Amour pour rire – Avis +

Résumé de l’éditeur

Prattville, petite ville paisible des États-Unis. Ses fêtes municipales, ses querelles de voisinage, ses commérages… Sur ce dernier point, Prattville est championne toutes catégories ! Mais parfois, les ragots font du mal. Tulsa May, que son fiancé vient de quitter, en est une victime innocente.

Luther, son ami d’enfance, est un jeune homme très malin. Il a compris que les commérages ont la puissance paisible d’un fleuve. Or, un fleuve, on ne l’arrête pas, on le détourne. D’où l’idée de génie qu’il propose à Tulsa May : faire croire à tout le monde qu’ils sont fiancés. Prattville n’y voit que du feu ! Mais à si bien interpréter leur rôle, ne vont-ils pas finir par se prendre au jeu ?

Avis de Marnie

Voici la suite de La liaison scandaleuse, roman dans lequel nous avions le plaisir de faire connaissance avec la petite ville de Prattville, et surtout de ses habitants. Nous entendions alors parler de rumeurs et ragots, occupations préférées de ces petites gens renfermés sur eux-mêmes et promptes à juger leur prochain. Quelques années ont passé depuis que Jed et Cora, héros de l’histoire précédente (et que nous aurons le plaisir de retrouver ici), se sont mariés et les médisances ont trouvé d’autres cibles, car comme tout le monde le sait, les gens heureux n’ont pas d’histoires.

Ainsi, la fille du pasteur Tulsa May, que nous avions connu en adolescente gauche, trop intelligente, gaffeuse et incomprise, a bien grandi. Le jour où ses parents donnent une réception pour annoncer ses fiançailles avec le médecin, celui-ci s’enfuit… laissant une jeune femme décontenancée, blessée par l’humiliation subie, sans que son coeur ne soit touché. La jeune femme a surtout conscience de son physique ingrat, ce qui l’a toujours empêché de révéler à son meilleur ami, Luther, l’amour qu’elle éprouve pour lui, le plus beau garçon de la ville. De son côté, avec l’âme chevaleresque qui le caractérise, le jeune homme va courir au secours de sa confidente et meilleure amie pour apporter d’autres grains à moudre aux commères de la ville.

Le talent de Pamela Morsi, est de rendre aussi profondément touchante cette histoire d’amitié d’enfants, adolescents joueurs, qui se découvrent peu à peu amoureux fous l’un de l’autre. Tulsa May a toujours eu le sentiment de décevoir indéfiniment ses parents, ne comprenant pas et ne faisant jamais ce que l’on attend d’elle. Depuis longtemps, comme elle le dit elle-même, la jeune femme a décidé de prendre le bon côté des choses et de saisir dans toutes les situations, quoi qu’il arrive avec un absurde acharnement, le verre à moitié plein. C’est ce trait de caractère infiniment plaisant qui a su trouver au coeur de Luther sa place. Lui, qui a passé sa jeunesse à tenter de se faire aimer par sa grand-mère sans vraiment y réussir, qui a protégé envers et contre tout son jeune frère, qui a dû se battre pour faire accepter son métissage, l’amitié indestructible, reposante et spontanée de Tulsa May ont apaisé toute la révolte qu’il pourrait ressentir.

Par petites touches, l’auteur nous fait ressentir l’évolution de ces deux amoureux plus blessés par la vie qu’ils ne veulent bien l’admettre, et qui doivent aussi tenter de trouver leur place dans cette petite ville si fermée… En cela, le contexte est tout aussi intéressant. Nous qui avions connu Prattville totalement en autarcie, voici que les automobiles viennent pétarader dans les rues. Nous sommes en 1916. Il y a une guerre en Europe et peu à peu, le monde extérieur envahit le calme et la paix relative de la petite ville. Les profonds bouleversements guettent l’Amérique, le progrès est en marche et cette atmosphère si paisible sera à tout jamais transformée.

Même si l’humour est toujours présent, une certaine gravité, un petit côté doux-amer semble ici plus prononcé que dans La liaison scandaleuse, qui mettait l’accent sur l’intransigeance et l’intolérance des habitants de Prattville. Ici, la réalité, comme une ombre maléfique, imprègne le récit. L’évolution est très joliment amenée, et habilement maîtrisée.

Amour pour rire (encore un titre d’un ridicule achevé) bien mieux intitulé en version originale, Runabout, du nom de la marque de la voiture préférée de Tulsa May qui joue un rôle très important dans cette histoire, est un roman qui se lit et se relit avec toujours autant de plaisir. Il est intemporel, la simplicité des dialogues mettant en valeur la force des sentiments, la chaleur, la tristesse et la joie de ces personnages simples, Monsieur et Madame tout le monde, anti-héros privilégiés de Pamela Morsi, et dans lesquels, n’importe qui peut se retrouver. Nous sommes très loin de l’univers des mâles alpha et tycoons en tout genre, ce qui est rafraîchissant au possible !

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 315
Editeur : Jai Lu
Collection : Amour et Destin
Sortie : 4 janvier 1999
Prix : 6,40 €