Exercices de la perte – Avis +

Présentation de l’éditeur

Ce livre n’est pas seulement le récit du combat perdu d’avance que livrèrent Agata Tuszynska et son mari Henryk Dasko contre le Glioblastome multiforme, la plus féroce des tumeurs du cerveau, c’est aussi le journal d’un amour. Un amour plus fort que la mort inévitable, un amour qui prend ses racines dans l’admiration qu’Agata porte à Henryk.

Sur un axe Varsovie-Toronto, les amants sont ensemble transportés dans cette « zone dangereuse » qu’est la maladie, évoquée ici avec une précision et une virtuosité stylistique qui évoquent L’année de la pensée magique de Joan Didion. L’amant protecteur et roi devient un patient dans un monde neuf. Devant l’absence d’avenir, c’est le passé qu’on revisite, Varsovie, une famille juive, la guerre et l’extermination des juifs d’Europe, la littérature aimée, l’écriture, le talent des mots.

Les Exercices de la perte s’apparentent à un journal intime où l’on suit l’auteur presque jour après jour, mois après mois. C’est un voyage à travers les émotions humaines.

Avis d’Enora

Présenté comme un journal suivant la chronologie de la maladie, ce récit qui s’étale sur seize mois est un voyage à travers les émotions, de l’amour à la tristesse, en passant par la peur et la colère.

Ils vivaient un amour fusionnel depuis quinze ans quand Agata de passage à Paris pour la promotion de son livre, L’Histoire familiale de la peur, reçoit un courriel d’Henrik. Les médecins viennent de lui découvrir une tumeur cérébrale. Quelques mots qui changeront le cours de leur vie, quelques cellules vicariantes et tout bascule.

Lui est un brillant écrivain polonais qui dut quitter son pays lors de la traque antisémite de mars 1968 et pour qui cet exil fut la grande tragédie de sa vie[[En mars 1968, l’ambassadeur d’Union Soviétique en Pologne s’étant plaint de la mise en scène antirusses des Aïeux d’Adam Mickiewicz par le théâtre national de Varsovie, les autorités polonaises en avaient suspendu les représentations. Cette décision provoqua de vastes manifestations dans tout le pays, ce qui servit de prétexte pour déclencher une violente campagne antisémite et contraindre nombre de Juifs polonais à l’exil.]]. Elle, hantée par son histoire familiale, du ghetto de Varsovie à Treblinka, a toujours vécu dans la menace de la perte, le pressentiment de la précarité de toute construction comme un code cousu profond quelque part sous sa peau.

Dans un jeu de miroir, la maladie devient son ghetto et elle partage avec ses aïeux au destin inachevé, la peur, la douleur, le désespoir, le combat et la mort. « La mort, la guerre, l’extermination des Juifs. Mon chemin vers eux, vers leur épreuve est une conséquence logique du destin. Je dois être punie pour avoir été absente Là-bas et Alors… j’ignore pourquoi mais je sais qu’il doit en être ainsi. Quoiqu’il m’arrive ici et en ce monde, la source est la généalogie de la guerre »

Pendant qu’Henrik vit et se bat, Agata apprend la mort. La perte et la solitude, aussi. La maladie et ses traitements transforment Henrik, il n’est plus que son ombre, la réfutation de son ombre. Elle se sent seule, responsable de l’enfant qu’il est devenu et elle culpabilise à penser qu’elle aurait quelque part préféré ne pas l’avoir connu ainsi changé. Malgré la perte de l’homme qu’il était, elle doit continuer à se battre pour celui qu’il est devenu, irascible, parfois odieux, désespéré d’avoir perdu son pouvoir de contrôle. Plus dur encore, à la fin quand il renoncera à parler parce qu’il lui est trop pénible d’avouer qu’il se sait perdu, elle le soutiendra dans sa résignation et lui permettra de renoncer.

Exercices de la perte n’est pas un exercice cathartique, c’est un livre sur la maladie mais surtout une lettre d’amour adressée à son mari comme l’indique l’alternance des « il » et des « tu ». Ces mots qui lui semblaient inutiles, impuissants, pendant la maladie, reprennent tout naturellement leur importance dans sa vie d’écrivain. « Parler de lui, écrire sur lui, me rapproche de lui. »

Avec un style simple, un peu heurté, tout en pudeur et en émotion, ce récit nous entraine au cœur de la perte mais aussi de l’amour. Par son authenticité, il fera écho dans le cœur de tous ceux qui ont été confrontés à la mort d’un être cher.

Bouleversant !

Fiche technique

Format : broché
Pages : 315
Editeur : Grasset
Collection : Littérature étrangère
Sortie : novembre 2009
Prix : 19 €