Le Dernier Assaut de Tardi – Avis +

Présentation officielle

Le Département de la Sarthe rend hommage, du 22 octobre 2017 au 11 mars 2018, au travail d’un des plus grands auteurs de la bande dessinée française : Jacques Tardi, à travers une exposition unique traitant de la Première Guerre mondiale intitulée Le Dernier Assaut.

Avis d’Anna

La guerre habite l’œuvre de Tardi. Treize de ses albums en témoignent à l’image d’Adieu Brindavoine (1974), Le Trou d’obus (1984), C’était la guerre des tranchées (1993), Putain de guerre ! (articulé en 2 albums parus en 2008 & 2009), ou encore du petit dernier Le Dernier Assaut (2016). Elle est interne et personnelle pour lui car son grand-père, qu’il n’a pas connu, est mort suite à l’inhalation de gaz moutarde durant la Première Guerre mondiale. Cette thématique, qui semble avoir tourné à l’obsession, trouve aujourd’hui un nouveau vaisseau à travers l’exposition Le Dernier Assaut à l’Abbaye Royale de l’Épau. Cette abbaye cistercienne, datant du XIIIe siècle, fait d’autant plus sens pour cette exposition, car elle fait écho à sa thématique. En effet, elle a servi de lieu de campement durant la Première Guerre mondiale. Par ailleurs, cet événement s’inscrit dans le cadre de la BD à l’Épau, une série de rencontres entre auteurs et dessinateurs et leur public qui a débuté en 2003 avec Enki Bilal.

Dans cet espace chargé d’histoire, Tardi nous livre une peinture extrêmement bien documentée du conflit, comme l’illustrent les nombreux documents et objets d’archives tirés du fonds départemental de la Sarthe que l’on retrouve sur le parcours de l’exposition. Un casque modèle 1915 trône dans une vitrine à côté d’un petit obus, lui-même voisin de photographies représentant les hôpitaux temporaires et la place des femmes dans le conflit. La banalité de l’arrangement de ces objets clashe avec la brutalité de la scénographie et la vivacité des planches présentées.

L’artiste ravive la sauvagerie et la cruauté de la guerre tout en mettant l’homme au centre de son travail. De planche en planche, le soldat est engagé dans un constant corps à corps avec la mort. De la tranchée à l’assaut, nos yeux ne sont pas épargnés. Nous sommes mis face à l’histoire et à ces hommes dont le sacrifice a servi à engraisser les poches des industriels de l’armement. Un propos appuyé par la citation d’un classique de la littérature de guerre : Au secours! Au Secours! On assassine des hommes! (Roland Dorgelès, Les Croix de bois, 1919). L’exposition regorge de citations qui vont dans ce sens. Loin du front, Tardi contrebalance l’horreur avec des présentations par touches de la vie à l’arrière et de la place des femmes dans le conflit : que ce soit dans les usines d’armements, dans les hôpitaux ou l’artisanat de tranchée.

Mais dans cette atmosphère mortifère, Tardi pointe aussi du bout de son crayon la communion internationale entre les combattants comme l’illustre vers la fin cette planche qui montre la réunion de soldats de différentes nationalités et au-dessus d’eux les mots « Verbrüderung. Fraternisation ». La mondialisation du conflit a permis une communauté entre les Français, les Russes, les Polonais, les Sénégalais, les Sikhs, les Australiens, les Algériens, ou encore les Américains dans un front de misère. Ainsi, l’artiste arbore un ton résolument humaniste.

Quant à son pacifisme effronté, on le retrouve dans son attention pour le détail, sa parcimonie pour les touches de couleur et son usage symbolique du rouge que ce soit pour accentuer le sang sur un blessé, la joie sur les visages à la célébration de la fin de la guerre, les drapeaux hissés, ou encore les robes des femmes endimanchées dans les rues à cette occasion.

L’envergure et la place de cette exposition sont encore moins anodines puisque 2018 marque le centenaire de l’Armistice. Une occasion pour le département de la Sarthe, ses archives et sa bibliothèque départementales d’effectuer une mission pédagogique à destination des scolaires qu’ils accueillent pour des ateliers qui mettent en parallèle le point de vue de Jacques Tardi, les documents historiques et le travail de l’historien.

Fiche technique

Adresse : Abbaye Royale de l’Épau, Route de Changé, 72530 Yvré l’Evêque ;
Soit à 55mn de la Gare Montparnasse pour les Franciliens

Horaires : Ouvert du mercredi au lundi de 11h à 18h (fermé le mardi sauf pendant les vacances scolaires) 

Tarifs : 5,50€ (Adulte) ; 3,00 € (10-18 ans) ; Gratuit pour les moins de 10 ans ;

Tarif atelier : 4,00€ (prix unique) ; Supplément visite guidée : 2,00€

Téléphone : 02 43 84 22 29