Morceaux choisis.
L’auteur autrichien Stefan Zweig, Francis Huster l’a découvert dès ses quinze ans, il pense avoir tout lu (il précise avoir lu 95 % de sa production). D’ailleurs, travailler sur cette pièce lui a permis d’écrire un ouvrage sur Zweig qui devait être publié à la rentrée cette année (pourvu qu’il arrive à réduire les 700 pages écrites en 300, titre prévu : Le Nobel oublié). Il a déjà programmé de participer à une pièce comique lors de la sortie du livre afin de respirer un peu entre l’adaptation du Joueur d’échecs et la promotion du livre.
Alors pourquoi Francis Huster aime tant être seul sur scène ? En fait, ce n’est pas le fait de souhaiter toute la lumière sur lui, ou ne pas avoir à composer avec d’autres acteurs, induisant une certaine facilité… au contraire. Choisir le monologue, c’est être obligé d’être en totale symbiose avec le texte pour sentir, voire ressentir chaque spectateur de la salle.
Il doit leur transmettre la pièce non pas seulement par le biais du son et des intonations, mais par l’ensemble de son être, de par sa posture, ses expressions, ses mouvements, mais aussi une souffrance ou une désharmoniation, un plaisir… le juste sentiment au bon moment.
Ce travail se fait tout d’abord par l’adaptation d’un texte qui n’est pas une pièce de théâtre (composées de dialogues) mais la prose d’un romancier. Ici cette tache a été confiée à Eric-Emmanuel Schmitt. Lors de la lecture de l’adaptation (Le joueur d’Echecs est une nouvelle – la dernière que l’auteur a écrite avant de se suicider) Francis Huster a déclaré : »c’est parfait, sauf la dernière phrase« . Ce qui est était exactement ça. Telle qu’elle, elle gâchait la mélodie de cette pièce. Quelques mots intervertis changeaient tout. Eric-Emmanuel Schmitt est un auteur qui connaît la musique des acteurs affirme-t-il.
Ensuite, le travail du metteur en scène est capital. Steve Suissa a été élève de Francis Huster et ils se connaissent depuis 25 ans. Pour ce type de pièce, il faut absolument que règnent l’estime et la confiance, car il y aura forcément des engueulades. Il est bien sûr plus agréable pour un metteur en scène, d’avoir un acteur qui joue pour vivre. Pour qui chaque représentation est capitale, chaque inspiration a un sens…
Il faut y aller aussi avec beaucoup d’humilité car tout évolue, même dans le théâtre. Ce qu’on demande à un acteur c’est d’être en totale symbiose avec son personnage. Comme la pièce est basée sur un texte littéraire où on peut trouver cinq à six adjectifs par phrase, le succès se ferra sur la manière dont l’acteur fera vibrer les mots. De ce fait, l’acteur ne peut pas tricher. Cela se voit tout de suite. Soit c’est la fusion entre le texte et l’orateur, et la pièce restera à l’affiche plusieurs mois, soit elle sera retirée au bout de deux semaines.
Puis Francis Huster nous confie sa vision du métier d’acteur. Il nous parle d’abord de la main gauche et la main droite de l’acteur. Il faut avouer, qu’on ne voit pas de prime abord ce qu’il veut dire. Pour être un bon acteur, il faut de l’équilibre. On ne peut pas tenir toute une pièce à cloche-pied, soit lorsqu’on n’utilise que sa main droite ou sa main gauche.
La main droite, c’est le texte, c’est pouvoir le rendre par coeur. La main gauche c’est le sentiment, l’émotion. On peut trouver des interprètes virtuoses qui peuvent mimer en scandant leurs textes des émotions. Mais s’ils ne ressentent pas avec justesse les bonnes émotions, c’est truqué.
C’est ce que Steve Suissa et Francis Huster recherchent, rien de moins. Huster enfile son costume dès 14H alors qu’il ne joue qu’à 21H. Il est dans son personnage durant tout son temps libre. Il nous le confie, s’il n’avait pas ses filles, il ne pourrait pas reprendre pied avec la réalité. Il a toujours besoin d’en faire plus, il ne sait pas s’arrêter.
Un vrai sacerdoce que l’on ne peut qu’admirer, et ça tombe bien car Le joueur d’Echecs est prolongé grâce à son succès. Profitez-en !
à l’occasion de la pièce Le joueur d’échecs au Théâtre Rive Gauche
Posted by Onirik on lundi 13 avril 2015