Morituri – Avis +

Editeur : Miallet Barrault

roman de Yasmina Khadra

Présentation de l’éditeur

Nous publions aujourd’hui, dans une version enrichie, ce livre paru dans les années 1990. Engagé dans la guerre antiterroriste durant huit ans, l’auteur a dû emprunter à son épouse deux de ses prénoms, Yasmina Khadra, pour échapper à la censure et raconter, sur les lieux mêmes et en temps réel pendant la « décennie noire », les horreurs subies par le peuple algérien. Il crée, en guise de témoin de la tragédie nationale, le commissaire Llob, à qui il consacrera six romans, dont certains sont devenus cultes. Morituri est le premier d’entre eux.

Llob est commissaire à Alger. Avant, il était le bon flic du quartier, serviable et estimé. Depuis l’avènement de la nébuleuse intégriste, il est devenu l’homme à abattre. Dans une Algérie à feu et à sang, il hérite d’une affaire qui sent le soufre. La fille d’un gros magnat a disparu. Fugue ? Enlèvement ? Llob va se hasarder dans des zones d’ombre minées et découvrir que, derrière le terrorisme troublant qui sévit dans le pays, d’autres diableries inavouées s’accomplissent en toute impunité.

Avis de Claire

Dès la première phrase le ton est donné, lapidaire et incisif : « Saigné aux quatre veines, l’horizon accouche par césarienne d’un jour qui, finalement, n’aura pas mérité sa peine« . Tout est dit dans cet incipit, Morituri s’écrit de la couleur du sang et dans la douleur. Récit profondément noir, il est tout d’abord publié une première fois aux éditions La Baleine, en 1997, puis deux ans plus tard dans la collection Folio Policier, chez Gallimard. A cette époque, on croit encore que derrière ce pseudonyme aux deux prénoms féminins se cache une autrice, prise dans la tourmente de la décennie noire qui déchire son pays, l’Algérie. Mais il n’en est rien. L’auteur se nomme en réalité Mohammed Moulessehoul, ex-officier de l’armée algérienne, qui a côtoyé au plus près le coeur du conflit armé dans son pays.

Les larmes et le sang, Yasmina Khadra connaît et il n’en peut plus. Les mots l’aident à exorciser à leur manière les drames du quotidien. Après un attentat sanglant qui le frappe de plein fouet, il en ressort, non pas blessé physiquement, mais bouleversé, perdu, en état de choc. Durant un mois, à l’aune de ses nuits d’insomnie, il couchera des mots sur le papier, dans l’urgence, avec précipitation et fébrilité. Le texte est brut, un matériau sensible mais sensé que l’auteur envoie à Gallimard. On connaît la suite, le succès, le mystère autour de son identité assez rapidement levé et par la suite, une extraordinaire carrière d’écrivain qui questionne sans relâche le monde et ses travers.

Mais Yasmina Khadra n’en était pas à son coup d’essai, il avait déjà publié, de manière plus confidentielle, de la poésie et un polar, déjà, jamais réédité depuis, La Foire aux enfoirés, à présent introuvable. Ce genre se prête particulièrement bien au climat de l’Algérie des années 90. On ne peut s’empêcher de voir en son sombre héros, le commissaire Llob, un double cynique et désabusé de l’écrivain.

Pour Llob, la vie est noire, dure, sans véritable espoir. Dans une Alger qui semble décrépie et qui se délite, les puissants mènent la belle vie tandis que le petit peuple crève de faim et de désir pour ce qu’il ne peut posséder. Deux mondes se confrontent sans s’affronter, se côtoient sans se toucher. Llob peut aller de l’un à l’autre sans finalement appartenir à aucun. Quand on lui confie une affaire délicate, il est prêt à aller jusqu’au bout de l’horreur et à mettre à mal ses convictions mais jamais son sens de l’honneur.

L’enquête se veut haletante et réussit son pari dans cette nouvelle édition, enrichie d’une relecture attentive et d’une réécriture de certains passages, presque trente ans après sa première publication.


Fiche technique

Format : broché
Pages‏ : ‎ 256
Editeur : Miallet Barrault
Sortie : 2 avril 2025
Prix : 20 €