1940 : Et si la France avait continué la guerre – Avis +

Moi, général de Gaulle ministre de la guerre, au nom du gouvernement de la République, j’ordonne à tous les officiers et soldats de faire bloc et de faire front. Chaque pas que l’ennemi fait sur notre territoire, il doit le payer d’un lourd tribut celui du sang. J’appelle tous les ingénieurs et ouvriers travaillant dans la défense nationale et tous les spécialistes des armements à se mettre immédiatement en contact avec les autorités pour rejoindre l’Empire sans délai afin d’y oeuvrer à nos victoires futures.

6 juin 1940 : Hélènes de Portes, maîtresse de Paul Reynaud, meurt dans un accident de circulation au pont de l’Alma
12 juin : le ministre de l’intérieur Georges Mendel fait arrêter le maréchal Pétain pour haute trahison
14 juin : entrée des forces allemandes à Paris. À la radio nationale repliée à Tours, le général de Gaulle prononce son discours connu dans les mémoires sous le nom de l’Appel du 14 juin
18 juin : anniversaire de la bataille de Waterloo
14 juillet : opération Scipion, des troupes venues de Tunisie et d’Egypte déferlent sur la Lybie italienne
18 juillet : à l’université Oxford mise en place du projet franco-britannique Concorde ( !) sur la recherche atomique
7 août : fin de la bataille de France
24 août : opération Judgement, frappe aéronavale franco-britannique sur Tarente
2 septembre : opération Marignan débarquement en Sardaigne
8 septembre : opération Cordite débarquement à Rhodes
13 octobre : à Versailles Pierre Laval, flanqué de Marcel Déat, Jacques Doriot & Gaston Bergery, se proclame chef de l’Etat français
2 novembre : dans le journal Figaro paraissant à Alger Raymond Aron évoque pour la première fois le mot « Résistance » pour décrire les actions contre les Allemands dans la France occupée
23 novembre : le sous-marin Poincaré[[qui porte le nom du mathématicien Henri Poincaré, le cousin de l’homme politique Raymond Poincaré (et non son frère comme indiqué dans cet ouvrage)]] récupère, dans une calanque de Marseille, le préfet Jean Moulin
29 novembre : à Alger le général de Gaulle dénonce le régime de Versailles « un quarteron de politiciens factieux et faillis, chassés sous les huées de leurs propres partis« 
4 décembre : le jeune Michel Debré, rapporteur de la commission pour la sauvegarde des institutions républicaines, présente le rapport pour la révision constitutionnelle de la IIIe République
20 décembre : le commandant Raoul Salan (!) rend respectueusement compte au général De Gaulle de l’offensive franco-britannique en Ethiopie visant à réinstaller sur son trône l’empereur Hailé Sélassié autrefois chassé par les Italiens
27 décembre l’équipe scientifique franco-britannique d’Oxford comprenant Frédéric et Irène Joliot-Curie découvre un nouvel élément qui sera baptisé plutonium. Parallèlement, le gouvernement belge poursuit l’extraction de l’uranium dans le Haut Katanga

Réécriture de l’Histoire, l’uchronie permet des spéculations intéressantes sur ce qui aurait pu se passer si un évènement historique ne s’était pas déroulé comme prévu. Le point de divergence de cette alternative historique est la mort prématurée de la comtesse Hélène de Portes[[elle décéda dans un accident de la route le 28 juin… loin du pont de l’Alma, lieu du trépas d’une certaine princesse]] qui poussait son amant Paul Reynaud dans le camp des défaitistes. Dès lors « libéré » (selon la formule du général de Gaulle), le président du Conseil réagit, passe une alliance politique avec la SFIO de Léon Blum et refuse toute idée d’armistice.

Les combats se poursuivent. Remplaçant Weygand, le général Huntziger ordonne aux troupes de ralentir l’avancée ennemie pour permettre le Grand Déménagement. 900 000 Français, Anglais, Belges et Polonais, militaires, scientifiques et techniciens seront évacués vers l’Angleterre et l’Afrique du Nord, sans oublier des dizaines de milliers de républicains espagnols et 2 000 hommes du camp des Milles (dirigé par le commandant Charles Perrochon) qui s’engagent dans la Légion Etrangère.

Le transit à travers la Méditerranée est organisé par l’amiral Muselier (qui n’aura jamais l’idée d’ajouter une croix de Lorraine au drapeau français), très vite évincé par l’irascible amiral Darlan, bien décidé à poursuivre la lutte. Mers-El-Kebir n’a pas été attaquée, Churchill ayant proposé l’opération Catapult contre les îles Pélages et Panterellia occupée par les Italiens.

Créé sur internet le projet Fantasque Time Line a aboutit au site www.1940lafrancecontinue.org où une coopération internationale a envisagé les divers aspects politiques et militaires, d’où une description détaillée des décisions et des différentes batailles (un index aurait été souhaitable). L’armistice n’ayant pas été demandé la France a alors été entièrement occupée, mais cela a couté d’avantage à l’Allemagne nazie en hommes et en matériel.

Ce contexte uchronique est basé sur des données humaines et stratégiques. De nombreux membres du gouvernement français étant partisan de poursuivre la lutte, tandis que l’offensive des panzerdivisions allemandes connaissait des problèmes logistiques. De plus, la poursuite de l’alliance franco-britannique durant la deuxième moitié de 1940 permettait une supériorité locale des Alliés face à une armée italienne insuffisamment modernisée, alors que que les troupes françaises étaient rééquipées avec des véhicules et des armements prélevés sur les stocks de l’armée américaine. En Lybie, cela permettra le succès d’une offensive blindée menée par le commandant Philippe de Hauteclocque (qui prendra le nom de Leclercq pour préserver sa famille restée en France)
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On remarquera que les auteurs n’ont pas pu s’empêcher de jouer sur le pittoresque avec de nombreuses références historiques ou cinématographiques. Les chasseurs ardennais belges défendent héroïquement la route d’Avignon, tandis qu’un chapitre s’intitule « Il faut sauver la 7e Division »[[toute personne n’ayant pas compris l’allusion est invitée à consulter la filmographie de Jean Lefebvre]]. Vétéran de l’aéropostale, le pilote Henri Guillaumet[[rappelez-vous « aucune bête ne l’aurait fait » ]] part chercher en contrebande des moteurs d’avions en Yougoslavie. Et pendant ce temps les Anglais ne comprennent pas l’air interloqué de leurs interlocuteurs français lorsqu’ils proposent de baser des bombardiers de type Wellington en Corse !

Fiche Technique

Auteurs : Jacques Sapir, Frank Stora, Loïc Mahé, Laurent Arenales del Campo,Benoît Gérard, Jean-Marc Mendel, Jean-Philippe Such et Alain Venturini
Editeur : Tallandier
Sortie : avril 2010
Prix : 26 euros
Inédit, grand format, 590 pages