Mon garçon – Rencontre avec Guillaume Canet et Christian Carion

Guillaume Canet : Et pourquoi on ne le tournerait pas en 3 jours ?

C’est juste après la projection du thriller français au Club 13, que Christian Carion et Guillaume Canet nous parlent de ce film tourné dans des conditions quelque peu différentes de l’ordinaire. Avec humour et sans langue de bois.

Christian Carion débute la session questions/réponses, seul. Guillaume étant en retard, le réalisateur se lance et nous apprend comment Mon garçon a vu le jour… Il explique que le projet du film est né d’une contrainte et d’une envie. La contrainte était que, en automne 2016, Guillaume était en pleine post-production de son film Rock’n’roll. Il lui était donc difficile de trouver les deux mois habituels nécessaires à un tournage dans son emploi du temps.

C’est au cours d’un dîner que Guillaume questionne le réalisateur sur le projet. Christian Carion nous raconte l’échange qui s’installe entre eux :

Guillaume : Mais, l’histoire, elle se déroule sur combien de temps ?
Christian : Bah, la vraie histoire, c’est sur 3 jours, quoi.
Guillaume : Et pourquoi, on ne tournerait pas en 3 jours ?

Christian : Guillaume, t’es réalisateur. Tu sais que c’est débile ?

Et pourtant, en sortant du restaurant, Christian était finalement très excité à l’idée de tourner sur un temps court et a appelé son équipe pour savoir si cela était envisageable. L’idée de créer un concept tel qu’il avait été fait dans le film Victoria (que tous deux ont vu). La particularité de ce film est d’avoir été tourné en un seul plan-séquence de 2H30. Guillaume venait de lui lancer un défi, et Christian voulait le relever.

L’idée était donc de filmer Julien, le personnage interprété par Guillaume Canet, heure par heure. Donc, pas de répétition pour l’acteur, puisque le personnage, qui est tout le temps à l’étranger, arrive et découvre ce qui s’est passé. Il tente de comprendre ce qui est arrivé à son fils et pourquoi. Guillaume devait être dans le même état d’esprit. Christian lui a donc donné quatre pages concernant le personnage de Julien, avant la disparition de l’enfant, ses études, sa femme, sa vie professionnelle. Rien d’autre.

Il a ensuite plongé Guillaume Canet dans le flou total jusqu’au bout, le faisant improviser alors que les autres acteurs cherchaient à l’amener là où ils voulaient. Parce que ces derniers, comme l’équipe technique, avaient le scénario et ont été préparés pendant deux semaines pour le tournage. L’idée était que les scènes soient faites en une seule prise pour un rendu naturel, vrai. Pas de champs contrechamps, juste deux caméras s’ils y a deux acteurs lors de la prise. Le tournage devait se faire heure par heure. Dans l’ordre chronologique du récit.

Guillaume devait être isolé des autres pour ne pas être mis au courant de quoi que ce soit par un tiers. L’équipe avait interdiction de s’adresser à l’acteur. Pour lui adresser un message, il fallait passer par le réalisateur. Guillaume ne mangeait pas avec les autres, et dormait dans un hôtel différent. Guillaume est donc devenu fou, nous avoue Christian Carion. Parce qu’il était dans la parano que j’espérais. Il nous voyait parler à voix basse, il se disait qu’est-ce qu’ils préparent ?

Christian lui tendait des fausses pistes. Il se souvient être venu chez lui pour préparer sa valise avec lui, car Guillaume utilisait ses propres vêtements pour le tournage. Christian lui a fait prendre un costume, qu’il lui avait fait mettre dans une housse et il lui avait fait croire que ça allait servir dans le film. Tous les matins, nous confie-t-il, je lui demandais s’il avait le costume. Ce dernier n’a jamais servi.

Guillaume Canet, arrivé entre temps et les cheveux coupés courts, nous a expliqué son point de vue sur le projet et le tournage. J’avais dit à Christian que je ne voulais pas retrouver l’enfant mort. En effet, en tant que père, il ne se voyait pas supporter une telle charge émotionnelle. Jusqu’au bout, il s’est demandé si cela avait été respecté. La vérité, il ne l’a eue qu’à la fin, en même temps que le spectateur.

Et, il nous confie que comme pour chaque film, il imagine son personnage en un animal : Pour moi, c’était un fox-terrier à poils ras. En somme, un chien de chasse, un animal qui traque et qui, une fois sa proie entre les crocs, ne lâche pas. Cette image de prédateur correspond à l’image que Christian Carion venait de faire de lui avant son arrivée. Guillaume, emporté par la manipulation qui a été faite pour le mettre en condition, a montré une violence plus grande encore que ce qui était initialement attendu. Le film n’en est que plus fort. On ne peut que saluer la prouesse du réalisateur et de ses acteurs.

Mon garçon est un thriller à voir absolument.