La fin des elfes 2 – Episode 1

Premier épisode

Alors qu’il soignait Lossëa, Olias songeait à ses années d’apprentissage, puis de pratique et à sa rencontre, pour le moins fortuite, avec Nassë. Bien qu’il soit plus jeune que le prince, il se sentait responsable de lui.

Nassë avait toujours été préservé des misères du monde, élevé dans le faste, avec des gardiens à chaque porte. Il était certes loin d’être stupide, mais il était naïf. Et en un sens, Olias était heureux d’être son ami pour cette raison. Nassë lui apportait une fraîcheur, une candeur qui lui manquaient, et lui, le guérisseur cynique, lui mettait du plomb dans la cervelle.

Depuis des siècles, Olias disait les choses telles qu’il les pensait, et cela lui portait préjudice. Il passait pour l’empêcheur de penser en rond de service. Quand on le lui disait, il haussait les épaules et déclarait qu’il préférait être rejeté pour ce qu’il était vraiment plutôt qu’aimé pour ce qu’il n’était pas. Toutefois, cette vie solitaire lui pesait et ne l’aidait certainement pas à supporter son travail.

Ses amis le soutenaient dans ses projets, dans ces recherches, mais il ne pouvait pas non plus leur parler de son travail. Ils étaient politiciens et soldats. Ils ne pouvaient pas discuter d’éventuelles applications de la fleur de thé dans les infections infantiles.

Son épouse le pouvait. Comme lui, elle était guérisseuse, et s’occupait spécialement des elfines enceintes, d’accouchements et de bébés. Elle devait faire face elle aussi à des situations graves et tristes. Toutefois, jamais aux blessures de guerre. Mais elle était plus que son épouse, elle était sa confidente. Et rien ne laissait présager cela.

Olias venait tout juste d’avoir 2550 ans quand il accompagna le détachement armé qui devait libérer le prince Nassë. Du point de vue des elfes, il était encore jeune, et son intégration à l’équipe de guérisseurs royale en avait étonné plus d’un. Il était compétent, mais pas populaire. Il avait vu des choses horribles au long de sa récente carrière de guérisseur, mais il était toujours atterré par les blessures, mutilations et obscénités causées par les guerres.

« Les hommes», ne pouvait-il s’empêcher de penser. Il se détestait pour ça, il savait que c’était raciste. Mais n’avait jamais vu de blessures non accidentelles qui n’aient pas été infligées par eux. Oh, bien sûr, il avait vu des elfes gravement blessés sans que les hommes soient impliqués. Accident d’entraînement, enfants turbulents…

Mais en aucun cas il ne s’agissait d’atteintes volontaires. Il s’était déjà occupé d’elfes qui se mourraient de chagrin d’amour, ou de désespoir. On lui avait appris à mettre de la distance entre ses patients et lui-même, à ne pas s’attacher, ne pas se laisser atteindre. S’il était un excellent guérisseur, Olias n’avait jamais réussi à accéder à cette bienheureuse indifférence.

Chaque malade qu’il ne parvenait pas à guérir, chaque blessure qu’il ne parvenait pas à panser et chaque goutte de sang qu’il ne parvenait pas à empêcher de couler grignotait un peu de son âme. Il se disait parfois qu’un jour, il mourrait avec l’un de ses patients, à force de retenir ses larmes et de serrer les dents.

Ce cynisme ne lui avait pas apporté d’amis. A part Nassë, Mogad et Maiwen, son épouse, il était plutôt solitaire. Même parmi les autres guérisseurs qui reconnaissaient pourtant son talent. Plus que son cynisme, c’était plutôt sa faculté à remettre en question les pratiques et croyances établies qui dérangeait.

Il se souvint…

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Et la suite du tome 2 la semaine prochaine…