Le 17 avril 1975, les parents et grands-parents de Frédéric Chau, des teochew, une ethnie chinoise du Cambodge, sont chassés de Phnom Penh par les Khmers Rouges. Ils prennent la fuite, échappant ainsi à l’un des plus grands massacres du XXe siècle qui emporte une partie de leurs proches. Frédéric naît le 6 juin 1977 à Saigon, alors que sa famille est en transit entre deux mondes. Emigrés en France, ses parents démarrent une nouvelle vie, dans une banlieue du 93.
Une vie difficile, ingrate. Ils cumulent plusieurs emplois pour nourrir la famille, mais surtout pour donner à leurs enfants les moyens de réussir. Ces parents qui ne parlent pas le français les exhortent à longueur de journée à s’intégrer. Mais cela n’est pas si facile pour celui qui enrage d’être traité de « niakoué », de « chinetoque » dans la cour de l’école. Alors il fait tout pour se fondre dans la masse et ressembler à ses copains.
Sur les terrains de basket, il apprend à jurer en arabe, il découvre le pouvoir de la tchatche, cette exubérance qu’ont toujours bannie ses parents. A trop vouloir ressembler aux autres, Frédéric perd de vue ses origines, mais finira par en ressentir le manque. Dans ce livre, Frédéric Chau renoue avec le fil du passé. Il raconte l’exode de ses parents, leur arrivée en France, puis son enfance et sa jeunesse : une succession de galères, de joies et de désillusions dans une banlieue bigarrée.
Comment grandir ici alors qu’on vient d’ailleurs ? Comment « s’intégrer » en France lorsque l’on a échappé par miracle à un massacre en Asie où la famille a laissé son âme ? Entre tragédie et comédie, l’histoire attachante d’un homme en perpétuelle quête de lui-même.
Avis de Valérie
Le titre de autobiographie de Frédéric Chau joue sur le double sens de « venir de loin ». Comme beaucoup de Français, il est issue d’une famille qui a fui les Khmers rouges en 1975, une tragédie qui fut si horrible que la population n’a pas été décimée (soit disparition d’une personne sur 10) mais exterminée à raison d’un cambodgien sur quatre. Et il y a également ‘venir, revenir de loin’ correspondant à ce sentiment d’avoir échappé à l’enfer pour revenir à une normalité apaisante…
Avec beaucoup de pudeur mais également une simplicité qui ne cache que peu de choses, l’acteur révélé par Qu’est-ce qu’on a fait au bon Dieu ? revient sur ces racines et le sentiment d’exclusion qu’il a toujours ressenti.
Toute personne qui s’est construite dans la marge de part des facteurs comme la religion, la couleur de peau, la différence importante de culture et/ou la pauvreté se reconnait à un moment ou à un autre dans la jeunesse de Frédéric. Mais son expérience est unique, bien sûr. Et il commence le récit
Et c’est passionnant ! Car Frédéric Chau aidé par Astrid Eliard partage les recherches qu’il a faites sur le massacre des Cambodgiens avec émotions mais sans jamais nous écraser par la souffrance et l’horreur. Cela permettra à beaucoup de découvrir ces moments terribles. Puis, il y a les efforts d’intégration de sa famille, et le poids énorme que les parents du petit Frédéric font peser sur ses épaules. Les enfants d’immigrés se doivent de transformer les espoirs de réussite que leurs parents n’ont pu accomplir pour pouvoir s’installer dans leur nouveau pays.
Le style est simple, mais le lecteur attentif ressentira les émotions vécues par le narrateur. Sa franchise et son analyse rationnelle aidées du recul dû à l’age sont éclairantes. Il nous confie également de nombreuses photos de sa famille, toujours avec cette générosité qui qualifie son texte. Tout cela permet de nous attacher à sa propre histoire comme en tirer un motif plus général qui peut toucher tout le monde.
Voilà un exercice étonnant de la part de Frédéric Chau, cet acteur qui s’est fait connaître grâce à la comédie mais, qui nous présente une belle résilience en donnant beaucoup plus qu’un bon moment de lecture !
Fiche Technique
Format : broché
Pages : 222
Editeur : Philippe Rey
Collection : Document
Sortie : 17 septembre 2015
Prix : 18 €