L’histoire d’une huître – Avis +

Présentation de l’éditeur

Née d’un père français et d’une mère nicaraguayenne, Cualli a fait très tôt l’expérience de la différence. Alors que ses copines rêvaient de sortir avec Ken, c’étaient les garçons androgynes et mystérieux qui l’attiraient. Quand est venu le temps des premières expériences sexuelles, la douleur ressentie – au lieu du plaisir qu’on lui avait promis – a nourri durablement son mal-être. Mais qu’est-ce qui cloche chez toi, Cualli ?

Ce roman graphique est le récit des découvertes, des rencontres et des questionnements qui jalonnent la vie des femmes aujourd’hui. Apprendre à connaître son corps et ses désirs, c’est mettre des mots sur ses peurs et ses douleurs. Au fil des années et des garçons qu’elle fréquente, dont elle dresse des portraits aussi amusants que tendres, Cualli se découvre et met des mots sur ses démons : dysmorphophobie, asexualité, endométriose, vaginisme…

Autant de maladies complexes qui deviennent claires sous la plume de l’auteure, qui décrit en parallèle son cheminement féministe, inextricable de son expérience personnelle.

Avis de Hiro

Cualli Carnago se livre avec tendresse dans son livre L’histoire d’une huître. Elle retrace sa jeunesse, passe par son adolescence, sa vie de jeune adulte pour arriver peu à peu à ses années de trentenaire. Pour elle, rien n’a été facile d’un point de vue amoureux et sexuel. La jeune femme nous explique qu’elle n’a jamais été attirée par les canons de beauté classique, mais aussi plus jeune, elle a toujours eu une forme de blocage pour ce qui est d’ordre sexuel.

Lorsqu’on est adolescent, si on n’a pas « fait comme les autres », on se sent anormal et plus le temps passe, plus il est compliqué de passer outre cette incapacité à se rapprocher intimement de quelqu’un. L’autrice a eu cette difficulté et nous la raconte. Son corps et ses stimuli ne fonctionnent pas selon ce qui est considéré comme étant la norme. Le comprendre a déjà pour elle été un parcours important. Car on a besoin de mettre des mots sur nos blocages, on a besoin de les comprendre et de les accepter pour pouvoir peu à peu les débloquer.

Cualli Carnago exprime tout cela avec bienveillance et humour, ce qui a pu être source de malheur est présenté avec finesse et pédagogie. Son parcours est intéressant. On ne fonctionne pas tous de la même manière. Beaucoup ont du mal à exprimer leur ressenti quand ça ne marche pas. On se sent alors à part, hors des normes et on a des fois du mal de se comprendre soi-même. Cualli cherche à rassurer en montrant qu’on n’est pas obligé de se fondre dans la norme et que l’important est d’apprendre à se connaître. Elle possède un recul et une maturité que des adolescents n’ont pas encore. Ce livre est un beau message pour des jeunes qui se cherchent encore.

L’histoire d’une huître est un ouvrage passionnant qui mériterait d’être diffusé dans les CDI des lycées. Cualli Carnago parle franchement de sexualité, de pratiques, de situations, tout cela en restant accessible et sans honte. Elle montre comment elle a grandi aussi bien dans son corps que dans sa tête.

Avis de Claire

Longtemps, Cualli Carnago a eu comme idéal masculin les personnages de period drama, ces séries anglaises où tous les hommes ressemblent à de parfaits gentlemen, avec une petite préférence pour les héros imaginés par Jane Austen, le summum du glamour (si on vous dit « chemise mouillée », les initiés comprennent, pour les autres, non ce n’est pas un nom de code). Il s’agit d’une petite anecdote parmi d’autres que nous confie Cualli Carnago lorsqu’elle revient sur son éducation, autant sentimentale que sexuelle.

A travers son parcours, elle se transforme en personnage de roman graphique, souvent visitée par ses muses, dont la Reine Victoria herself (on vous le dit, c’est très drôle en plus), et saisit au vol l’instant délicat où la fillette se transforme en ado, puis en jeune femme. Un des rites de passage, hautement symbolique, est l’arrivée des premières règles, ce sacro-saint état d’être qui fait que le regard posé sur le corps féminin change, et que rien ne sera plus jamais comme avant.

On apprécie la tonalité légère qui a l’art d’évoquer sans fards des sujets qui peuvent être graves. L’autrice fait notamment référence au vaginisme, ce trouble qui l’a habitée longtemps avant qu’elle puisse même l’identifier, le nommer et enfin le combattre. Si Cualli Carnago a trouvé les réponses à ce mal dans son histoire personnelle, elle nous explique aussi très bien les démarches qui ont été les siennes pour en venir à bout. Ce qui fonctionne pour l’une ne fonctionne pas forcément pour l’autre, mais tout commence par la parole.

C’est raconté avec beaucoup d’humour et de tendresse, mais aussi de réalisme. C’est presque comme un mode d’emploi pour jeunes filles en fleur. On comprend l’idée, si cela peut aider des compagnes d’infortune, désacraliser cette expérience qui peut paraitre désagréable, c’est déjà un combat de gagné pour la sororité. A chaque étape, le ton est franc, bienveillant, sans filtres pour que ce soit clairement compris. On souligne le courage de l’autrice pour se livrer ainsi, comme on se confie à une amie.

Fiche technique

Format : broché
Pages : 200
Editeur : La Musardine
Sortie : 18 mars 2021
Prix : 17 €