dix états ? Comment devinrent-ils amis ? Que se passa-t-il entre eux durant les jours et les heures précédant ce fatal coup de feu qui scellerait leurs destins ?

Avis d’Enora

Petit rappel historique

Jesse Woodson James naît en 1847, prés de Kansas City. Lors de la guerre de Sécession, jugé trop jeune pour rejoindre l‘armée sudiste, il s’engagera dans une bande, les Bushwhackers, avec laquelle il mènera une guérilla meurtrière. La vie difficile de la famille après la capitulation, ajoutée à la rancœur de la défaite, conduira les deux frères à attaquer banques et trains avec une violence de plus en plus importante. Après une pause de 1876 à 1881, Jesse reprend de l’activité avec un nouveau groupe. Il sera assassiné par deux des membres de sa bande, Charles et Rober Ford, le 3 avril 1882.

Le film

Sorti en France, le 10 octobre 2007, ce film réalisé par Andrew Dominik a été récompensé à la 64e édition de la Mostra de Venise pour le jeu de l’acteur principal, Brad Pitt. C’est le second long métrage du réalisateur qui visiblement aime disséquer les âmes tourmentées. Chopper racontait déjà l’histoire vraie d’un criminel en proie à une folie autodestructrice. Pour la petite histoire, c’est ce film qui a lancé la carrière d’Eric Bana (difficilement reconnaissable avec ses kilos en plus, ses muscles en moins et un jeu impressionnant, d’ailleurs on peut espérer qu’un jour un réalisateur lui offre un autre rôle à la hauteur de son talent… mais ceci est une digression)

L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford est une adaptation du roman de Ron Hansen. Nous sommes en 1881, Jesse James a 34 ans, traqué par les chasseurs de prime et les polices des états, il est obligé de changer de ville régulièrement avec sa femme et ses deux enfants. Andrew Dominik nous montre comment la montée de la folie paranoïaque va détruire cet homme. Se méfiant de tout le monde, il s’attaque à ses anciens compagnons générant en eux une peur qui les amèneront à le vendre et à le tuer. Les montées de violence qu’il ne peut maîtriser le laisse désemparé (voir la scène du passage à tabac d’un gamin dans la grange). L’idée de suicide l’habite de plus en plus (comme lorsqu’il tire sur la glace pendant sa ballade avec Charlie). Le réalisateur laisse d’ailleurs planer le doute lors de la scène de l’assassinat : Jesse donne à Robert le revolver qui le tuera, il lui tourne volontairement le dos après s’être désarmé et ne bougera pas en l’apercevant armer le chien, à travers le verre qui couvre le tableau.

Robert Ford est un homme de dix neuf ans dont la jeunesse s’est nourrie des « exploits » de Jesse à travers les journaux. Lui aussi est pris dans une folie qui le pousse d’abord à accompagner l’homme qui le subjugue, perdant même la notion de sa propre personnalité pour se superposer à celle de son héros. Plus tard, blessé dans son ego, il cherchera à le dépasser dans la gloire en devenant son meurtrier.

L’histoire est racontée presque comme un documentaire, cette impression étant confirmée par la voix off un peu professorale (décidément j’ai beaucoup de mal avec cette habitude récente qui consiste à expliquer le comportement des protagonistes via une voix off ! Soit les cinéastes ont vraiment l’impression que le public est idiot, soit ils ont perdu la mesure de leur art…)

La photographie magnifique est signée Roger Deakins qui a travaillé sur tous les films des frères Cohen et avec des réalisateurs prestigieux comme Frank Darabont, Martin Scorsese, Ron Howard, Sam Mendes et Night Shyamalan. Les images s’inscrivent à la fois dans la recherche du film et dans la beauté pure : les visages cagoulés et fantomatiques lors de l’attaque du train ; les immenses étendues enneigées ; les images renvoyées par les vitres dépolies ; les pourtours floutés de certaines scènes renvoyant à la personnalité borderline des deux personnages principaux.

La BO est l’œuvre de Nick Cave que l’on voit à la fin du film interpréter lui-même la Ballade de Jesse James. Il a travaillé dessus avec un membre de son groupe les Bad Seeds, le violoniste Warren Ellis.

Même si le jeu de tous les acteurs est parfait, c’est Casey Affleck qui aurait dû décrocher le prix à la Mostra de Venise plutôt que Brad Pitt. Il confirme ici le talent pressenti dans Lonesome Jim et est en passe de devenir un très grand acteur.

Le point négatif du film : sa longueur ! Télérama parle de « dilatation du temps » et c’est un très joli euphémisme. Je pense sincèrement que de la réduire d’un tiers aurait servi cette œuvre. Dommage, car ce défaut lui fait perdre un grand nombre de spectateurs en cours de projection alors que, par ailleurs, ce film a de grandes qualités.

Western psychologique (si ! si ! c’est un western si on tient compte de la définition du genre), formidable huis clos qui sait maintenir un suspens de façon impressionnante malgré la fin connue, c’est aussi une très bonne réflexion sur la quête de gloire et sur la façon dont le mythe peut transformer l’Histoire.

Une chose est sure, Andrew Dominik est un cinéaste à suivre.

Fiche technique

Durée : 2h40 (hélas !)

Titre original : The Assassination of Jesse James by the Coward Robert Ford

Avec Brad Pitt, Casey Affleck, Sam Shepard et Sam Rockwell (excellent!)