Lignes de faille – Avis +

Présentation de l’éditeur

Sol est un jeune Californien du XXIe siècle, Kristina une petite Allemande des années 1940. Qu’ont-ils de commun, sinon le sang ? Du petit garçon à l’arrière-grand-mère s’échelonnent les voix drôles, terribles, attachantes de quatre enfants, dont chacun est le parent du précédent. Voix de l’innocence ? Un récit vertigineux, sur la violence et les mensonges, l’amour et la rage qui se transmettent de génération en génération, en guise de mémoire. Lignes de faille a reçu en 2006 le prix Femina.

Avis de Marnie

Qu’y-a-t-il de commun entre quatre enfants de six ans ? Sol, en 2004, son père Randall en 1982, la mère de ce dernier, Sadie, en1962 et Kristina, l’arrière grand-mère en 1944 ont un grain de beauté sur différentes parties du corps… héritage génétique, héritage de coeur, héritage de réflexion…

Nancy Huston nous entraîne dans une fable (aucun enfant de six ans ne peut parler comme ces quatre là) où chacun d’eux, se retrouve en quête de son identité. Et tour à tour, ils vont perdre leur innocence.

Nancy Huston remonte peu à peu au coeur d’un secret de famille, dont les conséquences influencent le destin de ces quatre enfants pris dans la tourmente de l’Histoire. De la débâcle allemande au drame du 11 septembre, en passant par les massacres de Sabra et Chatila, les évènements rattrapent ces deux garçons et ces deux filles.

Ils subissent alors le ressenti de ceux qui les ont précédé, qu’ils soient élevés comme des enfants rois, ou négligés, victimes d’une mère surprotectrice ou indifférente, d’un père compréhensif ou absent… Pour trois de ces enfants, nous ferons connaissance avec l’adulte, avant de découvrir les « failles » de son enfance.

La lecture se fait alors sur plusieurs niveaux (quelle profondeur !). Nancy Huston montre avec une vraie subtilité le moment où l’enfant de six ans qui croit être le centre de l’univers voit soudain le monde le heurter de plein fouet, dans un flux d’émotions au ressenti très singulier.

L’auteur démonte aussi le mythe autour de la fameuse innocence de l’enfance, innocence toute relative, fragilité toute relative… ainsi Sol et son utilisation pervertie d’internet qui lui apporte une vision tronquée et déformée du monde, ou encore Sadie et ses interdits qui la submergent au point de l’engloutir. Chacun utilise les « failles » de ses proches à son avantage.

La recherche de l’identité est centrale dans cette histoire de « judéité germanique », où l’on semble se choisir une religion comme l’on recherche la définition d’un mot sur Google. Même si Nancy Huston utilise plusieurs clichés phares pour replacer chaque enfant dans la société de son époque, tout est nuancé et nous amène à la réflexion.

L’auteur possède un style franc, cru, où se mêlent humour, cynisme, tendresse, amour, haine, drame et violence… soit toute une gamme de sentiments irrationnels (ce sont des enfants !) avec pour thème fondamental la recherche de la mère.

N’oublions pas que la canadienne Nancy Huston [[qui vit depuis de nombreuses années en France]] a raconté son enfance dans Nord perdu. Elle a subi la séparation de ses parents lorsqu’elle avait six ans, son père obtenant la garde de ses enfants. Le ressenti autobiographique est perceptible et apporte de l’authenticité non seulement aux sentiments des enfants, mais également à la description des lieux évoqués.

Fin, intelligent et à certains moments, bouleversant ! Un prix Femina, bien mérité…

Fiche Technique

Format : poche
Pages : 381
Editeur : J’ai lu
Collection : Roman
Sortie : 24 août 2011
Prix : 7,60 €