Ciné + Club – Puzzle

On ne peut s’empêcher de penser à Une journée particulière, le drame bouleversant d’Ettore Scola (1977), en regardant cette émouvante histoire de Natalia Smirnoff, première production et réalisation de cette directrice de casting.

Elle signe également un scénario qui visiblement lui tenait à coeur, et cette émotion est perceptible ici, magnifiée par la très touchante composition de l’actrice principale Maria Onetto, qui joue, tout en retenue, cette discrète et calme épouse et mère de famille qui a juste oublié d’être une femme.

Peu à peu, cette quadragénaire rêveuse, timide, s’éveille à la vie et découvre non pas le monde, mais elle-même. L’excellente idée est de surtout ne pas l’avoir confronté à un tyran machiste comme époux.

Au contraire, cette petite famille s’est installée dans un déséquilibre assumé, où notre anti-héroïne reste avec un contentement tranquille dans sa cuisine (dans laquelle sa future belle-fille a du mal à s’introduire…) faisant les comptes de son commerçant de mari, tout en gardant un oeil vigilant sur leurs deux fils. L’Amérique du sud fait vraiment penser à l’Italie des années 70 !

La transformation de cette femme effacée est beaucoup plus subtile que nous pourrions le penser. Le spectateur assiste en souriant au grain de sable qui fait déraper la machine, lorsque Maria réussit son premier puzzle.

Soudain, ses propres capacités lui sautent aux yeux. Alors la confiance en soi commence son oeuvre destructrice. La réalisatrice joue sur les regards, sur la sobriété du jeu, sur la simplicité de son scénario, pour mieux mettre en valeur cette jolie évolution, une émancipation timide mais pourtant forte et réelle.

Le regard presque sociologique de Natalia Smirnoff sur la condition de la femme en Argentine, nous interpelle. Elle dénonce ce manque d’indépendance flagrant non pas en mettant en scène une Norma Rae, [[film de 1979 basé sur une histoire vraie. Martin Ritt met en scène Sally Field qui joue le rôle d’une ouvrière « normale » qui va prendre conscience de sa condition et aider activement à l’instauration d’un syndicat dans son usine]] mais souligne les failles et la fragilité de ce petit monde clos, mettant en lumière le quasi-enfermement de Maria, qui ignorait même qu’elle n’était pas heureuse.

Pas de grandiloquence fervente féministe ici… Juste un très beau et délicat portrait de femme !