Présentation de l’éditeur
Le 22 février 1942, exilé à Petrópolis, Stefan Zweig met fin à ses jours avec sa femme, Lotte. Le geste désespéré du grand humaniste n’a cessé, depuis, de fasciner et d’émouvoir. Mêlant le réel et la fiction, ce roman restitue les six derniers mois d’une vie, de la nostalgie des fastes de Vienne à l’appel des ténèbres. Après la fuite d’Autriche, après l’Angleterre et les États-Unis, le couple croit fouler au Brésil une terre d’avenir. Mais l’épouvante de la guerre emportera les deux êtres dans la tourmente – Lotte, éprise jusqu’au sacrifice ultime, et Zweig, inconsolable témoin, vagabond de l’absolu.
Avis d’Enora
Petrópolis, Brésil, automne 1941 ; Stefan Zweig et sa deuxième femme, Lotte, de vingt-cinq ans sa cadette, y défont leurs bagages pour la énième fois. Depuis que l’écrivain a quitté Vienne en 1934, sa vie est désormais le lieu d’une éternelle errance. Partout où il avait posé ses valises, la guerre le rattrapait : Londres où il était devenu Alien Ennemy, ennemi potentiel du Royaume, à la déclaration de guerre contre le Reich, New York qui ne s’était pas révélée la terre promise attendue avec ses tracasseries administratives incessantes. Le voyage prendrait-il jamais fin ?
Où qu’il aille, sa nostalgie de Salzbourg l’accompagne. Quand il est parti d’Autriche, on l’avait traité de fou. Il avait tellement écrit sur les tragédies du passé qu’il savait augurer des drames futurs. « Le plus grand meurtre de masse de l’Histoire » avait-il prophétisé et malheureusement son instinct s’était révélé exact. Il revoit l’autodafé de ses ouvrages le 10 mai 1933 ; il repense à sa bibliothèque, ses manuscrits originaux comme le journal de Beethoven, ses toiles de maitres qui trônent dorénavant dans la demeure de Goering. Il n’écrit plus désormais que pour être traduit en anglais ou en portugais ; mais est-on toujours un écrivain lorsqu’on n’est plus lu dans sa langue ?
Cet exil renforce la dépression qu’il traîne de son enfance de fils mal-aimé et alimente sa paranoïa ; à cela s’ajoute la culpabilité de la fuite, cette culpabilité du survivant par rapport aux milliers d’amis et de parents tués ou déportés. Non croyant, antinationaliste, il ne se reconnaît dans aucun combat. Déjà à vingt ans dans une de ses nouvelles il faisait l’éloge de la défaite ; le vaincu est pour lui une figure sublime, celui qui emporte la victoire morale. Il se voit appartenir à une race en voie de perdition et d’extinction « l’homo-austrico-judaïcus »
Quand Singapour tombe, il est persuadé que les forces de l’Axe vont gagner la guerre ; le malheur n’aura jamais de fin ; c’est l’abime. Le 22 février 1942, Stefan et Lotte se donnent la mort.
Mélangeant fiction et réalité, Laurent Seksik écrit sur les derniers jours de Stefan Zweig à la façon de Zweig. Il ne se contente pas de réduire l’écrivain à ce qu’on connaît de son existence mais s’appuie sur l’émotion que dégage le personnage, entre en communion, en empathie pour « viser l’ombre plutôt que la vérité révélée ». Il explore avec beaucoup de sensibilité cette âme meurtrie que l’écrivain autrichien traîne depuis son enfance. Il le fait en s’appuyant sur les écrits de Zweig dont les nouvelles, les romans s’achèvent tous dans le tragique, la folie ou la mort de ses héros comme une prémonition de son destin. Déjà en 1925 dans Le combat avec le démon, Zweig sublimait le suicide du poète Kleist et de sa femme…
Sublime !
Fiche technique
Format : broché
Pages : 188
Editeur : Flammarion
Sortie : 6 janvier 2010
Prix : 17 €