L’Entreprise des Indes – Avis +

– Rien n’y rappelle Cipango, et moins encore l’empire du Grand Khan : ni les paysages, ni l’architecture des bâtiments, ni le visage des autochtones. Se pourrait-il que Christophe ait découvert un continent absolument inconnu jusqu’à lui. Je me rappelle les ricanements des mathématiciens du Comité ! : « Les Indes, monsieur le Génois, se trouvent bien au-delà de l’ouest que vous ne le dites.« 

Au XVe siècle la ville de Lisbonne voit arriver le jeune Génois Bartholomé Colomb qui devient cartographe à une époque où les navires rapportent sans cesse des informations nouvelles sur les découvertes.

Tout à sa tâche de transcription de la réalité qui corrige les mensonges des précédentes cartes, Bartholomé élabore dans le plus grand secret (qui est annoncé à tous) des cartes vitales qui disparaissent mystérieusement dans les mains d’espions. Mais les informations concernant les récifs sont-elles toutes exactes ? Après tout « un bon naufrage évite une bataille navale »…

Cependant les disparitions des navires portugais sont également fréquentes. Et de nombreuses épouses attendent sur le rivage le retour de leurs maris disparus. Parfois l’une d’elle disparaît dans un bois à proximité, au bras d’un galant qui s’efforce de la consoler. Et les années passant, certaines envisagent de convoler à nouveau.

C’est ainsi qu’un homme de loi avisé a créé une nouvelle profession : « avocat de l’absence ». Il fabrique des veuves. En effet avant de pouvoir se remarier les femmes des marins disparus doivent selon la loi portugaise attendre l’âge respectable de 70 ans. Mais tout change lorsque des témoins attestent officiellement du trépas du malheureux époux.

Et c’est ainsi que les exploration se poursuivent ramenant informations, hommes et animaux. Il arriva même à un éléphant de disparaître dans le dédale des rues de Lisbonne (on retrouva ses défenses). Quant aux esclaves ramenés d’Afrique, cela causa quelque émoi chez les autorités religieuses en raison d’un certain problème moral. En effet les dames de la haute société ne voyaient aucun inconvénient à prendre leur bain et donc à se dévêtir en présence de leurs esclaves (esclaves masculins). Interrogés par l’évêché certains savants assurèrent que les Noirs venaient des antipodes. Les Antipodiens vivaient donc la tête en bas. Par conséquent leur vision devait être inversée.

Pendant ce temps, Bartholomé se contentait de s’interroger sur la nature humaine et de rédiger des cartes. Mais voilà qu’en 1476, un rescapé d’une bataille navale vint lui demander l’hospitalité : il s’agissait de son frère Christophe.

Celui-ci avait un rêve : gagner les Indes par l’ouest. Il enrôla son frère dans ce projet. Aussitôt, Bartholomé et Christophe Colomb réunirent les informations disponibles comme la localisation des îles qui parsemaient l’Atlantique. Malheureusement, certaines étaient imaginaires. D’autres avaient tendance à disparaître. De plus, Denys d’Alexandrie n’avait-il pas affirmé que les îles n’étant pas reliées au socle de la Terre pouvaient se déplacer  ?

Qu’importe. Deux choses étaient immuables : la circonférence de la Terre et la taille de l’Asie. Certes les distances étaient alors difficilement franchissables. Mais il suffisait de raccourcir la sphère terrestre et d’allonger la taille de l’Asie… Ainsi il était possible d’établir une nouvelle route des Indes.

Successeur de Jacques-Yves Cousteau à l’académie française Eric Orsenna nous relate avec un lyrisme quelque peu sarcastique la genèse de la découverte des Amériques. Ceci se déroule à une époque d’enthousiasme chaotique où les tragédies s’accompagnaient d’une fantastique progression de connaissance et où le savoir s’agrémentait encore d’une large part de légende. Donnant une large place à la magie des îles et à la formation d’une vérité née d’un mensonge, cet ouvrage instructif nous relate l’origine d’une aventure d’exception.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 400
Editeur : Stock
Collection : La Bleue
Sortie : 12 mai 2010
Prix : 21,50 €