Tombé dans l’oreille d’un sourd – Avis +

Présentation de l’éditeur

Grégory et Nadège sont comblés par la naissance de leurs jumeaux, Charles et Tristan. Pourtant leur univers s effondre lorsque le diagnostic tombe : Tristan est sourd profond.

Comment alors, en tant que parents entendants, aider leur fils à s épanouir dans notre société d hyper-communication ? Comment respecter son identité propre dans ce monde qui laisse, au final, peu de place à l altérité ?

Bref, comment prendre les bonnes décisions pour Tristan ?

En racontant le combat quotidien de cette famille, ce récit autobiographique dénonce un système mal adapté à la vie réelle, animé par des acteurs qui ne sont pas toujours volontaires et à l écoute. Il n est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre…

Avis d’Emilie

Le très joli trait du dessinateur, bien rond et délié, nous emmène dans une histoire largement autobiographique.

Les parents de la BD viennent d’avoir des jumeaux. Mais la joie de cette naissance laisse très vite place à de nombreuses inquiétudes : Charles a une maladie orpheline qui l’empêche de digérer de nombreux aliments. Et peu à peu, on se rend compte que Tristan n’entend pas bien. Le diagnostic de surdité profonde tombera pour son premier anniversaire.

S’ensuivent alors des examens médicaux à n’en plus finir, une bataille de chaque jour pour bénéficier de l’égalité des chances. La paperasse comme s’il en pleuvait, l’incompréhension des proches, voire la malveillance d’autres. Les parents sont très vite épuisés, et se heurtent à un mur du côté des soignants : on ne leur explique rien, on ne répond pas clairement à leurs questions.

Cet ouvrage est à mettre entre toutes les mains, car il rend compte de la difficulté d’intégration (pardon, d’inclusion comme il est de bon ton de le dire maintenant) des personnes non conformes aux normes validistes. Les écoles ne font rien tant qu’on ne les menace pas de procès, car la loi les oblige à intégrer les enfants handicapés dans leurs classes (entre la loi et la réalité, il y a un monde). Même le centre pour l’éducation des sourds ne fait aucun effort.

Cet ouvrage se concentre plus sur la difficulté des parents en tant qu’aidants. Le point de vue de Tristan est occulté, même si à quelques reprises, il y a des tentatives de se mettre à sa place.

On saluera la hargne et le courage des parents qui ne veulent rien lâcher, mais aussi celle de Tristan, qui a bien du mal à se faire des amis et à se sentir accepté.

Notre plus personnelle d’Emilie, elle-même sourde

En tant que sourde, j’ai été assez stupéfaite de voir le traitement qui a été réservé à Tristan depuis tout bébé. L’équipe médicale et para-médicale n’est absolument pas à l’écoute. Les parents ne sont informés de rien et sont laissés face à des questions qu’une simple rencontre avec des adultes sourds aurait pu résoudre.

Par exemple, ils s’interrogent sur le communautarisme et la culture sourde, qui selon eux, risquent d’exclure leur fils de la communauté entendante. La question est légitime, mais chaque sourd vous dira qu’aujourd’hui, il y a de nombreux outils mis à leur disposition pour se faire comprendre et qu’en aucun cas, parler la LSF vous prive d’amis entendants ou d’un travail.

La langue des signes est très intuitive, et parler couramment sans être toutefois bilingue, c’est assez rapide. Les amis font l’effort d’apprendre les bases. Du coup, cette notion d’exclusion me gêne. Je le répète, je comprends que des parents entendants, dont la mère est professeur de musique qui plus est, s’interrogent mais pourquoi, pourquoi, le centre Beethoven où est éduqué leur fils n’a jamais répondu à ces questions ?

Je trouve que Tristan a été très mal pris en charge. De plus, les exercices d’oralisation proposés par ce centre sont absolument inutiles pour un sourd profond. Les soins d’un orthophoniste sont nécessaires, mais l’appareillage systématique et les écoutes de sons au casque sont de la torture pure pour un sourd. D’ailleurs, les parents s’en rendent bien compte, mais le personnel médical n’écoute pas.

Il semble que le témoignage date d’entre 2000 et 2005. En 2005, la langue des signes française a été reconnue comme langue officielle, espérons que les méthodes ont évolué en conséquence.

Fiche Technique

Format : album

Pages : 192

Éditeur : Steinkis

Collection : Romans graphiques

Sortie : 23 février 2017

Prix : 22 €