Fences – Avis +/-

Présentation officielle

Dans les années 1950 à Pittsburgh, Troy Maxson, ancien joueur de la Negro League de baseball, est devenu éboueur.

Il vit aujourd’hui avec son épouse Rose, son fils Cory et son jeune frère Gabriel, ancien soldat handicapé suite à une blessure à la tête.

Avis de Vivi

Après les films Antwone Fisher (2002) et Great debaters (2007, inédit en France) où Denzel Washington portait la double casquette d’acteur et de réalisateur, il récidive dans ce troisième très long-métrage (2h19), Fences (= Barrières, au pluriel), adaptation à l’écran d’une pièce de théâtre d’August Wilson (prix Pulitzer en 1987), montée à Broadway en 2010, dans laquelle il avait joué et obtenu le prix du meilleur acteur (Tony award). Il reprend donc son rôle, celui de Troy Maxson, un éboueur qui trime pour entretenir femme et enfants, et a invité quatre partenaires de l’époque à réinterpréter le leur, à savoir Viola Davis (dans le rôle de son épouse, Rose),Stephen Henderson (Jim Bono, l’ami et compagnon de travail), Mykelti Williamson (Gabriel, le frère handicapé de Troy) et Russell Hornsby (Lyons, le fils aîné de Troy).

L’action se déroule à Pittsburgh dans les années 50 dans une Amérique ségrégationniste où, comme le dit Troy, « un noir doit être deux fois meilleur qu’un blanc » et qui, s’agissant du sport national qu’est le baseball, réduit un noir à jouer dans la Negro league, non dans la Major League. Les premières barrières sont donc politiques et sociales et annoncent le combat que mènera Martin Luther King (dont le portrait sera affiché plus tard dans le film, à côté de celui de J. F. Kennedy) pour l’égalité des droits civiques. La grande histoire à travers le prisme de la petite de cette famille noire dominée par un homme autoritaire, machiste, rebelle, traversé par une violence que le gin exacerbe et qui a le verbe haut…TROP!

Au commencement était le verbe…

Dès le début du film, la voix de Troy concurrence le bruit du camion poubelle et ne cesse de monter en puissance, plainte immédiate (seuls les blancs conduisent, les noirs ramassent). Denzel Washington a du coffre, pas de doute, mais le spectateur est mis à rude épreuve et lutte pour ne pas se boucher les oreilles! Ah oui…le bruit et la fureur… Bon, persévérons…il va bien se rendre compte qu’il n’est pas sur une scène de théâtre…mais non, il continue de déclamer, impose même un tempo infernal à son phrasé (d’autres parleront peut-être de prouesse verbale), laisse à peine son ami Bono en placer une tandis qu’ils se dirigent ensemble jusqu’à l’arrière-cour de la maison de Troy. Merci à Lyons, le fils aîné musicien qui vient réclamer un prêt de dix dollars à son père et réussit à lui imposer le silence en lui assénant qu’il ne sait rien de son éducation… Un instantané d’émotion qui peut enfin servir d’accroche et nous amener à nous intéresser au sort de cette famille plus décomposée que recomposée…

« Famille, je vous hais » : on va alors se concentrer sur la barrière qui sépare Troy de ses fils, surtout le petit dernier, Cory, né de son union avec Rose, dont il brise le rêve de faire carrière dans le baseball, un sport dans lequel Troy a jadis excellé, ce qui légitime sans doute l’utilisation appuyée de métaphores pour philosopher (« en naissant, on a deux strikes avant d’arriver au marbre« )… Un temps soumis (« Yes, sir! »), Cory se révolte dans l’une des séquences intéressantes du film qui porte la tension à son paroxysme. Donc, regain d’intérêt pour nous lorsque les autres acteurs font obstruction (barrière) et contestent le territoire de la parole à ce trop fort en gueule qui reproduit la rigidité des principes éducatifs et moraux dont il a lui-même hérité, aimer ne faisant pas partie du programme.

Evidemment, il met en pratique le « Fais ce que je dis, pas ce que je fais« et révèle plus tard des aspects de sa personnalité encore moins attrayants qui risquent, pas de chance, de placer une barrière entre lui et le spectateur de cinéma. Cette barrière, au sens littéral du terme, dont Rose souhaite entourer la maison familiale, vole en éclats avant d’avoir été bâtie, échouant à protéger son couple (que la chair est faible!), une autre barrière se dresse entre elle et Troy et la propulse hors de sa cuisine pour lui faire terminer sa course devant un grillage (barrière). Rose, personnage finement interprété par Viola Davis, dont la belle âme peut évoquer au cinéphile celle de Mrs Cooper (Lilian Gish) de La Nuit du chasseur de Charles Laughton quand elle affirmait : « It’s a hard world for little things (…) they endure« …

Saoulant…

They endure = ils souffrent… C’est tout de même ce qui risque d’arriver à de nombreux spectateurs confrontés à un personnage qui ne suscite guère l’empathie et que l’interprétation complaisante de Denzel Washington rend très déplaisant. Travaillé viscéralement par la question noire aux Etats-Unis, hélas plus que jamais d’actualité, on comprend que cette pièce ait créé en lui un désir de cinéma. Mais quid des images ? On pouvait pardonner une faute de raccord par ci par là (on peut s’amuser à suivre le contenu de la bouteille de gin qui varie de manière illogique selon l’angle de prise de vue ou un sandwich dans lequel on est censé avoir planté les dents, par exemple) car même Hitchcock le méticuleux a pu faillir dans ce domaine…mais la mise en scène manque d’inventivité, elle recourt à des symboles attendus -l’orage quand tout va très très mal, le soleil qui se met à briller très très fort dès que l’on nomme la personne disparue-, des plans statiques qui font penser qu’il s’agit de théâtre filmé et une musique qui ajoute un peu de lourdeur à l’ensemble. « De la musique saoule, à rouler par terre« … Mais peut-être est-ce précisément l’intention recherchée par le réalisateur, agacer, cabosser et harasser son public, le saouler jusqu’à la limite du supportable, à l’instar de ses personnages qui se cognent contre des…barrières

Fiche technique

Sortie : 22 février 2017
Durée : 139 minutes
Avec : Denzel Washington, Viola Davis, Stephen Henderson
Genre : drame