Japan Expo 2024 : How to make a VF ?

Crédit photo : Audrina Canaux

Vendredi 12 juillet 2024, deuxième jour de l’édition 2024 de la Japan Expo, Arnaud Laurent, qui n’est autre que le comédien prêtant sa voix à divers personnages mythiques d’animes tels que Natsu dans Fairy Tail ou encore Dabi dans My Hero Academia, montait sur la scène Kuri pour nous présenter une masterclass sur le doublage français, nous en présentant ses coulisses, ses méthodes et ses aspects techniques – le tout avec une belle touche d’humour.

Le doublage, kézako ?

Arnaud Laurent commence par un bref rappel sur ce qu’est le doublage, et qui en sont les principaux acteurs. Comme il le rappelle, cela correspond à toutes les étapes de la création d’une version française (dans notre cas), en se basant sur une langue d’origine qui est autre. Les étapes sont nombreuses, et il les détaillera par la suite. Pour ce qui est des acteurs principaux dans le processus de doublage, on retrouve le directeur artistique (ou DA) qui en termes de rôle équivaut au metteur en scène pour une pièce de théâtre ou au réalisateur pour un film. On retrouve aussi le comédien, bien trop souvent appelé à tort doubleur, qui lui interprétera des personnages uniquement par sa voix. 

Les étapes du doublage

On pourrait expliquer le processus de doublage en France par quatre grandes étapes, selon les explications du comédien Arnaud Laurent, qui nous indique être également adaptateur. 

La première étape, justement, est l’adaptation. C’est un travail qui consiste à créer une bande rythmo, c’est-à-dire une bande horizontale qui défile au bas de l’écran et qui contient le texte ainsi que d’autres indications permettant au comédien de doubler les images diffusées. Pour créer cette bande rythmo, l’adaptateur doit détecter chaque début et fin de prise de parole, faire correspondre au mieux les mouvements de bouche des personnages au texte en français, ou encore créer les boucles, c’est-à-dire diviser le film ou les épisodes de la série ou anime à doubler en petites scènes d’environ une minute afin d’être mieux organisé et de retrouver plus rapidement les boucles sur lesquelles chaque comédien doit intervenir. Le travail de l’adaptateur ne s’arrête pas là : il doit également s’assurer du sens de l’histoire, vérifier la prononciation des termes techniques, rajouter ou enlever des mots pour que le comédien ne soit pas forcé de parler trop lentement ou trop rapidement, noter les réacs(indications pour le comédien tels que les cris, les soupirs, les rires, etc)… Le tout pour que le doublage proposé soit cohérent et crédible, sans pour autant inventer de nouveaux éléments par rapport à la version originale. 

La seconde étape de la construction d’une version française est la direction artistique. Dans cette étape, le directeur artistique prend en compte divers paramètres (le budget, le nombre d’épisodes dans le cas d’un anime ou d’une série…) pour attribuer les rôles et créer le plan de travail. Arnaud Laurent nous apporte plusieurs précisions à ce sujet. Tout d’abord, le budget pour le doublage des animes en France est bien plus réduit qu’au Japon ; c’est pourquoi un même comédien interprète généralement plusieurs personnages. Ensuite, en France, il n’existe pas de voix officielle, bien que les directeurs artistiques essaient généralement de conserver la correspondance entre le comédien français et le comédien de la version d’origine. Enfin, contrairement à ce que la plupart des gens pensent, depuis plusieurs années les comédiens sont, pour des questions de budget, généralement seuls avec le directeur artistique et l’ingénieur du son lorsqu’ils travaillent ; pas d’interaction directe avec les comédiens doublant les autres personnages, qu’ils n’ont parfois jamais rencontrés en vrai. 

La troisième étape du doublage est l’enregistrement. Le comédien, entouré du directeur artistique et d’un ingénieur du son, travaille dans un auditorium, c’est-à-dire une pièce insonorisée et neutre. Il bénéficie d’un premier visionnage de la boucle qu’il va doubler en version originale afin de repérer tous les éléments qui lui permettront d’interpréter son personnage avec justesse. Puis, il commence à enregistrer. Note d’Arnaud Laurent : on ne double parfois pas tout, car il existe le « repiquage », c’est-à-dire le fait de reprendre certains éléments de la VO, comme par exemple des parties chantées, des cris, etc. 

Enfin, la touche finale dans la construction d’une VF est le mixage. Durant cette étape, l’ingénieur du son va pendant plusieurs heures vérifier que le son est synchronisé avec les images, homogénéiser le volume des voix, rajouter des effets là où c’est nécessaire (par exemple, un écho), le tout dans le but de permettre une écoute agréable. Malgré tout, même après cette étape finale, c’est le client qui commande la VF qui a le dernier mot, et qui peut alors demander des modifications et des retakes (c’est-à-dire des réenregistrements).  

Arnaud Laurent, avant de quitter la scène sous les applaudissements du public, nous propose une démonstration de doublage en direct sur une boucle provenant d’un épisode de My Hero Academia. Il n’y a aucun doute, on ressort quasiment expert sur le fonctionnement du doublage après avoir assisté à cette conférence, et cela donne presque envie d’aller à la barre1 nous-mêmes !


  1. Expression utilisée dans le monde du doublage par les comédiens lorsqu’ils vont commencer un enregistrement ; il y a réellement une barre placée devant le micro pour que la distance comédien-micro reste la même tout le temps de l’enregistrement. ↩︎

Crédit photo : Audrina Canaux