Qui est le terroriste de qui ? Dans le Far West que sont devenus les « colonies » algériennes du Nord-Pas-de-Calais, victimes et coupables se confondent.
Durant la guerre d’Algérie, le territoire de France métropolitaine fut également un lieu d’affrontement. La lutte pour l’indépendance de l’Algérie a amené la lutte fratricide entre deux mouvements indépendantistes rivaux. Désirant appliquer le régime du parti unique après l’indépendance, le FLN entreprit une entreprise d’éradication du M.N.A. : le Mouvement National Algérien dirigé par Messali Hadj. Ce conflit provoqua au Nord de la Méditerranée 4 000 morts entre les combattants des deux camps, sans oublier les balles perdues.
Bénéficiant d’une forte assise politique dans le Nord de la France, les Messalistes y résistèrent longtemps. Mais dans les deux camps la lutte fut impitoyable. Les deux organisations se finançant par le racket entreprirent la « guerre des cafés » et les assassinats politiques.
Emprisonné suite à un attentat contre un membre du F.L.N., le père de l’auteur dut certainement la vie à l’application de la justice française, qui le tint pendant plusieurs années hors du conflit. Ce passé familial incita Lakhdar Belaïd à explorer les affrontements dans le Nord de la France durant la guerre d’Algérie.
S’appuyant sur des documents d’archive et les témoignages des survivants, il plonge un demi-siècle en arrière; à une époque où les participants aux manifestations politiques étaient équipés de gourdin, de pierre, de couteau et de pistolet. Pendant ce temps les épouses françaises des militants algériens avaient affaire à la « Bande à Bonnot », surnom qu’elles avaient donné aux « collègues » de leurs maris qui vérifiaient le contenu de leurs cabas après les courses. En effet il ne fallait pas que leurs achats comportent cette marchandise hautement prohibée : la bière !
Journaliste et écrivain Lakhdar Belaïd nous présente un ouvrage instructif concernant la guerre d’Algérie en métropole. Mouvement politique méconnu, le M.N.A. messaliste bénéficie d’un éclairage intéressant. Dans un autre registre il est possible d’établir quelques comparaisons entre les récits recueillis et certaines situations présentes dans les polars[[Sérails killers (Folio), Takfir sentinelle (Gallimard), World Trade Cimeterre (Le Cherche midi), Les Fantômes de Roubaix (Ravet-Anceau)]] de l’auteur.
Ainsi un « politique » du FLN confond sur une photo une mitraillette Thompson et un bazooka. Transposé dans les romans cela donnera des pieds nickelés du braquage confondant un pistolet mitrailleur de type Scorpion avec une Uzi.
Comme dans tous ses ouvrages, on constate une mise en évidence des paradoxes de l’Histoire humaine. Ainsi alors que les indépendantistes se combattaient entre eux, l’auteur (né en 1964) doit son existence au fait que son père ait été emprisonné par les autorités françaises, ce qui a permis au père de survivre et à son fils de naître après le conflit.
Si les thrillers du romancier s’appuient sur le passé, la violence et les contradictions de l’être humain, cette étude historique pertinente nous présente une époque relativement récente qui marque encore les esprits
Fiche Technique
Format : broché
Pages : 272
Préface : Benjamin Stora
Editeur : Seuil
Sortie : septembre 2008
Prix : 18 €