Editeur : Pocket
Présentation officielle
Deux femmes dans l’oeil du cyclone…
D’un côté, Abby Le Guen, mère de famille bourgeoise et névrosée : si elle ne nie pas avoir exécuté, dans son sommeil, son médecin de mari, elle refuse farouchement d’expliquer les raisons de son geste…
De l’autre, Manon Bousquet, laquelle ces derniers temps se sent épiée, harcelée même, persécutée…
Au centre de leur tourmente : L’Oeil, celui qui sait tout, voit tout, qui distribue les cartes et mène le jeu… Lui seul possède les pièces manquantes de ce puzzle sanglant : sales petits secrets, souvenirs dérobées, rancune de classe et vengeance à froid…
Avis de Chris
Manon Bouquet et Abby Le Guen ont un point commun. Outre le fait qu’elles sont mères de famille, elle sont toutes deux victimes de L’Oeil qui instille son dessein de manière différente, mais dont le résultat reste similaire : révéler à tous les secrets lugubres, oubliés et inavoués mis de côté depuis des années. Tandis que Manon est épiée par un individu qui ne dépasse jamais la limite du délit, Abby reçoit des copies des pages du journal intime de sa fille, la faisant basculer dans l’horreur.
Eloïse, lieutenante de police, lâche tout et se met en disponibilité pour aider sa sœur jumelle Manon à mettre la main sur cet harceleur malin. La savoir en danger a réveillé la gendarme alors qu’elle est aux prises à ses démons intérieurs [[Le pourquoi du comment y est révélé dans Le Cheptel, de la même auteure]]. C’est donc avec son concours et celui d’une aide incongrue qu’elle tentera de remettre les cartes en ordre alors qu’elles sont éparpillées en tout sens, rendant le jeu d’une complexité à peine voilée.
L’écriture de Céline Denjean est une bouffée d’air frais dans le paysage français du polar. S’attaquer à ce pavé au vocabulaire pointu n’est pas une mince affaire de prime abord. Pourtant, dès le préambule avalé, le lecteur entre en harmonie avec les personnages fouillés et dont la psychologie est parfaitement exécutée. Instaurer le suspense est l’un des points forts de cette écriture qui amène le lecteur à ne plus vouloir lâcher le livre. Par ailleurs, le titre des chapitres annonce la couleur et évoque une temporalité des plus importantes.
Manon et Abby sont des victimes pour le moins complexes, mais tellement humaines, et leurs attitudes et ressentis sont terriblement crédibles. La première peu paraître superficielle, alors que la seconde semble accablée par un mariage dont les contours s’effritent inlassablement. Dans les deux cas, le lecteur peu avoir un sentiment partagé sur elles, alors qu’elles sont bien plus que la fille pourrie gâtée et la bourgeoise qui ne devrait pas se plaindre de son sort. Cette faculté à dévoiler peu à peu les raisons qui ont fait d’elles ce qu’elles sont entretient la volonté du lecteur à vouloir avoir le fin mot de l’histoire.
De plus, dès que l’on croit tout savoir de l’affaire, un coup de théâtre surprend et remet le compteur à zéro. Des zones d’ombres se dissimulent à l’intérieur de cet ouvrage intimement bien écrit. La psychologie des personnages dévoile des secrets de famille et parcours sinueux. Chaque chapitre révèle un pan du passé qui explique une vie entière de mensonges, d’oublis ou de dénégations. Et, à travers le regard de L’Oeil, à travers sa haine et son mépris, son dégoût et son sentiment de toute puissance jamais trouvée dans le monde réel, le lecteur s’enfonce dans une histoire à tiroir dramatique, teintée de tristesse où les révélations seront vécues comme une descente aux enfers pour ses acteurs et proches.
Attention tout de même, ce roman s’attache énormément au quotidien des personnages afin que l’on comprenne au mieux leur ressenti, passé, présent, amertumes et leurs désirs, rêves ou encore croyances. Il faut parfois s’armer de patience pour y trouver de quoi s’accrocher à cette histoire longue, mais dont la fin sera peut-être vécue comme un coup de théâtre. Il n’y a pas d’action, pas de course poursuite, peu d’intervention de la police. Tout se joue à l’intérieur même d’une vie banale qui deviendra peu à peu l’enfer pour tous les protagonistes de ce thriller.
Ce roman est un coup de cœur. Malgré les 672 pages, ce texte est magistralement écrit et mené d’une plume pleine d’humanité. Entre un antagoniste discret mais plein d’amertumes et de haine profonde, détenant toute les vérités qu’il distille au gré de son envie et quatre femmes pour lesquelles leur vie se voit imploser, Double amnésie est une réussite en tout point.
Petite note :
Double amnésie est la troisième aventure d’Eloïse Bouquet, mais le livre peut être lu indépendamment des autres. Toutefois, plusieurs événements passés y sont évoqués, ainsi que l’apparition d’un personnage déjà connu. A vous de voir si vous préférez débuter avec Double amnésie ou commencer la saga avec La fille de Kali et Cheptel.
Fiche technique
Format : poche
Pages : 672
Editeur : Pocket
Sortie : 14 janvier 2021
Prix : 8,95 €