Interview de Jacqueline Carey

Bit-lit.com/Onirik : Kushiel est une œuvre extrêmement riche et dense, on ne peut s’empêcher de se demander combien de temps ont pris les recherches pour arriver à un tel résultat ? Est-ce que vous avez commencé à écrire en même temps que les recherches ou est-ce que vous avez préféré attendre d’avoir rassemblé le plus de choses possibles avant d’entamer l’écriture ?

Jacqueline Carey : C’est une question à laquelle il est très difficile de répondre, l’écriture en elle-même a pris environ une année mais en fait il y a eu une gestation assez longue. J’y ai pensé, j’ai entamé les recherches qui pourraient nourrir ce travail pendant à peu près 3 ans.

Bit-lit.com/Onirik : Vous avez choisi de situer votre histoire dans une Europe revisitée où la France est rebaptisée Terre d’Ange. Est-ce que justement vous vous êtes inspirée d’une période précise de l’Histoire européenne pour développer les complots, les mœurs, les modes vestimentaires que l’on retrouve dans Kushiel ?

Jacqueline Carey : La période historique qui nourrit Terre d’Ange s’apparente plutôt à la Renaissance, c’est un peu la sensibilité qu’il y a mais la véritable date à laquelle ça se passe, c’est plutôt le quinzième siècle. Mais j’ai retenu certaines cultures dans l’histoire et il y en a d’autres que j’ai poussées plus loin que le stade où elles en étaient.

Bit-lit.com/Onirik : Bien que classée fantasy, une œuvre comme Kushiel n’a-t-elle pas connu les foudres de personnes choquées par le lien étroit que vous tissez entre la foi et le commerce du corps ?

Jacqueline Carey : C’est amusant que vous posiez cette question parce qu’en fait, on me la posait plusieurs fois au cours de cafés littéraires et d’interventions, peut-être effectivement qu’on pourrait s’attendre que dans une Amérique un peu puritaine il y ait eu des personnes qui soient choquées, si ça a existé en tout cas, moi je ne l’ai pas ressenti personnellement. Comme je l’ai dit, si jamais il y a un accueil qui est négatif concernant ce genre de livres, au lieu d’envoyer une lettre à l’éditeur, en général ce que les gens font c’est d’aller sur internet et de laisser un avis extrêmement négatif sur amazon.com.

Bit-lit.com/Onirik : La grande sensualité de votre œuvre est une chose plutôt rare en fantasy en France, les scènes SM sont magnifiquement décrites, d’où vous est venue l’idée d’associer la douleur au plaisir de Phèdre ? Pourquoi l’utiliser comme un instrument ?

Jacqueline Carey : Le personnage de Phèdre représente un petit peu une sorte de mystère, pour moi il y a toujours une part du processus créatif que revêt donc justement ce genre de livres, chez moi c’est d’où viennent les personnages ? Je savais depuis le début que le personnage aurait cette nature là. C’était l’étincelle d’origine mais justement ça fait partie de la part mystérieuse et je serais bien incapable de vous dire pourquoi et comment c’est arrivé.

C’est un peu le défi de cette inspiration, je me suis posée la question : est-ce que c’est une chose que je devrais faire? Est-ce que je peux le faire? Est-ce que j’ai le droit de le faire ? Est-ce que ça vaut la peine de le faire? Et puis j’ai décidé qu’effectivement c’était le cas, que c’était finalement une façon d’examiner les conventions habituelles de la fantasy concernant les personnages féminins, qui en général sont difficiles. Et puis après, d’inverser ou de bouleverser la convention d’une façon intéressante.

Bit-lit.com/Onirik : Avez-vous vos propres limites au sujet des sévices relatés dans cette saga ? Y-a-t-il des choses que vous refuseriez de décrire ?

Jacqueline Carey : Je ne veux pas aller plus loin que là où je suis allée dans le troisième tome. Il y a des formes de dégradations que je préfère ne pas explorer.

Bit-lit.com/Onirik : Vous avez, semble-t-il, beaucoup voyagé. Ces nombreux voyages vous ont-ils aidés à rendre plus vivants et plus riches tous ces lieux incroyables qui apparaissent dans vos livres ?

Jacqueline Carey : Oui absolument. Dans un monde idéal, j’aurais la possibilité de voyager dans tous les lieux que je décris, malheureusement l’argent et le temps ne me le permettent pas. Mais c’est vrai qu’on peut quand même tirer et extrapoler sur l’expérience qu’on a de certains endroits et appliquer ça à ce qu’on écrit.

Bit-lit.com/Onirik : Vous êtes-vous inspirée de personnes réelles pour composer vos personnages principaux ?

Jacqueline Carey : Celle là est facile : non.

Bit-lit.com/Onirik : Aurons-nous l’occasion de recroiser Phèdre, Joscelin ou même Hyacinthe dans la nouvelle trilogie concernant Imriel de la Courcel ?

Jacqueline Carey : Oui, et d’ailleurs c’était l’une des choses les plus difficiles à faire dans l’écriture de cette trilogie de passer de l’écriture depuis le point de vue de Phèdre à un autre point de vue, c’est-à-dire des gens qui la voient de l’extérieur, avec d’autres yeux.

Bit-lit.com / Onirik : Lequel des tomes de la trilogie Kushiel avez-vous préféré écrire ?

Jacqueline Carey : Une question à laquelle il est véritablement impossible de répondre. Si vous me demandez dans tel ou tel livre quelle est la partie que vous avez préféré écrire, ça je peux répondre mais savoir quel livre on a préféré ça c’est un peu comme demander quel est celui de vos enfants que vous préférez.

Bit-lit.com/Onirik : Une adaptation cinématographique de vos romans est-elle prévue ?

Jacqueline Carey : Ce n’est pas en cours mais ça m’intéresse toujours de parler de cette possibilité, si ça pourrait intéresser quelqu’un. Je pense qu’il y a à peu près une infinité de façons de faire ça très mal et un petit nombre de possibilités de le faire très bien.

Merci beaucoup Jacqueline Carey d’avoir bien voulu répondre à nos questions !

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Crédit photo : bit-lit.com