Une blonde à Manhattan – Avis +

Présentation de l’éditeur

New York, 1955
Marilyn Monroe quitte Hollywood pour échapper à l’emprise des studios et à son image de blonde écervelée. Elle se réinvente en fréquentant l’élite intellectuelle et les cours de l’Actors Studio. Pour témoigner de cette nouvelle Marilyn, un magazine populaire engage le photographe Ed Feingersh.

Ensemble, Ed et Marilyn inventent un style de reportage qui emporte le lecteur dans l’intimité de la star. Créatif et téméraire, il la suit pas à pas dans les rues, le métro ou les bars de Manhattan. De son objectif jaillissent les images sensibles d’une femme sans fard, une passante presque ordinaire, heureuse, mélancolique, impériale et solitaire.

Cinquante ans plus tard, ces clichés cachent encore une énigme : alors que l’actrice entrait dans la légende, le photographe disparaissait sans laisser de trace. Le temps d’une semaine, il avait su voir Marilyn comme personne avant lui.

Avis de Marnie

A la question que l’on posa à Marilyn Monroe : « Que portez-vous pour dormir ?« , elle donna sa plus célèbre réponse : « Du n° 5 de chez Chanel ! » Pour preuve, voici une image totalement oubliée jusqu’au moment où une enveloppe pleine de négatifs fut miraculeusement retrouvée en 1987.

A l’heure où l’image de Faye Dunaway immortalisée par l’objectif du grand Jerry Shatzberg est placardée sur tous les murs de Cannes, il est passionnant de constater à quel point le talent artistique, ou disons-le, le génie du très anonyme et oublié Ed Feingersh a su influencer les plus grands photographes de la planète.

Il n’existe que très peu de photos de ce New-yorkais pure souche, introverti, victime d’une famille envahissante, qui âgé de vingt ans, débarqua sur les plages de Normandie, peu préparé à ouvrir les portes des camps de concentration. Il arracha un appareil photo à un allemand mort et fit ses premiers instantanés. Traumatisé, en proie à un mal de vivre et ne vivant plus que dans un suicidaire instant présent, sa légende de photographe de guerre risque-tout commença à ce moment précis.

Adrien Gombeaud met ainsi en parallèle deux destins, l’un sous le feu des photographes, l’autre anonyme derrière les objectifs. Tout les oppose… Ils ne partageront aucune intimité ni même aucune complicité. Marilyn Monroe qui avait l’habitude de jouer de la fascination qu’elle sait exercer auprès des photographes depuis son adolescence, ne manipulera pas cet homme-ci.

En effet, Ed Feingersh ne pense qu’au fameux et si déterminant « instant décisif » de Cartier-Bresson, si éloigné de l’image de studio Harcourt. Au lieu du mythe, Ed Feingersh se focalise sur l’impact de la chair sur l’objectif. C’est ainsi que nous sont alors présentées et commentées ces photos où la beauté « vivante » de Marilyn Monroe est magnifiquement mise en lumière, à l’opposé des images figées glamour qui l’ont pourtant immortalisées.

Mais si tout oppose Marilyn Monroe et Ed Feingersh, il y a bien plus qu’une semaine de leur existence qui les réunit. Adrien Gombeaud fait ainsi ressortir leur vraie fragilité émotionnelle, une passion destructrice pour leur travail, les mêmes pièges comme l’alcool et les calmants, jusqu’au troublant même destin à un an d’intervalle. Le ton du journaliste évite tout mélodrame, ou fascination morbide ou laudative en nous livrant une biographie complète mais très épurée.

Il est vrai que tout a été raconté mille fois sur la mythique Marilyn, mais il s’agit ici de raconter la vie de la star en comparant certains aspects avec l’existence d’un inconnu, à l’aide de témoignages d’amis, de collègues et de la famille de Ed Feingersh. Cependant, Adrien Gombeaud va adopter un style plus personnel, moins journalistique et plus chargé d’émotion en décrivant les fameuses photos, et donc la semaine du 24 au 30 mars 1955. Il y a, en effet, un atout supplémentaire… Manhattan ! Loin du glamour et du rêve hollywoodien, nous voici au coeur du cerveau de l’Amérique, celle qui travaille, celle qui gagne !

C’est ce contexte extrêmement bien représenté ici, aussi documenté que soigné qui là, nous fait rêver. Voir déambuler Marilyn dans le métro, fixer la façade de chez Elizabeth Arden, fumer une cigarette au café Costello’s, un verre à la main, magnifique anonyme parmi d’autres anonymes floutés sans aucune volonté d’effacer les visages, mais seulement de mettre en lumière une femme et l’activité incessante d’une ville…

En lisant alors ce « documentaire » comme un roman, nous avons l’impression d’écouter la chanson immortalisée par Liza Minelli, New York New York, «I want to wake up in a city, that never sleeps, and find I’m a number one, top of the list, king of the hill, a number one !»

Deux destins tragiques, une ville qui ne dort jamais, la photographie figée qui disparaît pour laisser place à la vie, soit l’instantané, la naissance de la photo d’art, alors que bientôt Kodak, la couleur, les paparazzi et les années 60 et vont tout balayer sur leur passage…

C’est tout cela que nous raconte Adrien Gombeaud dans cet ouvrage indispensable pour tout cinéphile ou pas, pour tout adorateur de Marilyn ou pas, pour tout dingues de photographies ou pas (en plus, pour notre plus grand bonheur, une dizaine de photos viennent illustrer le propos)… instant décisif d’une époque révolue raconté par un journaliste dont la passion vibrante est ici perceptible.

Si vous voulez voir ces fameuses photographies : Exposition de photographies de Marilyn Monroe par Ed Feingersh, du 31 mai au 7 octobre 2011 à la Maison des Amériques.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 211
Editeur : Serpent à plumes
Collection : Essai
Sortie : 6 mai 2011
Prix : 19 €