Fukushima, le couvercle du soleil – Avis +/-

Présentation officielle

Le 11 mars 2011, le Japon est secoué par un séisme, suivi d’un tsunami et de la triple catastrophe nucléaire de Fukushima. L’équipe du Premier Ministre, Naoto Kan, tente de faire face à cette situation.

Que s’est-il passé réellement à la résidence du Premier Ministre au moment de la pire crise de l’histoire du pays ? La vérité a-t-elle été entièrement révélée ?

Avis d’Emmanuelle

Fukushima, le couvercle du soleil, est un film qui s’est essayé au difficile exercice de la reconstitution historique. Juste après le tremblement de terre qui a causé le tsunami ayant ravagé les côtes nippones, nous suivons le cabinet du premier ministre japonais de l’époque, Naoto Kan, qui a dû gérer la catastrophe nucléaire qui en a découlé. Le film alterne les points de vue des politiciens, d’un journaliste et de sa femme, terrée chez elle, d’un employé de la centrale et de sa famille évacuée.

Si le réalisateur a eu l’audace de sortir son long-métrage malgré le boycott imposé par la société de gestion nucléaire Tepco au Japon, il n’a malheureusement fait qu’effleurer les faits. Sous la forme d’un docu-fiction aux airs de télé-réalité avec des prises de vue tremblotantes et l’égrenage des heures affiché à l’écran, on ne peut faire que le constat d’une gestion déplorable, voire totalement ridicule de l’incident nucléaire par les autorités.

Les explications données aux événements qui ont conduit à la fusion du cœur des réacteurs ont été passés sous silence : le ministre, le directeur du commissariat atomique (qui annonce sa totale impuissance en annonçant avoir fait des études d’économie), les journalistes, les habitants alentours, et même le spectateur ici sont laissés dans le flou. La seule conclusion qui découle du film est : le nucléaire, c’est mal.

Malheureusement, le débat qui a suivi la projection de Fukushima, le couvercle du soleil, est du même acabit. L’ancienne ministre de l’environnement Corinne Lepage et L’ancien premier ministre japonais discutaient entre eux de dénucléarisation. Le publique n’a pu poser qu’une misérable question à la fin. Et personne ne s’est dit que ce serait une bonne idée d’inviter un véritable professionnel ou scientifique du nucléaire, histoire de ne pas entendre des remarques aberrantes (« Fukushima est la première vraie catastrophe nucléaire« ) ou bien parler d’un séisme ayant eu lieu en 1400 près de Fessenheim qui pourrait, s’il se reproduisait aujourd’hui, conduire au même incident, ou même de plus de 600 000 liquidateurs morts en Ukraine…

« L’incident » Fukushima est lié à une somme d’éléments difficilement reproductibles aujourd’hui :
– Un séisme a endommagé le réseau électrique commandant la première sécurité de la centrale.
– La vague du tsunami a atteint une hauteur supérieure à la digue construite (prévue pour une vague atteignant maximum 5,7 m de haut), protégeant l’installation.
-Du fait du design cubique des réacteurs, l’eau a stagné à leur pieds, puis a inondé le réseau électrique interne, commandant le refroidissement du cœur, qui a finit par rentrer en fusion.

De nombreux autres défaillances ont suivi, mais la pire est peut-être la défaillance humaine de ceux qui avaient la charge du dossier : aucune action immédiate et efficace, aucune information à la population, refus de l’aide internationale (peur d’un possible espionnage industriel), et repeuplement hâtif de la zone irradiée pour maquiller la dangerosité de l’incident.

Aujourd’hui, des leçons ont été tirées de la catastrophe, essentiellement au niveau nucléaire (car Naoto Kan n’a pas vraiment fait preuve d’humilité, ni de mea culpa pour sa gestion déplorable de l’époque) : les sécurités ont été renforcées, les normes antisismiques ont été revues à la hausse, sont même nés plusieurs grandes innovations, comme les moteurs diesel d’ultime secours (qui prennent en charge la dernière sécurité, sans que l’électricité ait un rôle à jouer), ou bien le centre de contrôle déporté (lors d’une prise d’otage, par exemple, les commandes des réacteurs sont immédiatement transférées à un centre de contrôle extérieur, caché. Impossible de reprendre la main depuis la centrale, le centre sur place est « mort »).

