Stefan Zweig – Avis +

Présentation de l’éditeur

« Il y a un mystère Zweig : j’ai écrit ce livre pour tenter de le percer. Comment un écrivain aussi secret et discret a-t-il été capable d’allumer un feu chez ses créatures romanesques et de le faire partager à ses lecteurs ? Ce sont les origines de ce feu que j’ai cherché à découvrir à travers les péripéties de sa vie.

Je suis allée à Vienne et à Salzbourg, dans cette Autriche finissante avec laquelle Zweig a entretenu des rapports si complexes d’amour-haine, puisque ce pays a été sa véritable patrie et la source de tant de souffrances. Je suis allée au Brésil, à Petropolis, haut lieu de son suicide et de son désespoir. Homme de passion, sous son élégance MittelEuropa, c’est un écrivain qui se livre difficilement. Il faut partir à sa recherche, décrypter ses amours et ses amitiés.

Ce parfait homme de lettres en apparence est un artiste qu’attire la foudre – les folies d’Amok ou les tabous de la vie des femmes, que celles-ci osent à peine s’avouer à elles-mêmes, leurs voluptés secrètes. Ami de Romain Rolland, d’Emile Verhaeren, de Thomas Mann, de Joseph Roth, tous grands Européens qui croyaient comme lui à la paix, à l’amitié, dans un monde ouvert et concilié, cet écrivain raffiné, choyé par les élites, aurait pu demeurer comme l’archétype d’une civilisation disparue. Son prodige est d’avoir réussi à conquérir aujourd’hui un si vaste public. Loin de rejoindre dans les bibliothèques les auteurs à demi oubliés de son temps, Zweig rayonne. Il continue de séduire.

On aime son style, rapide et sûr. Sa compassion, inégalable. Sa sensibilité d’écorché vif. Peut-être aussi les lueurs sombres, les fumées délétères de son œuvre, qui correspondent si bien à nos angoisses, à nos tourments contemporains.

Zweig était lui-même biographe : auteur de livres qui sont des modèles du genre, Marie Stuart ou Marie-Antoinette. C’était pour moi une dette d’écrire à mon tour sa biographie : tenter de rendre vivant cet homme de passion dans une biographie passionnée. »

Avis d’Enora

La biographie de Dominique Bona est une des plus sensibles qui fut écrite sur Stefan Zweig. On sent dans son approche non seulement l’érudition et les recherches mais aussi l’intérêt humain et passionné pour ce grand écrivain humaniste.

Stefan Zweig est né à Vienne en 1881, dans une famille de la grande bourgeoisie juive. Certes la vie est aisée mais pauvre en tendresse et en amour. A l’époque le but de l’éducation n’était pas de faire des adultes heureux mais de former des hommes aguerris au travail et pourvu de l’ambition de réussir. Pour Zweig son enfance ressemblera à une étroite prison dans laquelle il pleurait (poème de Brûlant secret). Est-ce de là qu’il tirera cette mélancolie qui l’a accompagné toute sa vie, même au temps de son succès ?

En cette fin de XIXe siècle, c’est l’âge d’or pour Vienne et pour la communauté juive qui l’habite. Quarante cinq ans de paix et de prospérité permettront l’explosion d’une vie culturelle sans précédent. Pour Zweig la découverte de la littérature est une ouverture extraordinaire dans sa vie. Il publie ses premiers poèmes à 15 ans et à 23 son premier recueil de nouvelles puis suivra une biographie de Verlaine et un essai sur Balzac. Intelligent, très cultivé, parlant couramment plusieurs langues, c’est un grand européen doublé d’un humaniste. La question de son identité juive ne se pose pas vraiment car alors la vie culturelle viennoise est essentiellement juive, que ce soit dans la littérature, le théâtre ou la peinture. Le judaïsme n’est pour lui que son origine, sa richesse mais aucunement un problème.

Est-ce parce qu’il n’a pas trouvé auprès de son père la reconnaissance et l’admiration qu’il espérait, qu’il recherchera des maitres ? Trois ont compté dans sa vie : le poète belge Emile Verhaeren, Sigmund Freud avec qui il échangera une nombreuse correspondance et dont la « mort assistée » le bouleversera et Romain Rolland qu’il rencontrera en 1911 et dont il s’éloignera quand ce dernier se convertira au communisme. Romain Rolland qui préfacera Amok en saluant en lui son esprit européen, en le nommant le plus grand écrivain autrichien et en l’appelant un chasseur d’âmes habité par le besoin de découvrir la passion qui anime les hommes.

La première guerre mondiale déstabilise Stefan Zweig. Il est confronté au déchirement fratricide de l’Europe, milite pour la paix et dit toute sa haine de la guerre dans une pièce de théâtre, Jérémie. Il revient en Autriche en 1919, se remet à écrire ; c’est le début de son succès. Entre temps il a épousé Friderike qui a deux filles d’un premier mariage et pose sur lui un regard maternant. Entre eux il y aura une communauté d’esprit très forte qui leur permettra de rester en relation même après leur divorce. C’est à elle qu’il enverra son ultime lettre.

A partir de 1925 il traverse une crise interne qui le rend mélancolique, vieillir lui fait peur, il souffre de tout. La montée du nazisme ne l’inquiète pas plus que ça jusqu’au jour où la police débarque chez lui en 1934 pour y chercher des armes. En vingt quatre heures il fait ses bagages et part en Angleterre sous prétexte de faire des recherches pour sa biographie sur Marie Stuart. Il s’y remariera avec Lotte, sa secrétaire, petite fille d’un rabbin polonais en exil. Sa jeunesse lui faisait-il oublier son vieillissement ? En tous cas malgré sa maladie, elle est asthmatique, Lotte lui permettra de continuer à écrire. Ils voyagent, de Paris à New York, pour se poser en 1941 à Petrópolis où ils se suicideront.

Le suicide de Stefan Zweig a fait couler beaucoup d’encre et beaucoup ont essayé d’en trouver les causes. Décision d’humaniste ? D’homme dépressif ? La lassitude, l’absence d’espoir ? Ce qui est sur c’est que son exil lui pesait ainsi que l’absence de ses amis et que la guerre avait fait naître chez lui une grande amertume.

Stefan Zweig était un écrivain humaniste, discret, qui voulait offrir la culture aux plus grand nombre. Séducteur il cherchait en même temps à fuir l’image de lui qu’il avait créée. Toujours insatisfait, comme beaucoup de créateurs, il se trouvait en dessous de ses attentes. Ses peurs et ses fractures en ont fait un des plus grands écrivains sur l’âme humaine.

Merveilleusement documentée, cette biographie se lit comme un roman mais surtout elle donne envie dès sa lecture terminée, de fouiller la bibliothèque et de se replonger dans l’œuvre d’un écrivain qui n’a pas pris une ride. C’est bien le but ultime d’une biographie réussie !

Fiche technique

Format : broché
Pages : 462
Editeur : Grasset
Sortie : mai 2010
Prix : 20,90 €