N’ayez crainte – Avis +

Présentation de l’éditeur

Détroit.

Karen, mannequin d’une trentaine d’années, s’est fait flouer par son ex, Samir, un riche Irakien propriétaire d’épiceries fines – et aussi prêteur sur gages. Elle l’a quitté et il refuse de lui rendre les 300 000 dollars qu’elle lui a confiés.

Quand une nuit, deux petites frappes font irruption chez Lou Starr, le nouveau compagnon de Karen – un Grec à moumoute bedonnant -, pour le délester des 9 600 dollars qu’il vient de gagner au casino, Karen a une idée… Elle leur fait miroiter une petite fortune s’ils l’aident à cambrioler la maison de Samir.

Pour mener à bien l’opération, elle engage aussi une brute mal dégrossie tout juste sortie de prison. Et, bizarrement, le cambriolage part en vrille. Samir plonge dans le coma, l’un de ses employés est tué. Seul point positif, ils ont récupéré le coffre-fort.

Avis de Marnie

Nous éviterons de comparer l’écriture du père et du fils, les qualités et défauts de celle d’Elmore et de celle de Peter Leonard, également, de se demander si le talent est héréditaire… La seule question évidente est de savoir si N’ayez crainte (Trust me) en anglais, [[dont la traduction est ici maladroite, Faites-moi confiance aurait été nettement plus adapté]] est un bon polar ? La réponse est très simple, oui.

Non seulement, l’intrigue est habilement ficelée, mais la construction est astucieuse laissant la part belle aux rebondissements. Les personnages ne cherchent pas à être attachants (exceptée Karen pour qui il est évident que l’auteur éprouve une vraie tendresse) mais sont tous intéressants, et surtout le rythme insensé, le grand atout de ce roman, est parfaitement maîtrisé apportant aux situations à la Tex Avery [[un dérapage contrôlé dans un virage que l’on nous montrait alors hors pellicule]]… un non-sens absolu jubilatoire !

Inutile de raconter les péripéties : les courses-poursuites en tout genre, les assassinats, les blessés, les dialogues percutants, cyniques, grossiers, les cris et divagations, les multiples intervenants qui entrent ou sortent, tour à tour victimes, meurtriers, témoins, soit toutes les personnes mal intentionnées qui vont se ruer à la recherche de Karen, une jolie rousse sympathique, héroïne malgré elle d’un scénario qu’elle a concocté pour seulement récupérer son bien, scénario catastrophe où elle va tomber de Charybde en Scylla. C’est du Tarentino pur et dur certes, mais aussi trempé dans une atmosphère digne d’une parodie des frères Coen notamment dans la gestion intelligente des malentendus dont les conséquences ressortent à bon escient.

Les caractères vont du beauf américain à l’ex-flic revenu de tout, en passant par le petit escroc et sa petite amie fausse ingénue, mais aussi le voyou de base des polars, une dominatrice aux cheveux violets, un psychopathe allumé, la bimbo sotte, l’avocat tellement intelligent qu’il préfère être perpétuellement drogué, sans oublier deux très méchants « arabes » habitués à livrer de vraies guerres, et qui ne jouent absolument pas dans la même cour que les autres.

Bien sur, vous l’aurez compris, le second degré très présent, est évident du début jusqu’à la fin. Au passage, Peter Leonard nous offre dans ses dialogues quelques réflexions sur la sous-culture américaine, et une vision assez cynique de l’american dream qui semble avoir pris quelques plombs dans l’aile. Notre auteur n’est pas un publiciste depuis trente ans sans en garder quelques séquelles : notamment un sens de la formule plus que percutant !

Si le thème de la course-poursuite après une fortune volée pourrait paraître classique, il faut vraiment souligner que c’est la construction qui change tout et apporte une vraie originalité à cette intrigue. Comme dans le film Memento, certains évènements nous sont racontés soudain avec un bond en avant sans que nous comprenions le coup de théâtre qui s’est déroulé dans la demi-heure précédente, puis un bond en arrière, les évènements cette fois ci racontés par un autre personnage qui nous livrera donc une réponse certaine fois inattendue, accélérant déjà un rythme pourtant poussé à l’extrême. Cela apporte une vitalité inédite à ce récit mais aussi un sens du déroulement complexe qui interpelle, et retient de bout en bout l’attention du lecteur.

Un suspense divertissant, réfléchi, soigné… et d’une jolie efficacité !

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 330
Editeur : Archipel
Collection : Suspense
Sortie : 6 avril 2011
Prix : 14,95 €