Anna Christie – Avis +

Présentation officielle

A la mort de sa femme, Chris Christopherson a abandonné sa fille Anna dans une ferme avant de repartir en mer. Quinze ans plus tard, au début de la pièce, il l’attend dans un bar crasseux de New York sans l’avoir jamais revue. Il va l’emmener avec lui en mer « pour qu’elle se repose ». Elle a surgi de nulle part, tout comme le marin Burke repêché en mer. Burke est fasciné dès le premier regard et désire l’épouser. Anna, entravée par son passé de prostituée, va revendiquer face à ces deux hommes son autonomie et sa liberté.

Avis d’Artémis

Anna Christie est une œuvre saisissante et émouvante qui, malgré ses presque 100 ans, nous interpelle et nous touche. Cette pièce portuaire d’Eugene O’Neill (prix Nobel de littérature) est jouée ici dans une nouvelle traduction de Jean-Claude Carrière, resserrée autour de 4 personnages et une durée d’une heure quarante (pour en savoir plus sur la genèse de cette production théâtrale, retrouvez le compte-rendu d’Onirik sur la rencontre avec l’équipe artistique).


Féodor Atkine, qui joue le père d’Anna, est tout simplement magistral. Il incarne Chris, ce marin qui a abandonné sa fille, heureux de la retrouver, tout en étant incapable de lui exprimer ses sentiments. Le spectateur ressent son désespoir, ses hésitations, sa joie, sa lâcheté aussi. La mer est sa malédiction, et elle lui sert de bouc-émissaire, lui permettant de fuir ses responsabilités. Ce cri de révolte envers la mer, scandé tout au long de la pièce, reflète à la fois le pathétique du personnage mais aussi sa détresse et ses peurs.

Dans le premier acte, Charlotte Maury-Sentier est marquante dans son rôle de tenancière de vieux bar portuaire. C’est là que Chris vient boire, trop, et avec elle qu’il partage ses peines. Elle est celle qui accueille Anna (émouvante et sensible Mélanie Thierry) lors de son arrivée, comprenant en quelques mots son passé. Anna est fatiguée en arrivant, elle sort de l’hôpital et espère trouver le repos auprès de son père, qui lui a caché qu’il continuait de travailler en mer.

Cette jeune femme malmenée par la vie, réduite à la prostitution pour échapper à la pauvreté et la maltraitance de la famille qui l’a accueillie, accepte de suivre son père en mer. Contrairement à lui, elle est fascinée par cette mer purifiante, qui nettoie les âmes… Cette scène au début du 2e acte est sublime et reste en mémoire : Anna et Chris plongés dans un brouillard épais mais lumineux, bougeant imperceptiblement comme à cause du roulis de leur embarcation.

Ce calme bénéfique et bienvenu que recherchait Anna est bien vite troublé par une tempête, au cours de laquelle un marin irlandais, Burke, est repêché, sauvé du naufrage de son bateau. Stanley Weber transmet avec talent la force et la naïveté de ce personnage, l’ancrage de ses convictions et son amour pur pour Anna. Mais Chris refuse que ces deux-là s’aiment, convaincu que Burke fera souffrir sa fille comme lui-même a fait souffrir la mère d’Anna.

Entre ces deux hommes, Mélanie Thierry nous bouleverse dans la revendication à la liberté d’Anna, refusant de passer d’un joug à un autre, clamant son indépendance. Mais elle cherche aussi à préserver son père (qui ne connaît pas son passé), malgré la complexité de leur relation, marquée par un abandon. Son parcours vers le pardon est d’autant plus beau.

La mise en scène de Jean-Louis Martinelli met admirablement en valeur le texte et les relations entre les personnages, installant une atmosphère particulière pour chaque acte. D’ailleurs, des images restent à l’esprit du spectateur même après la pièce.

Les costumes de Camille Janbon sont pertinents et contribuent à créer les personnages (notamment l’évolution de la manière dont Anna s’habille au fur et à mesure des actes de la pièce et de son cheminement personnel). La scénographie de Gilles Taschet est également très bien pensée, avec un décor travaillé et sobre, permettant de plonger dans l’histoire et le contexte portuaire immédiatement.

En conclusion, ne manquez pas l’occasion de découvrir cette pièce forte et magnifique d’Eugene O’Neill, dans une production remarquable à tout point de vue.

Informations pratiques

Théâtre de l’Atelier, 1, place Charles Dullin, 75018 Paris
A partir du 20 janvier, du mardi au samedi 21h, Matinées samedi 16h30 et dimanche 15h30
Prix : de 16,10 € à 42,10 €
Réservations 01 46 06 49 24

Plus d’informations et bande-annonce du spectacle sur le site du Théâtre de l’Atelier