Une enquête inattendue – Avis +

Présentation de l’éditeur

A la fois roman policier et d’heroic-fantasy, Une enquête inattendue est le premier volume d’une fresque apocalyptique qui débute de nos jours et va jusqu’à l’instauration d’une nouvelle humanité.

C’est dans ce nouveau monde que se déroule l’histoire. Ikahac, un gnome, est avocat. Son associé, Lafidem, est un ancien voleur. Au milieu de la nuit un proche du gouverneur leur confie une enquête requérant beaucoup de discrétion et qui les amènera à découvrir ce qu’un secret d’état implique. De complots en trahisons, Ikahac et Lafidem devront déjouer maints pièges pour résoudre cette affaire.

L’avis de Nicolas

Délicat exercice que celui consistant à chroniquer et critiquer le travail d’une personne que l’on connait [[ici, notre rédac’chef adoré]]. C’est donc avec beaucoup de soulagement que je peux dire que c’est un livre que j’ai beaucoup aimé.

La démarche d’écriture en licence libre creative common est séduisante, mais au delà de la forme de distribution de l’œuvre, décider de placer un thriller dans un univers d’heroic fantasy est une idée très originale qui offre à l’auteur de nombreuses opportunités d’exprimer ses opinions en se distanciant de la réalité.

N’étant pas très familier avec le genre fantasy [[comme tout le monde, j’ai lu Tolkien, mais guère plus]], j’ai pu apprécier plusieurs autres niveaux de lecture dans cette aventure d’Ikahac et Lafidem. L’enquête policière, bien sûr, qui respecte plusieurs des codes du thriller dans la progression de l’histoire : la présentation des protagonistes dans une situation permettant d’identifier les points forts de leur personnalité, la mission assignée par une autorité supérieure menaçant leur vie en cas d’échec, les diverses rencontres et le travail d’investigation, les coups de théâtre et néanmoins l’avancée vers ce qui semble être une fin tragique pour le gnome avocat et son ami humain voleur repenti, enfin le démonstration « colombo-esque » démasquant le coupable et la dernière pirouette de clôture pour surprendre le lecteur.

L’intrigue est faite de complots politiques et de luttes d’influence entre états/cités et entre peuples. David Lapetina a réalisé un travail phénoménal dans la description des cités de Ret’Kahn et Ret’Fihn. La structure sociale, l’exercice du pouvoir, la politique… tout y est décrit avec force détails et au final un grand réalisme. C’est l’occasion pour l’auteur de développer des analyses que l’on pourrait assez aisément transposer à de nombreuses républiques, bannières ou sensées ne pas l’être[[pourquoi vous pensez à la France ???]]. Le racisme anti-gnome dont est victime Ikahac est similaire à toutes les formes de discrimination existantes. Cet avocat à la connaissance parfaite de tous les textes de lois a réussi à s’extirper socialement de la masse des gnomes, mais durant les joutes verbales qui l’opposent avec certains personnages rencontrés au cours de l’aventure, on découvre qu’il est au final assez peu libre penseur, enfermé dans son érudition. L’auteur nous propose de très intéressantes réflexions sur la loi, le bien et le mal, la politique, le pouvoir, la démocratie, le capitalisme (le commerce et le pouvoir exercé uniquement à sa prospérité), la religion, les écritures et leurs interprétations. C’est très riche et l’on voudrait encore plus de développement même s’il est probable que cela ne soit possible qu’au détriment du rythme de l’intrigue.

Petite déception sur une conclusion de l’ouvrage que j’aurai aimé moins abrupte, moins sombre et potentiellement plus ouverte sur l’avenir des héros. Mais cette décision n’enlève rien à la qualité globale de ce roman. On attend la suite avec impatience.

Avis d’Enora

Présenté à la fois comme un roman policier et d’héroïc-fantasy, Une enquête inattendue est en fait une sorte de conte philosophique qui fait la satire de nos mœurs et du pouvoir, dénonce la corruption, le racisme ainsi que les préjugés et incite à la réflexion.

Une enquête inattendue met en scène deux personnages principaux, Ikahac, un gnome exerçant le métier d’avocat et Lafidem, un ancien voleur et son fidèle associé. L’histoire commence par une scène de tribunal absolument jubilatoire qui met en exergue la verve et le talent d’ikahac. Talent qui lui vaudra le soir même, la visite d’un individu mystérieux qui le convie, ainsi que Lafidem, à se rendre le lendemain au palais du gouverneur. Voilà nos deux amis, plongés dans une enquête dont les prolongations les entrainent au cœur même des rouages politiques de Ret’Kahn. Qui a porté atteinte à la santé de la gardienne de la cité, représentante de sa prospérité ? À qui profiterait la déstabilisation politique qui découlerait de sa mort ?

Ce roman se dévore avec un plaisir qui réside d’abord dans la jolie écriture de l’auteur et son sens savoureux des formules. De plus David Lapetina sait, dès les premiers chapitres nous entrainer dans l’univers original et cynique de Ret’Kahn, cette cité étouffante construite sur une colline. Un détail me direz-vous, pas tant que cela car, quand on sait que le système d’évacuation se fait par les rigoles des rues, votre milieu social se définit selon l’altitude de votre habitation ! Dans ce système totalitaire où le gouverneur dépense plus pour l’armée et les services de renseignements que pour le bien des citoyens, les militaires ont la langue tranchée afin d’éviter les conspirations. Pour leur permettre de s’exprimer, on leur adjoint des penseurs. Asservir la philosophie à l’armée et au pouvoir, l’Histoire nous a montré quelles incidences terribles cela pouvait avoir, dans un passé pas tellement si lointain… « Je ne laisse jamais rien au hasard dans mes livres. Tout à toujours un sens, au moins pour moi. » nous a confié l’auteur, son roman est de fait, une satire politique, législative mais aussi et surtout, une incitation à la réflexion et à la mémoire.

De la galerie de personnages, extrêmement fournie, se détache son héros Ikahac, un gnome qui doit faire face aux préjugés sur sa race mais dont la différence lui permet de s’interroger sur les humains, leurs sentiments, leurs modes de fonctionnement. On y rencontre d’autres figures tout aussi intéressantes comme les Elfes qui ont réussi à rester en communion complète avec la nature ou Hu’Zes, le chef des caravaniers, descendant d’un peuple persécuté pour sa foi.

Il y a du George Orwell dans ce roman subtil, avec sa vision pessimiste sur le monde moderne et sa satire des politiques bornés, assoiffés de pouvoir. Et en refermant le livre de David Lapetina, j’ai pensé à une phrase de ce grand écrivain politique qu’était Orwell « En conservant l’amour de l’enfance pour des choses telles que les arbres, les poissons, les papillons…on rend un peu plus probable un avenir pacifique et décent, alors qu’en prêchant l’admiration de l’acier et du béton on rend plus sûr le fait que les êtres humains n’auront d’autres exutoires pour leurs excès que la haine et le culte du chef »

Un premier roman qui est une vraie réussite et qui donne envie de découvrir la suite des aventures d’Ikahac et Lafidem.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 254
Editeur : In libros veritas
Prix : 20 € ou gratuit en ligne ou en téléchargement numérique