
Éditeur : Robert Laffont
de Arsène Sabanieev et Éric Dussart
Je n’ai pas gardé longtemps mon pseudonyme de guerre, Le Français, qui n’était pas très flatteur sur le front, malgré la livraison des canons Caesar.
- 27 février 2014 : le Parlement de Crimée est pris d’assaut par les « petits hommes verts » (des militaires russes sans insigne).
- 24 février 2022 : la deuxième phase de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe commence.
- C’est en 1999, qu’alors âgé de 9 ans, l’Ukrainien Arsène Sabanieev quitte son pays natal et accompagne sa mère en France.
Ayant grandi en France, il devient médecin-anesthésiste-réanimateur à Lille. Faisant régulièrement des séjours en Ukraine, il constate la montée en puissance de la propagande russe visant à « libérer » l’Ukraine. Et c’est en décembre 2021 que se produit l’installation massive d’hôpitaux de campagne à la frontière ukrainienne.
Présent en Ukraine au début de l’invasion, Sabanieev procède à la mise en sécurité de sa compagne française. Puis il revient en Ukraine au volant d’une camionnette remplie de matériel médical. À cette occasion, sa route croise celle de nombreux volontaires occidentaux venus combattre l’armée russe alors que leur propre expérience du combat se limite à celle de l’Airsoft… Sabanieev, quant à lui, intègre les Hospitaliers, une unité paramilitaire médicale où il fréquente des secouristes « semi-suicidaires, courant au milieu du champ de bataille pour évacuer les blessés ».
Depuis le début du conflit, Sabanieev, alterne des séjours en France et en Ukraine. Son expérience lui permet une analyse pertinente de la situation médicale du conflit, mais également de celle de « l’arrière », car la survie de l’Ukraine dépend de l’Occident. Et dans les deux cas, la situation pourrait être bien meilleure.
Les anecdotes de guerre impliquent des personnages originaux comme un combattant ukrainien surnommé Djihad, en raison de sa piété chrétienne. Sont également mentionnés des événements pittoresques comme le troc de grenades contre des boissons énergisantes.
Et puis, et puis on ne sourit plus. Alors que les services médicaux ukrainiens sont saturés, les services d’Arsène Sabanieev sont refusés. Le directeur d’un l’hôpital affirme qu’un médecin-anesthésiste-réanimateur est inutile. Ah… Peu à peu, Arsène Sabanieev précise l’état de la médecine ukrainienne. Il existe bien des médecins ukrainiens compétents, mais il y a les autres. Les autres ont acheté leurs diplômes, tandis que les incorruptibles qui ont refusé de payer ont été sanctionnés.
De ce fait, ce sont les corrompus et donc les moins compétents qui parviennent aux postes de responsabilité. L’analyse de Sabanieev implique une présentation de l’effet Dunning-Kruger. Ce phénomène psychologique (également appelé effet de surconfiance) implique que les personnes les moins qualifiées d’un groupe tendent à surestimer leur compétence dans un domaine. Bref, ceux qui prennent les plus hautes décisions impliquant la vie de leurs compatriotes sont persuadés d’être des génies,… ce qu’ils ne sont pas.
De plus, il reste beaucoup d’ADN de « l’Homo-Soviéticus » chez les Ukrainiens. Les restes de la médecine militaire soviétique impliquent que de nombreux membres du personnel médical sont toujours persuadés que « la douleur aide la guérison ».
Pendant ce temps, l’Europe de l’Ouest est peuplée de gens de bonne volonté et des autres. Tandis que l’aide humanitaire est parfois détournée par des escrocs, Sabanieev précise que Médecins sans frontières ne peut se rendre dans des zones de guerre active… pour des questions d’assurance. De même, la Croix Rouge française n’intervient que dans des régions de catastrophes pas dans les conflits. Et Sabanieev déplore le manque de lucidité de l’hexagone, constate l’importance des réseaux du Kremlin en France et l’influence du narratif pro-russe1.
Cet ouvrage se révèle doublement instructif, tant par le témoignage sur le terrain que par l’analyse sans concession des protagonistes.
- Ainsi le philosophe Yves Roucaute affirme « La Crimée est russe depuis quatre siècles ! ». Précisons que ce philosophe affirme également que les activités humaines ne sont pas responsables du réchauffement climatique. ↩︎
Fiche technique
Format : broché
Pages : 270
Éditeur : Robert Laffont
Sortie : 8 février 2024
Prix : 19 €