Le Sang des bistanclaques – Avis +

Présentation de l’éditeur

9 mai 1920, Lyon
A l’aube d’une journée qui s’annonçait radieuse, le cadavre putréfié d’une vieille femme est découvert dans un pré, non loin du centre de la ville et de l’hippodrome. Le visage de la victime est tellement abîmé que l’identification est impossible. Pour ne pas ternir la réputation de Lyon, rivale de Paris et de ses brigades du Tigre, le procureur promet une résolution imminente.

Le tout nouveau laboratoire de la police scientifique de la ville ? le premier au monde ? est chargé de l’enquête. Il est dirigé par le professeur Hugo Salacan et le commissaire Victor Kolvair, rescapé des tranchées. Cette enquête va révéler deux visions de la justice, de la police et de la science, deux visions aussi, faut-il le dire, d’une société en pleine mutation.

Le Sang des bistanclaques est une plongée dans la société lyonnaise des Années folles. C’est aussi le parcours d’une autre folie, une folie individuelle, le portrait d’un enfant de la Croix-Rousse devenu tueur en série.

Avis de Marnie

Décidément, les années folles constituent un vrai vivier d’idées en ce moment. Vous ajoutez que la série Les experts ont révolutionné le thriller, et vous obtenez une sorte de modernité rétro, soit un cocktail détonnant dépaysant et tout à fait appréciable.

L’époque est en effet passionnante, si l’on pense aux découvertes scientifiques foisonnantes. Après, il suffit qu’un écrivain possède suffisamment de talent pour créer une intrigue digne de ce nom, tout en sachant distiller toutes ces nouvelles méthodes avec intelligence et astuce, et le tour est joué !

Enfin, dernière condition indispensable, faire croire au lecteur que tout cela se fait avec aisance. Pour son premier roman, Odile Bouhier, scénariste de téléfilms, a réussi ce pari pas si facile que cela.

Il faut noter la construction tout à fait actuelle, très scénaristique du thriller. De très courts chapitres se focalisent sur plusieurs personnages qui mènent l’enquête, mettant en relief les difficultés subies par ce petit groupe iconoclaste de la police scientifique lyonnaise, premier laboratoire au monde, fondé juste avant la Grande Guerre, se confrontant quelques années plus tard au même scepticisme et l’incrédulité de policiers, procureurs ou juges… Parallèlement, là encore, en très courts chapitres, se dessine le destin d’un serial killer.

Le style d’Odile Bouhier est vraiment intéressant, parsemé de ruptures de ton, qui apporte une vraie force à ce roman. De longues phrases descriptives, explicatives nous racontent l’histoire de Lyon et de l’industrie de la soie, indissociables, et notamment l’évolution du droit du travail, ouvriers et bourgeoisie des soyeux.

L’abondance de détails historiques est une qualité, mais quelques fois nuit au rythme. Toutefois, l’auteur sait parfaitement intégrer de multiples faits « lyonnais » ou non intéressants : rivalité entre les brigades du Tigre et cette nouvelle police scientifique, les frères Lumière, les conséquences de la Grande Guerre (les traumatismes, la violence, les gueules cassées), la place de la femme dans cette nouvelle société…

Le contexte est donc réussi et heureusement, Odile Bouhier prend également le temps de s’attarder sur ses nombreux personnages, nuancés, évolutifs, introduisant même un ou deux rebondissements surprenants. En tête, le professeur Hugo Salacan, totalement passionné par cette révolution scientifique, qui mène une enrichissante vie de famille tout en finançant ses propres recherches en écrivant des romans policiers, le tout avec passion et enthousiasme.

Il est épaulé par le sombre et désabusé Victor Kolvair, handicapé par une blessure de guerre, à l’esprit rationnel et ouvert, qui fait autant confiance à son instinct qu’à ces nouvelles méthodes. Un jeune chercheur en physiologie, Jacques Durieux, et une talentueuse aliéniste Bianca Serraggio viennent compléter cette équipe de choc. Nous vivons au gré de leur quotidien, ces personnages prenant de plus en plus de relief au cours du déroulement de l’intrigue, même si le vocabulaire, et ce style narratif restent très classique.

Odile Bouhier parsème son récit de pistes qui pourraient s’entrouvrir sur d’autres enquêtes, des éléments en parallèle, certains trouveront une issue, d’autres non, ce qui nous laisse à penser qu’un second volume pourrait être prévu… ce qui serait tout à fait souhaitable !

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 278
Editeur : Presses de la Cité
Collection : Terres de France
Sortie : 31 mars 2011
Prix : 19 €