Interview de Thierry Maricourt (écrivain et essayiste)

Onirik : Nom, prénom, âge, qualité ?

Thierry Maricourt : Thierry, 22 ans à vie, écrivain. Je me suis arrêté à 22 ans et je n’ai plus envie de bouger. À 22 ans on a encore plein de choses en tête. Tout est permis…

Onirik : Quels sont vos centres d’intérêt ?

Thierry Maricourt : Multiples. J’ai écrit une quarantaine de titres. J’ai beaucoup écrit sur la littérature prolétarienne, la littérature du monde ouvrier. J’ai écrit sur la chanson, des essais sur la littérature, sur les pays nordiques. Quand je m’intéresse à quelque chose, j’aime bien tout savoir du sujet passer du sujet à un autre.

Onirik : Vous avez élaboré un dictionnaire du roman policier nordique.

Thierry Maricourt : Je pense que c’est vraiment un genre en soi, ayant des particularités et cela me semble quelque chose de très intéressant. Je n’aurais pas pu écrire un dictionnaire du roman policier français parce qu’il y a trop de différences d’un auteur à un autre. Il n’y a rien qui relit les auteurs français à part la langue.

Les auteurs scandinaves ont un état d’esprit qui va vraiment être commun à tous les auteurs : la culture des pays du nord, le protestantisme, les grands espaces, le froid, la nuit, une vision très humaniste du monde. Il y a vraiment un état d’esprit d’un auteur à un autre et cela va se manifester dans les personnages et dans l’action.

Onirik : Avec des enquêteurs du genre contemplatif.

Thierry Maricourt : Ils sont plutôt observateurs. L’action et l’intrigue ne m’intéressent pas. On trouve toute une description de la société, un côté d’observation, comment celle-ci fonctionne et pourquoi une telle société permet que de tels crimes aient lieu. Il y a toujours aussi énormément de questions, un côté de critique.

Onirik : Si on prend le cas de Mari Jungstedt, les enquêteurs découvrent les faits par hasard.

Thierry Maricourt : Justement, ce ne sont pas des romans policiers où l’enquêteur va avoir un instinct, où il va pouvoir tout découvrir parce qu’il possède un côté surhomme. Les enquêteurs sont des policiers. Mais cela peut être des journalistes, des travailleurs sociaux, des personnes assez diverses qui vont enquêter.

Les romans font beaucoup de pages parce que le temps est nécessaire pour que le personnage principal puisse découvrir ce qui s’est passé. Il a toujours besoin de temps en même temps. Il observe tout ce qui se passe. Chaque personnage a aussi sa vie propre qui nous est présentée par les romans du point de vue ethnologique. On apprend beaucoup de choses sur une société à un moment donné.

Onirik : On retrouve les Scandinaves dans Les Vikings contre Hitler.

Thierry Maricourt : Ce roman qui est plutôt destiné aux adolescents se déroule sur une page d’histoire qui est très méconnue du moins en France. C’est la Seconde guerre mondiale dans les pays du Nord, alors qu’en France on a eu Pétain, Laval, la collaboration avec l’assentiment d’une très grande majorité de Français.

Dans les pays nordique, cela a été complètement différent. Hitler pensait qu’il pouvait envahir le Danemark et que cela pouvait se faire assez facilement. Les grand-blonds danois avaient le profil de la race arienne. Toute la population s’est soulevée contre l’envahisseur nazi à commencer par le roi qui est censé avoir porté l’étoile jaune.

Toute la population a participé au sauvetage des Juifs qui ont été évacués vers la Suède. Il y a eu un accueil de la population juive et de tous les gens qui avaient maille à partir avec le régime hitlérien.

En Norvège, occupée par l’armée allemande, Hitler pensait être en territoire conquis. Il a vraiment mordu la poussière.

Onirik : Le processus de narration diverge. Au début c’est Skid vieillard qui évoque sa jeunesse. Au bout d’un certain temps cela n’est plus « je » mais « il ».

Thierry Maricourt : C’est volontaire. C’est lui qui parle et puis on observe. J’ai utilisé plusieurs modes de narration. Parfois c’est lui qui parle à d’autres. Je pense qu’il est dépassé par les évènements. Avec tout ce qui peut arriver autour de lui, il n’est plus qu’un objet de l’Histoire. Le « je » n’est plus nécessaire.

En 1940 Skid est tout petit. Il suit son père qui est un des chefs de la résistance. Son père disparaît et lui se retrouve en Suède où il veut aider une jeune fille juive. Puis il devient résistant en Norvège. Le gamin passif prend une attitude vraiment active. Donc c’est le « je » et le « il » selon les circonstances.

Onirik : Quels messages sont contenus dans ce roman ?

Thierry Maricourt : Les Scandinaves sont de lointains héritiers des Vikings. Il y a une extrême-droite qui aime bien jouer avec les mythes vikings, les runes, alors qu’historiquement et socialement il n’y a aucune raison. J’ai voulu combattre cela.

Il ne faut pas laisser ce qui semble inéluctable se mettre en place. Il faut aussi se mettre debout quand c’est nécessaire, être capable de se battre, de se révolter. Même quand cela paraît extrêmement difficile, il y a toujours quelque chose à faire.

Onirik : Cela correspond au cas de la Suède. Vous évoquez les choix possibles : collaboration, résistance, neutralité.

Thierry Maricourt : Quelle attitude avoir ? Moi je n’ai pas à me prononcer là-dessus. Le gamin dans ce livre est confronté aux différentes prises de position qu’on a pu observer à l’époque. Collaborer ? La collaboration n’a pas marché du tout. Il y a eu très peu de collaborateurs.

Être passif, cela peut être une solution. Cela a permis d’accueillir énormément de gens pourchassés par les Nazis ou vraiment protester, prendre les armes, dire « maintenant, ça suffit !« .

On ne peut plus simplement être passif. Mais il faut passer à une autre phase. Cela dépend de soi, qui on est, comment on supporte les choses. Ce qui compte c’est qu’il ne faut pas rester les bras croisés.