Les Diaboliques – Avis +/-

Lieu : Théâtre de Poche Montaparnasse

De Christophe Barbier, d’après Barbey d’Aurevilly

Mise en scène de Nicolas Briançon

Du 16 janvier au 10 mars 2024

Présentation officielle

Faut-il interdire Les Diaboliques, sulfureux recueil de Nouvelles qui menace les bonnes mœurs ? Barbey d’Aurevilly, leur auteur, s’en défend face au juge d’instruction, au nom de la liberté du poète. Christophe Barbier se saisit de cette œuvre culte et théâtralise la polémique autour du thème indémodable de la morale. Désir, adultère, vice, vengeance, crime, décadence prennent vie sous nos yeux voyeurs, dans une farandole menée par quatre audacieux interprètes… pour notre plus grand plaisir !

Avis d’Audrina

Les Diaboliques, pièce basée sur la collection de nouvelles du même nom datant du XIXe siècle et écrite par Jules Barbey d’Aurevilly, auteur et journaliste de la haute bourgeoisie, met en scène le procès de l’auteur, jugé pour cette œuvre qui, selon ceux qui s’y opposent, serait maudite et ferait l’apologie de l’immoralité. Pour se défendre, Jules Barbey d’Aurevilly va alors raconter, au juge – et par conséquent au public – quatre des six histoires tirées de la collection de nouvelles : Le Bonheur dans le crime, suivie du Rideau cramoisi, puis de La Vengeance d’une femme, et enfin de À un dîner d’athées.

Au delà du fait que ces histoires diverses soient liées car elles appartiennent à la même collection, elles le sont aussi dans leurs thèmes. La passion, le crime, le mensonge ou encore l’adultère sont tous considérés comme un outrage aux mœurs par les lecteurs de l’époque, d’où la volonté de certains de censurer l’œuvre. La censure, aussi bien que la morale, restent des thèmes brûlants : on pourrait prendre l’exemple des États-Unis, qui ont retiré plus de 3000 livres des bibliothèques scolaires et universitaires et des établissements publics sur la période scolaire 2022-2023. Ainsi, Les Diaboliques dénoncent-ils une liberté d’expression limitée pour les auteurs, au XIXe siècle mais également encore de nos jours.

En plus de son aspect engagé, cette pièce se déploie en un superbe décor, de beaux costumes, mais aussi une mise en scène qui illustre bien les différentes nouvelles racontées par les quatre comédiens sur scène, tout en laissant une place suffisante à l’imagination des spectateurs. La mise en abîme qui se créée entre le procès de l’auteur et le récit des quatre nouvelles est rythmée et réussie, et les transitions entre chaque histoire sont fluides.

Malgré les nombreuses qualités évoquées, on navigue dans le brouillard au début. En effet, il n’est pas forcément évident pour tous de comprendre que les quatre comédiens – trois hommes et une femme, tous drastiquement différents les uns des autres en apparence – interprètent tous les quatre l’auteur Jules Barbey d’Aurevilly à tour de rôle, puis, lors de la narration des quatre histoires, les différents personnages qui composent ces histoires. Parfois un peu dur de suivre, donc, mais nous soulignons que les comédiens sont très doués dans leurs différents rôles.

Cette possible confusion liée à ces rôles changeant à répétition est d’ailleurs reconnue par l’auteur, le metteur en scène et les comédiens eux-mêmes, puisque lors de quelques passages surprenants et humoristiques qui surviennent à un peu plus de la moitié de la pièce, les comédiens viennent à s’expliquer entre eux sur qui interprétera quel rôle. Ces passages, au delà de susciter un sourire sur les lèvres des spectateurs, permettent une meilleure clarté au sujet de l’interprétation des rôles, mais ils manquent cruellement durant tout la première moitié de la pièce, qui est globalement assez sérieuse et dans laquelle on se perd parfois un peu, faute d’explications.

Deuxième point qui peut générer une certaine réticence à l’égard de cette pièce, c’est qu’elle n’est pas adaptée à tous publics, déjà de par ses thèmes souvent assez lourds, mais aussi de par son niveau de langage. Le français du XIXe siècle n’est peut être pas le plus accessible, même s’il est important de préciser que quelques mots devenus particulièrement rares de nos jours sont expliqués avec humour par les personnages au cours de la pièce, afin de ne pas complètement aliéner le public.

Globalement, Les Diaboliques met en avant une collection d’histoires uniques et surprenantes – bien que souvent assez sombres dans leurs thématiques – le tout au sein du procès que subit leur auteur car elles font outrage aux mœurs de leur époque. Rythmée et jouée par de brillants comédiens qui savent s’adapter à tous les rôles, cette pièce à cependant le désavantage de parfois manquer de clarté dans sa mise en scène et de cohérence dans sa tonalité, car même si des pointes d’humour sont présentes dans la seconde moitié de la pièce, elles ont tendance à manquer dans la première moitié pour alléger les histoires tragiques qui sont exposées aux yeux et aux oreilles du public. Nous ne pouvons que vous encourager à vous faire votre propre avis.

Fiche technique

Adresse : Petit Théâtre de Poche Montparnasse – 75 boulevard du Montparnasse – 75006 Paris
Horaires : du 16 janvier au 10 mars 2024, du mardi au samedi à 21h, les dimanches à 17h
Tarif : de 10 à 32 €
Mise en scène : Nicolas Briançon avec l’aide d’Elena Terenteva
Avec : Gabriel Le Doze, Magali Lange, Krystoff Fluder, Reynold de Guenyveau
Durée : 90 minutes