En 1832, près de Boston, une « charmante et pittoresque » petite école pour jeunes filles accueille une vingtaine de pensionnaires. Éduquer les filles, c’est un peu ridicule et inutile, pense-t-on alors dans la région. Mais somme toute pas bien méchant.
Jusqu’au jour où la « charmante école » annonce qu’elle accueillera désormais des jeunes filles… noires. Trente ans avant l’abolition de l’esclavage, les quelque quinze jeunes élèves de l’école Crandall vont être accueillies par une vague d’hostilité d’une ampleur insensée. L’Amérique blanche a peur de certains de ses enfants.
Avis de Valérie
Avant de parler de la BD, on pose quelques dates : la fin de l’esclavage aux Etats-Unis a été fixée en 1865, tandis que la ségrégation raciale a elle été abolie en 1964.
Les Etats confédérés (Caroline du Sud, Mississippi, Floride, Alabama, Géorgie, Louisiane, Texas) du Sud des Etats-Unis font sécession en 1860 pour contrer les décisions abolitionnistes d’Abraham Lincoln. Ils s’opposent à l’ingérence dans leurs affaires des industriels du Nord, qui en libérant les esclaves mettaient aux pas leurs finances.
Dans le reste du pays, les Noirs étaient employés avec de meilleurs traitements, mais pas au point d’accepter de vivre à leur côté. L’action de l’album se déroule trente ans avant, près de Boston, une grande ville de la côte nord-ouest du pays. Wilfrid Lupano a choisi de s’intéresser a un véritable personnage historique, Prudence Crandall, la fondatrice de l’une des plus anciennes écoles pour femmes de couleur.
Dans la petite ville de Canterbury, Prudence Crandall tient une école pour filles qui a plutôt bonne réputation. Jusqu’au jour où la jeune noire Sarah se pose des questions de physique élémentaire que seule une maîtresse pourrait résoudre. Elle prend son courage à deux mains, et après les cours demande à Prudence de lui apprendre tout cela.
La jeune professeur pense qu’elle peut intégrer la gamine, mais les autres écoliers, comme les familles blanches refusent ce mélange et menace Prudence. En réponse aux pressions, l’Ecole Prandall n’accueillera plus que des jeunes filles noires.
C’est une histoire d’autant plus triste qu’elle est vraie, et malgré les efforts du scénariste pour ne pas édulcorer les faits, on imagine bien que ça a été pire que ça. Les dessins de Stéphane Fert apportent une poésie qui allège le propos. C’est doux et beau, et ces formes pleines de courbes aident à la distanciation. On regrettera peut-être une gestion des couleurs qui ne nous aide pas toujours à bien reconnaître les personnages.
Si la rigueur historique est respectée, l’auteur a avoué avoir fait de nombreuses études sur le sujet, l’époque et le lieu. De plus, le propos est totalement d’actualité, c’est avant tout une histoire forte et émouvante, qui devrait pousser chacun à aller jusqu’au bout de ce qu’il pense être juste à ses yeux.
Lors d’une rencontre dans les locaux de Babelio, Wilfrid Lupano a entre autres choses confié que l’album avait été conçu pour coller à l’histoire, mais en tentant de limiter la crudité des faits, afin de rendre tout cela visibles pour les collégiens. Les auteurs seraient heureux de pouvoir accompagner leur œuvre à la rencontre des jeunes francophones !
Fiche technique
Format : broché
Pages : 144
Éditeur : Dargaud
Sortie :15 janvier 2021
Prix : 19,99 €