Une passion en Louisiane – Avis +

Résumé de l’éditeur

Avec un grondement sourd, les flots boueux du Mississippi déferlent sur les terres, noyant les plantations de canne à sucre et arrachant au passage des arbres centenaires. D’épais nuages noirs, disloqués par le vent, roulent dans le ciel. Soudain, une pluie diluvienne s’abat, voilant ce paysage apocalyptique. C’est à la faveur d’un éclair que Chantz a aperçu la silhouette à demi immergée, retenue par un amas de branches et de broussailles.

Ramener la noyée sur la rive n’a pas été une mince affaire. Est-il trop tard pour la ranimer ? Sous la soie de sa somptueuse chevelure rousse, la peau humide de la jeune femme est encore tiède. Le tissu trempé de sa robe en lambeaux épouse ses formes pleines. Un corps de déesse ! Chantz écarte les mèches qui masquent son visage et laisse échapper un juron. Maureen ? Impossible, cette démone est morte depuis des années. Pourtant, l’inconnue lui ressemble trait pour trait…

Avis de Callixta

Katherine Sutcliffe est un auteur rare qui n’a plus publié depuis plusieurs années ; la réédition de son livre Une passion en Louisiane est donc une façon de la découvrir et de regretter que peu de ses livres aient été traduits.

La construction du roman est remarquable et fonctionne comme une implacable marche du destin pour les deux héros, Juliette Broussard et Chantz Boudreaux. Katherine Sutcliffe a choisi la Louisiane du dix-neuvième siècle pour trousser un histoire plutôt dramatique qui implique plusieurs générations et beaucoup de haines et de rancoeurs.

Juliette est la fille d’un couple qui s’est déchirée jusqu’à la mort. Sa mère, Maureen Jared était une femme superbe au pouvoir de séduction redoutable. Son père, un Français, a succombé comme tous les hommes mais n’a pas su, malgré tous ses efforts, conserver les attentions exclusives de son épouse. Brisé par son infidélité puis par son décès, il a fini par se suicider. A dix-neuf ans, Juliette est ramenée sur la terre qui l’a vue naître après son éducation en France. La petite fille est partie à quatre ans et ne conserve que des souvenirs flous et son arrivée va rouvrir des plaies à peine refermées et susciter des envies, elle qui est le portrait vivant de sa mère et l’héritière de la plantation de ses parents. Juliette va se retrouver au cœur de convoitises qui pourraient bien mal se terminer.

Il est assez rare que la romance ressemble autant à la tragédie. Le roman est écrit comme une sorte de pièce de théâtre où tous les protagonistes sont réunis et vont permettre de dénouer l’écheveau de l’histoire qui s’est jouée du temps des parents de Juliette et celle qui se tisse avec elle. A plusieurs reprises, l’auteur aurait pu conclure dramatiquement tellement la relation qui se crée entre les deux héros semblent vouer à l’échec et tant les tensions sont insupportables.

Tout concourt à une impression de lourdeur : la localisation dans la Louisiane, à Bâton Rouge, au bord d’un Mississipi capricieux qui inonde les terres, détruit les plantations de cannes à sucre et menace la vie des hommes. L’humidité pèse comme un couvercle et la chaleur écrase tout aussi. Tout suinte et dégouline d’eau dans une atmosphère où la putréfaction est accélérée. Les hommes semblent être influencés par cette ambiance. Beaucoup ont des pensées troubles et peu nobles : Max, le parrain de Juliette qui est venue la chercher dans son couvent et a bien-sûr autre chose que l’intérêt de sa filleule en tête, Tylor, son fils, veule et désagréable, d’autres planteurs, violents et alcoolisés. Juliette va comprendre pourquoi l’ambiance est si lourde lorsqu’elle va réaliser que l’histoire de ses parents n’est peut-être pas aussi close que l’on pourrait le croire. En tous cas, tous ceux qui l’entourent ont joué un rôle dans le drame qui a broyé sa famille y compris Chantz Boudreaux, celui qui dirige la plantation de Max.

Il est inutile de dire à quel point de bons héros sont utiles pour faire un bon livre mais Chantz et Juliette font partie des excellents personnages qui se complètent et se mettent mutuellement en valeur. Juliette est la femme fatale par excellence, à son grand désarroi d’ailleurs et comme l’était sa mère.. Elle attire les hommes comme des mouches et Chantz va instantanément être séduit dans la rencontre dramatique qui les réunit. Le destin alors va les rapprocher inexorablement même si tous deux savent pertinemment que leur liaison est dangereuse. Katherine Sutcliffe va lentement faire monter la pression, montrant que l’attirance physique n’est seulement qu’une partie de leurs liens. Mais les obstacles sont nombreux et demanderont beaucoup d’efforts et de souffrance pour être dépassés.

Ce qui fait aussi un grand livre est le contexte et la sensation que peut ressentir le lecteur qu’il bascule dans un autre monde. Cette impression est totale, ici, avec un monde esclavagiste et raciste bien rendu. Les Noirs sont là au service des Blancs, mais ils jouent un vrai rôle dans l’histoire notamment la jolie métisse Liza amoureuse d’un Blanc dans une histoire qui est condamnée d’avance. Mais il y a aussi les portraits saisissants et forts des enfants, de leurs parents, finalement si proches de leurs maîtres. Mais nous voyons aussi les « petits blancs » ceux qui étaient libres mais d’une pauvreté crasse… C’est toute une société disparue qui réapparaît ainsi sous un jour peu glorieux et qui fait comprendre pourquoi elle a fini par s’écrouler dans ce sud trop humide, trop raciste, trop injuste.

Une passion en Louisiane est donc un grand roman sombre et passionné dont la fin heureuse est un vrai soulagement ! Evidemment, dans une romance, ce n’est pas surprenant mais les difficultés pour y parvenir et le réalisme de certaines scènes en feraient presque douter.

Si vous voulez redécouvrir ou découvrir ce très bon roman, n’hésitez pas, c’est un grand voyage !

Fiche Technique

Format : poche
Editeur : J’ai Lu
Collection : Aventures et Passion
Sortie : 1er avril 2009
Prix : 6,50 €