Sortir du nucléaire ne peut pas se faire en un claquement de doigt (un démantèlement de centrale prend des années, et elle doit être entretenue correctement jusqu’à la fin), il s’agit plutôt de repenser notre dépense énergétique. L’éolien, à moins d’être off-shore, n’est pas une solution pérenne, le charbon est extrêmement polluant et nocif (cf le Fog à Londres), l’hydraulique défigure le paysage, noie des contrées entières et en dessèchent d’autres.

Et que dire du traitement des déchets nucléaires ? Alors que la population entière pense que tout est la faute aux centrales, la plus grosse partie provient en fait des déchets secondaires : médicaux (radiographies, gants, etc,. blouses irradiés pendant les analyses et les traitements), industriels et même personnels (merci au cadran phosphorescents de nos vieux réveils).
Il faut avant tout informer : des enjeux, des dangers, des solutions à y apporter. Ce n’est pas en tombant dans la paranoïa, dans le politiquement correct ou dans le joyeux monde des Bisounours où tout le monde est si gentil que l’on va faire évoluer nos ressources énergétiques.

Avis de Valérie

Fukushima nous évoque toujours ces énormes vagues du tsunami qui ont tout balayé sur leurs passages. Et tout de suite après, la catastrophe nucléaire qui après plusieurs jours de crise, a occasionné des rejets radioactifs massifs dans l’océan, et le territoire autour des réacteurs.

Fukushima, le couvercle du soleil relate le rétro planning de l’événement, qui dès le premier arrêt du système de refroidissement du premier réacteur a conduit par un enchaînement de mauvaises réflexions, d’absence de décisions, de fierté mal placée, à la fusion des trois réacteurs sur six que possédait la centrale.

De notre point de vue géographique, nous avions bien eu le sentiment de cafouillage, aggravé par le refus du gouvernement nippon à accepter de l’aide de l’Occident, quitte à ne pas réussir à sauver les réacteurs. Assister à ces erreurs répétées fait du mal. Avec le recul, personne ne peut dire ce qu’il aurait fait, mais la force du film est de démontrer que ça n’aurait pas pu être pire.

Si on apprécie l’effort qui a été fait pour dévoiler les énormes manquements du gouvernement, des journalistes, comme de la société privée qui gérait la centrale, ce qui s’est alors passé est impardonnable. D’autant que l’ex-premier ministre, qui depuis fait campagne contre le nucléaire, est arrivé sur scène un peu comme une rock star, demandant au public de choisir à la fin du visionnage entre lui, l’original, ou l’acteur qui joue son rôle.

Éthiquement, le scénario n’est pas une vraie enquête de type journalistique malgré un décompte temporel à l’écran, tentant de nous faire croire à une recherche de précision. Il y a des manquements, beaucoup de dramaturgie et des partis pris sans aucune base scientifique. Finalement, le film va dans le sens d’une partie du public qui ne cherche pas de faits réels, mais une conformation de leurs idées antinucléaire.

Néanmoins, et si l’on omet les défauts cités, cela reste le regard de ceux qui ont vécu l’événement de leurs propres yeux, et dans leur chair. Il nous ouvre le petit bout de la lorgnette sur l’establishment japonais, même si ça ne nous rassure pas vraiment.

Si le film peut nous sembler moyen ou pas suffisamment abouti, il l’est pourtant d’un point de vue japonais. Et il mérite le détour tout en gardant sa raison et la possibilité de vérifier les assertions par la suite…

Fiche technique

Sortie : 6 mars 2019

Durée : 90 minutes

Avec Yukiya Kitamura, Yoshihiko Hakamada, Yuri Nakamura…

Genre : drame