Pauvres Créatures – Avis +

film en coproduction de Yórgos Lánthimos (2024)

Présentation officielle

 Bella est une jeune femme ramenée à la vie par le brillant et peu orthodoxe Dr Godwin Baxter. Sous sa protection, elle a soif d’apprendre. Avide de découvrir le monde dont elle ignore tout, elle s’enfuit avec Duncan Wedderburn, un avocat habile et débauché, et embarque pour une odyssée étourdissante à travers les continents. Imperméable aux préjugés de son époque, Bella est résolue à ne rien céder sur les principes d’égalité et de libération.

Avis de Claire

Depuis le début de sa carrière, en 2009, l’univers du cinéaste grec Yórgos Lánthimos apparaît comme l’un des plus originaux et complètement barré à la fois. Ces Pauvres Créatures du titre ne font pas exception à la règle, et même, vont beaucoup plus loin que son dernier film La Favorite, qui mettait déjà la barre relativement haut. Cette troisième collaboration avec Emma Stone rafle actuellement pléthore de récompenses, dont la dernière en date et non des moindres, le Golden Globe de la meilleure actrice (et peut-être un deuxième Oscar ?). Quoi qu’en en dise, quoi qu’on en pense, le film ne laisse pas indifférent, loin de là.

La formule semble pourtant galvaudée. Difficile de ne pas sombrer dans une totale empathie avec le personnage féminin, surtout quand celui-ci possède les doux traits d’Emma Stone. Bella, qui -au début du film-, possède la candeur d’une enfant et sa maturité limitée, nous happe aussi bien le coeur que les tripes, pour le pire et surtout… pour le pire. Véritable créature, la jeune femme ne doit la vie qu’à la volonté purement scientifique du Dr Godwin Baxter. On y décèle inévitablement une connexion avec Mary Godwin, mieux connue sous son nom marital de Mary Shelley. A juste titre, puisque Bella est le résultat d’une terrible expérience anatomique mais c’est paradoxalement le savant qui a une tête de créature de Frankenstein. Qui est le monstre ?

Le scénario s’appuie sur le roman éponyme de l’Ecossais Alasdair Gray sorti en 1992 et traduit en France aux éditions Métailié en 2003. Le livre lorgnait déjà aussi du côté du chef d’oeuvre de Mary Shelley. A l’instar de son illustre modèle, Pauvres créatures se veut quête initiatique. Ainsi Bella quitte-t-elle son créateur pour mieux se réinventer, heurtant ses sentiments, son corps et ses émotions à la rudesse du monde et des hommes. Pour survivre, elle devra sacrifier une part de son innocence. Mais cette abnégation a un prix, Bella est-elle réellement libre et indépendante alors qu’elle dépend constamment du bon vouloir du pouvoir masculin ?

Comme dans La Favorite, on retrouve le procédé du fish-eye (grand-angle de la camera à 180°), qui donne au spectateur l’effet d’être un voyeur, et surtout d’observer les choses du mauvais côté de la lorgnette. Couleur/noir et blanc/ couleur, le film use également de cet artifice pour marquer les temporalités, l’effet est un peu facile mais permet de poser des ruptures, de surprendre et de désarçonner son public à travers un tourbillon d’images, habillées par une musique qui n’hésite pas à aller à contre-courant et à résonner comme un point de rupture.

Véritable ovni, le film flirte sans cesse entre comédie gothique et horreur pure, âmes délicates, soyez prévenues.


Fiche technique

Sortie : 17 janvier 2024
Durée : 141 minutes
Genre : fantastique
Avec Emma Stone, William Defoe, Mark Ruffalo, Ramy Youssef, Christopher Abbott, Suzy Bemba, Jerrod Carmichael
Titre original : Poor Things