Veit – Avis +

Présentation de l’éditeur

En 1940, Veit Harlan réalise Le Juif Süss, qui met en scène un personnage de Juif arriviste dans l’Allemagne de la première moitié du XVIIème siècle. Le film devint immensément célèbre, mais jamais son cinéaste n’accepta d’assumer sa responsabilité dans la stigmatisation des Juifs par le régime nazi. À cela, il a toujours préfére se retrancher derrière l’excuse des menaces que Goebbels aurait proférées à son encontre s’il refusait de réaliser le film.

En 2010, peu de temps avant sa mort, Thomas Harlan dicte ce texte, dans lequel il cherche à comprendre pour- quoi son père n’a jamais reconnu sa faute, mais aussi à se réconcilier avec lui, fût-ce à titre posthume.Thomas Harlan dénonce aussi, dans ce récit d’impossible réconciliation, l’hypocrisie d’une société allemande d’après- guerre qui cherche à se défausser de toute responsabilité individuelle en désignant des boucs émissaires.

Unanimement salué lors de sa parution en Allemagne, ce texte bouleversant est à la fois un témoignage histo- rique, un récit autobiographique et une nouvelle « Lettre au père ». Un père contre lequel il n’a cessé de se révolter. L’ouvrage est accompagné d’un ensemble de notes et d’annexes retraçant notamment la genèse et la réception du Juif Süss, ainsi que l’histoire des deux procès de Veit Harlan après la guerre.

Avis de Valérie

Veit est le prénom du réalisateur allemand qui commis l’une des abominations cinématographiques du IIIe Reich la plus célèbre, Le Juif Süss. A l’instigation de Goebbels, le cinéma germanique fut un grand moyen de propagande, une propagande particulièrement acérée qui fit beaucoup pour la cause nationale-socialiste défendue par Hitler et sa clique.

Ne nous leurrons pas. Lorsque Hollywood produit un film sur la guerre en Irak (ou chaque conflit où les US se sont engagés), sérieux ou non, il y a toujours un message visible : ce sont les autres les méchants.

Mais la force du Juif Süss est que s’il montre un personnage détestable, veule et profanateur de l’innocence, c’est visible et et on peut facilement lutter contre. Mais insidieusement est mis en branle des réflexes, des images, des généralisations qui ont permis d’ostraciser tout un peuple avec une facilité déconcertante.

Bref, le sujet n’est pas celui de l’antisémitisme même s’il est induit dans ce témoignage bouleversant de Thomas Harlan. Etre le fils de cet homme, particulièrement narcissique et égocentrique, a dirigé sa vie d’une manière inéluctable.

Le livre se partage en plusieurs parties. Tout d’abord, c’est une Lettre à mon père dont le style se partage entre douleur grandiloquente mais qui sonne juste et précision d’une analyse psychologique acérée.

Les notes sont nombreuses et rédigées d’une manière simple et précises. En elles-mêmes, elles sont une source d’information précieuse. Ensuite, en 15 pages, l’auteur dresse un état des lieux du film Le Juif Süss, de sa genèse aux mouvements de protestation d’après-guerre comme de l’influence de Joseph Goebbels dans le processus de création.

Puis, une biographie dresse en parallèle la vie de Veit et celle de Thomas Harlan permettant de situer dans l’espace l’existence des deux hommes. Et pour finir, une bibliographie succincte permet de continuer à s’informer sur Veit Harlan ou Le Juif Süss.

En conclusion, si le sujet peut sembler cryptique pour la plupart, il concerne tout de même un évènement mondial qui a modelé notre présent. Les pages rendues plus personnelles par les confessions de l’auteur, malgré leur style forcé, sont émouvantes et renvoient chacun devant l’incompréhension d’un parent, ou le besoin de tuer tout comme de pardonner et faire siennes les racines de son père…

Un document unique et passionnant.

Fiche Technique

Format : semi-poche
Pages : 148
Editeur : Capricci
Collection : Première collection
Sortie : 5 septembre 2013
Prix : 15 €