Tant d’amour dans tes yeux – Avis + et +/-

Présentation de l’éditeur

Jeanne du Marchand, une aristocrate française, est tombée amoureuse du jeune écossais Douglas MacRae. Enceinte de lui, elle est persuadée qu’il va l’épouser jusqu’à ce que son père lui apprenne qu’il est reparti dans son pays natal et l’enferme dans un couvent. Son enfant mort, son amour perdu, elle s’échappe et devient gouvernante. 10 ans plus tard, elle revoit Douglas qui l’engage pour s’occuper de sa fille, sans se douter qu’elle va faire l’objet d’une vengeance implacable.

Avis de Marnie

Si le premier roman paru en France de Karen Raney ne m’avait pas vraiment convaincu, celui-ci est déjà de meilleure facture. J’ai découvert en le lisant (me le remémorant soudain) qu’il fait suite à Un parfum d’ensorceleuse où les héros étaient Hamish et Mary MacRae, qui apparaissent ici en personnages secondaires. Dix ans se sont écoulés, l’auteur décide de mettre en scène le plus jeune frère de Hamish, Douglas, qui soudain voit son propre passé lui revenir en pleine face. Dommage seulement que l’éditeur ne l’ait pas précisé…

Il est rare dans un roman anglo-saxon de mettre en scène des aristocrates français au temps de la révolution et de nuancer les caractères, tant le parti pris pour la classe privilégiée est souvent évident, les révolutionnaires étant des ignobles brutes issues du peuple, avec un non moins ignoble Napoléon Bonaparte menaçant dont la stature se profile à l’horizon. Or, ici, rien de cela.

Jeanne Du Marchand est une aristocrate, et la révolution française lui a sauvé la vie. Enfermée depuis dix ans dans un couvent où elle subissait sévices et tortures, pour avoir accouché d’un enfant sans être mariée, la jeune femme est traumatisée par les chocs affectifs, la violence qu’elle a supportée, et les souvenirs qui ne la quittent jamais : abandon de son amoureux et la disparition du bébé. Hébétée, cherchant seulement à survivre, la jeune femme qu’elle est devenue n’a plus rien de la jeune fille riche, enjouée et gâtée qu’elle était auparavant. Seul son courage et son entêtement sont intacts. Pour notre plus grand plaisir, ces dix ans sont résumés par petites touches en trois pages seulement, ouf !

Douglas est le plus jeune des cinq frères MacRae. Les coups du sort ne l’ont pas non plus épargné durant ces années. Ses parents ont disparus en mer, il a du faire ses preuves en tant que négociant pour accroître la fortune familiale tout en élevant sa fille, Margaret. Se croyant trahi par celle qu’il aimait, il a souhaité prouver au monde et à ses yeux sa propre valeur. Or, lorsqu’il retrouve par hasard son amour de jeunesse, son désir de vengeance ne peut perdurer, face à ses sentiments renaissants. On pourra regretter toutefois un passage peu crédible, lorsque Douglas comprend assez rapidement qu’elle a passé dix ans dans un couvent, il ne lui vient pas à l’idée bien que cela soit évident, que Jeanne n’est en rien responsable de ce qu’il lui reproche. Dans cette aristocratie codifiée et réglementée ou les manquements à la bienséance provoquent rejet et réprobation, il est évident qu’une jeune fille de seize ans ne peut agir comme elle l’entend. En fait, l’aveuglement de Douglas est plus qu’étonnant et manque de cohérence.

Ainsi, s’opposent deux caractères fiers et introvertis, chacun se murant dans son introspection personnelle, présumant des pensées de l’autre, tout en se remémorant leurs propres souvenirs mêlés de souffrance. Leur profonde transformation ne leur permet pas de se comprendre, ils se fuient pour mieux se protéger. C’est finalement la petite Margaret qui parviendra à les réunir…

Si cette histoire n’est pas bien originale, le contexte, soit la ville d’Edimbourg en 1792, est intéressant. Au lieu des habituels aristocrates, l’auteur nous décrit commerçants et classe populaire. Il faut une nouvelle fois regretter dans cette collection la faible épaisseur de ce roman qui aurait mérité bien plus que 310 pages, pour approfondir personnages et intrigue ! Mais heureusement, l’auteur réussit à créer des caractères intéressants, aussi bien au premier qu’au second plan. L’émotion est au rendez-vous, alors que ces héros écorchés vifs et assez torturés nous passionnent du début jusqu’à la fin, même si le résultat reste bien au-dessous de ce que cette histoire promettait. Dans sa postface, Karen Ranney nous indique qu’elle a donné une suite à ces aventures de la famille MacRae, à quand la parution en France ?

Avis de Francesca

Ce livre est le dernier d’une série de 5 livres écrite par la même personne, dont seul le précédent Un parfum d’ensorceleuse avait été traduit en français. Autant dire que c’est un auteur méconnu qui gagne à être découverte tant elle réussit à faire passer de l’émotion au lecteur sans tomber dans la mièvrerie ou les larmes.

Jeanne est une jeune fille de 16 ans insouciante vivant dans le luxe lorsqu’elle succombe au charme de Douglas. Follement éprise, elle est prête à braver tous les préjugés et à tenir tête à son père alors qu’elle a passé sa vie à tenter de le satisfaire. Cependant, cette rébellion va lui coûter cher et c’est une femme meurtrie qui se retrouve à nouveau face à celui qu’elle n’a jamais arrêté d’aimer et à qui elle reproche sa désaffection. C’est une personne courageuse qui a lutté pour survivre alors qu’elle a tout perdu et qui mérite amplement toute la sympathie du lecteur qui ne lui souhaite que de retrouver le sourire et le bonheur rapidement.

Douglas est un jeune homme de 17 ans idéaliste et fol amoureux de Jeanne. Il pense pouvoir surmonter tous les obstacles pour pouvoir l’épouser mais découvre que Jeanne était enceinte de lui, s’est enfuie et a abandonné son bébé. Rongé par la haine, il souhaite lui faire payer son égoïsme mais se rend compte qu’il la désire toujours lorsqu’il la revoit. Partagé entre la colère et l’amour, il hésite sur la conduite à tenir alors que Jeanne se lie de plus en plus à sa fille.

Cette histoire d’amour véritable est nourrie de regrets, de remords et de non-dits, et est basée sur un quiproquo de départ. Certaines personnes de leur entourage ne voulaient pas entendre parler de cet amour au nom de préjugés et de la méchanceté gratuite et ont tout mis en œuvre pour séparer les deux amants. Les pensées et les sentiments de chacun sont remarquablement décrits et rendent comptent de la profondeur de leur colère et de leur désespoir. Leurs retrouvailles sont poignantes et on assiste à un déchirement entre eux alors qu’ils savent qu’ils s’aiment encore mais ne veulent pas se laisser piéger à nouveau, persuadés que l’autre l’a fait souffrir volontairement et peut encore lui faire du mal.

Le lecteur se passionne pour ces deux personnages et adhère complètement à l’histoire, d’autant plus qu’il possède les 2 points de vue et sait donc où se trouvent les sujets d’ignorance et de désaccord des 2 parties. La discussion et la raison permettent souvent à un couple de se comprendre et de se réconcilier, au lieu de s’obstiner à se murer dans leur orgueil et leur fierté et de s’enferrer dans les disputes et les incompréhensions.

C’est un roman plein d’émotions et d’amour à savourer sans modération pour ceux et celles qui ont envie d’une bulle de tendresse tout simplement.

Fiche technique

Format : poche
Pages : 312
Editeur : J’ai Lu
Collection : Aventures et Passions
Sortie : 25 mai 2007
Prix : 6,50 €