L’Ombre de Staline – Avis +

Présentation officielle

Pour un journaliste débutant, Gareth Jones ne manque pas de culot. Après avoir décroché une interview d’Hitler qui vient tout juste d’accéder au pouvoir, il débarque en 1933 à Moscou, afin d’interviewer Staline sur le fameux miracle soviétique.

A son arrivée, il déchante : anesthésiés par la propagande, ses contacts occidentaux se dérobent, il se retrouve surveillé jour et nuit, et son principal intermédiaire disparaît. Une source le convainc alors de s’intéresser à l’Ukraine. Parvenant à fuir, il saute dans un train, en route vers une vérité inimaginable…

Avis de Valérie

Nous sommes avant la Seconde Guerre mondiale, dans un monde qui se remet du premier conflit ayant opposé les grandes puissances occidentales. Cela a forgé une génération de journalistes couvrant les événements de politique étrangère, comme la montée d’un petit homme à moustache ou l’industrialisation phénoménale d’une toute nouvelle démocratie à l’est. Même s’ils n’ont pas à leur disposition les moyens techniques actuels, ils se créent des possibilités d’enquêtes différentes, sans se laisser entraver.

Parmi eux, le Gallois Gareth Jones a réussi l’exploit d’interviewer le tout nouveau chancelier allemand, en mettant en lumière les zones d’ombre du personnage. Pour autant, son rédacteur en chef ne veut pas l’autoriser à partir en URSS pour renouveler son coup de maître en rencontrant Staline.

Poussé par un confrère à Moscou qui distille une information sur l’Ukraine, il se passe d’autorisation et fonce sur place, où il est reçu par le responsable de la presse étrangère. La ville en pleine ébullition semble couler sous les plaisirs charnels et artificiels, on est loin du rêve marxiste et de l’égalité des ressources.

Gareth tente de naviguer dans cet univers interlope, mais son enquête se heurte à l’immobilisme de la presse officielle comme les détours du bureau politique, tout est fait pour qu’il n’aille pas en Ukraine. Il va tout de même tenter sa chance, à ses risques et périls…

L’image est magnifique et aide le terrible propos à s’installer. Elle aide également à nous faire supporter l’inimaginable. Si on parle souvent des meurtres, nombreux, commis au nom du peuple par Lénine et Staline, on en oublie ces morts indirects. Ceux[[Holodomor est un nouveau terme forgé en Ukraine pour définir l’extermination par la faim et son caractère intentionnel. En l’espace de deux ans, de l’été 1931 à l’été 1933, près de 7 millions de Soviétiques, dans leur immense majorité des paysans, moururent de faim au cours de la dernière grande famine européenne survenue en temps de paix : 4 millions en Ukraine, 1.5 millions au Kazakhstan et autant en Russie. À la différence des autres famines, celles de 1931-1933 ne furent précédées d’aucun cataclysme météorologique. Elles furent la conséquence directe d’une politique d’extrême violence : la collectivisation forcée des campagnes par le régime stalinien dans le double but d’extraire de la paysannerie un lourd tribu indispensable à l’industrialisation accélérée du pays, et d’imposer un contrôle politique sur les campagnes, restées jusqu’alors en dehors du « système de valeurs » du régime. Source : allociné.fr]] exécutés au nom de la toute puissante URSS, car on a pillé leurs richesses pour faire pleuvoir ors et opulence devant les journalistes et politiques de la capitale pour les épater.

Le scénario est monté en enquête, on suit Gareth Jones dans ses découvertes et son périple. On ne peut qu’être fasciné tout du long. Le portrait est à charge, et il est effrayant. Mais, malgré cela, on est reconnaissant d’être éclairé à la fois sur cette abominable tragédie, mais également sur le métier de journaliste qui est souvent une vocation mal-jugée.

Un grand film, doté d’un casting parfait, à voir autant pour le devoir de mémoire que pour ses qualités de direction d’acteurs, des décors et costumes et du scénario.

Fiche technique

Sortie : 22 juin 2020
Durée : 119 minutes
Genre : drame historique
Avec James Norton, Vanessa Kirby, Peter Sarsgaard