Les silences de Margaret – Avis +

Présentation de l’éditeur

Pierre, avocat, revient à Metz, ville de son enfance, pour défendre sa soeur, soupçonnée de meurtre. Mais la jeune femme, après l’avoir assuré de son innocence, lui refuse son aide. Pourquoi ce silence ambigu et suicidaire ?

Les recherches de Pierre l’amènent à exhumer un passé vénéneux que sa grand-mère, Margaret, et sa mère, Hélène, taisaient depuis plus de cinquante ans. Tout commence pendant l’entre-deux-guerres, dans une boîte de jazz malfamée, par un coup de foudre fatal qui unit une jeune femme enjouée et insouciante, blargaret, au mystérieux Manfred…

Dans sa quête, Pierre n’échappera pas à une confrontation avec ses propres démons. Le drame des silences et des non-dits au sein d’une famille dans ce roman d’ambiance particulièrement envoûtant.

Avis de Marnie

Avec pour prétexte une intrigue policière très bien ficelée, Paul Couturiau décrit tout un pan de la grande Histoire entre 1908 et 1945, avec les conséquences subies ou simplement vécues par une famille allemande et française des deux côtés de la frontière.

De Trèves (ville frontalière allemande toute proche du Luxembourg) à Metz (Lorraine), les choix d’une femme vont entraîner une cinquantaine d’années plus tard plusieurs meurtres en apparence inexplicables. Nous voici donc à la fin du mois d’avril 1981, où un avocat bruxellois est rappelé d’urgence par sa famille restée en Lorraine, famille dont il s’est toujours senti à l’écart, traumatisé par une enfance de maltraitance. En effet, sa soeur aînée serait accusée de meurtre…

C’est avec ce point de départ que commence tambour battant ce récit choral, véritable page-turner, raconté par Pierre, mais aussi entrecoupé par la lecture du journal intime de Margaret, sa grand-mère allemande, introduisant quelques extraits de celui d’Hélène la mère de Pierre.

Ce suspense est passionnant de bout en bout puisque tout le monde semble savoir selon sous-entendus et allusions énigmatiques qui est l’assassin, sans le nommer ou sans que l’on comprenne la raison de ces exécutions. Nous nous identifions à notre héros en quête de vérité, plus ou moins victime ou seulement témoin des non-dits de cette famille, qui garde de nombreux secrets enfouis pourtant peu profondément.

Que ce soit Pierre, Dorothée sa soeur, Hélène, leur mère, Margaret, leur grand-mère, Jozeph, ce grand-oncle énigmatique… et autres membres de cette étrange famille, tous ces caractères possèdent plusieurs facettes avec une vraie évolution au cours des années, se révélant tour à tour antipathiques, attachants, pathétiques.

L’auteur réussit parfaitement à mettre en place sa tragédie de morts annoncées, d’un ton volontairement glacial et sec, parfois sarcastique, tout en retenant une vraie émotion sous-jacente, choix de style parfaitement bien adapté au contexte maîtrisé de bout en bout. L’opposition entre le présent et le passé est soulignée par de petites particularités ou même effets de styles qui sonnent parfaitement justes. Ainsi, nous avons bien du mal à réaliser que la vieille femme froide que Pierre appelle Mémère est la jeune fille passionnée et exaltée qui raconte ses folles nuits dans des cabarets et qui fera tant de sacrifices dont certains égoïstes, par amour.

Enfin, l’arrière-plan, soit la montée du nazisme de part et d’autre de la frontière n’est pas seulement l’élément qui provoque la montée de la tension et l’avènement d’enchaînements dramatiques, mais cela constitue aussi un des ressorts les plus passionnants du roman. En effet, si la Seconde guerre mondiale a été décrite des milliers de fois et de mille façons différentes, peu de romans s’attardent sur la lente progression des débuts du nazisme, surtout en utilisant moult détails d’une région frontalière stratégique, qui enrichissent considérablement le récit.

Pour cause d’âge qui aurait été bien trop avancé, et aussi à cause de découvertes scientifiques comme l’ADN qui n’auraient pas rendu crédible l’enquête, Paul Couturiau a la très bonne idée de situer l’actualité de l’intrigue dans les dix jours qui ont précédé l’élection présidentielle de 1981, ce qui apporte une touche « ciblée » et une sorte d’attente passionnée des plus intéressantes. [[la seule petite erreur relevée est lorsqu’un personnage met un CD dans son « auto-radio »… le compact-disc n’étant pas encore inventé !]]

Un polar historique au cœur d’une région… qui n’est pas sans évoquer l’atmosphère complexe des films comme Cabaret de Bob Fosse ou encore L’Oeuf du serpent d’Ingmar Bergman.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 320
Editeur : Presses de la Cité
Collection : Terres de France
Sortie : 17 février 2011
Prix : 20,50 €