Norman Mailer un prophète américain – Avis +

Présentation de l’éditeur

Norman Mailer est mort en 2007 à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. L’écrivain s’était attribué une mission quasi mystique : être le prophète, le messie autoproclamé de son temps et de son pays, l’Amérique. Dans cet essai biographique, Gwendolyn Simpson Chabrier aborde la vie et l’oeuvre de Norman Mailer à travers les influences de la littérature juive new-yorkaise, mais également celles de sa mère, de ses femmes ; du Women’s Lib ; de la politique ; de l’antisémitisme ; du racisme. Autant de sujets auxquels Norman Mailer s’est mesuré avec passion et, parfois, désespoir.

Ce livre est une plongée fascinante dans l’univers du prophète Norman Mailer ; auteur mythique de l’Amérique du XXe siècle.

Avis de Marnie

Sans vrai envie, avec seulement un curieux intérêt pour l’écrivain provocateur qui adorait voir focalisée sur lui l’attention de tous et surtout des médias, l’enfant terrible aux innombrables maîtresses, aux six mariages et aux neuf enfants… considéré par beaucoup comme l’écrivain le plus emblématique de la littérature américaine de la seconde partie du XXe siècle, me voici happée par les premières lignes non d’un essai mais de ce que je qualifierai d’un roman que je ne lâcherai plus. Non seulement, le professeur de littérature qu’est Gwendolyn Simpson Chabrier écrit une biographie mais à cela s’ajoute un passionnant et distrayant cours d’histoire, de sociologie ethnique, et d’étude psychologique qui emporte notre totale adhésion.

La quatrième de couverture évoque « une plongée fascinante », et c’est totalement ce que nous ressentons. J’ignore comment l’auteur arrive à nous faire ingurgiter des tonnes de références à d’autres écrivains ou personnages majeurs de la société américaine sans que nous n’éprouvions le moindre ennui. C’est certainement dû à l’utilisation d’un vocabulaire d’une simplicité confondante, qui éclaire de façon lumineuse une profonde admiration mêlée quelques fois soit d’indulgence, soit de consternation qui apporte la touche d’empathie nécessaire à cet exercice, ce qui nous rend si humain Norman Mailer, subversif, machiste, visionnaire, désespéré et attachant. Le style est si aisé, les explications si claires que peu à peu se dessine un génie bourré de contradictions, complexe et si simple à la fois.

Gwendolyn Simpson Chabrier nous parle des fondements des classes sociales de son pays, mais seulement ensuite, alors que sont placées les bases, de la place et l’angle d’attaque choisis (soit l’autocritique) par Mailer pour devenir une sorte de messager, héritage de ses ancêtres, se donnant la mission impossible de transformer la société américaine par ses seuls écrits sur la politique, les minorités, et les femmes. Dès ses premières oeuvres, notamment Les nus et les morts, il s’exprimera à l’aide de son expérience. La guerre il l’a faite ! Il deviendra une des grandes figures de l’opposition à la guerre du Vietnam, et jusqu’à la fin de sa vie, il râlera contre ce qu’il a considéré comme étant le plus mauvais président des États-Unis, George W. Bush.

La grande force de cet essai, c’est son souffle et sa puissance. L’auteur s’est laissée entraîner par la passion, la frustration, le désespoir et les excès de Norman Mailer. Elle démonte de façon lapidaire une des plus grandes idées reçues concernant l’écrivain, à qui l’on a reproché d’avoir renié ses origines ou refusé sa judéité. Il n’en est rien. Gwendolyn Simpson Chabrier nous dépeint alors une enfance totalement ancrée dans la petite bourgeoisie juive new-yorkaise, les traditions, l’étouffement d’une mère adoratrice mais ambitieuse et soudain la confrontation à seize ans avec les années à Harvard où l’antisémitisme va provoquer en lui les ressources pour bâtir les fondements de sa révolte, et de là, de son oeuvre. Pour elle, le dernier roman de Norman Mailer qui raconte la jeunesse d’Hitler, Un château en forêt, analyse l’influence des jeunes années du führer, déterminantes pour expliquer les choix, buts et le comportement politique qui seront les siens. Nous ne pouvons qu’établir un parallèle provocateur, certes, mais totalement assumé avec l’écrivain qui exprime alors sa judéité au grand jour.

Mais, il serait trop réducteur de piocher au hasard un ou deux thèmes de cet essai. Gwendolyn Simpson Chabrier explore les nombreuses contradictions de Norman Mailer quant à son comportement avec les femmes, les homosexuels, les autres minorités, Dieu et le marxisme, ses diatribes politiques, sa vision prophétique d’une société idéale, son aspect non-conventionnel lui qui avait adoré ressembler à ceux qui formaient l’élite, l’occultisme et le surnaturel et la réincarnation, ce qui nous ramène tout naturellement à la judéité. Lorsque nous refermons ce livre, la lucidité et la sagacité de certaines réflexions nous entraînent à nous interroger sur nous-mêmes.

Pour mieux prolonger et faire partager notre enthousiasme et donner une idée du style vibrant de l’auteur, voici la dernière ligne de cet ouvrage, ce qui ne gâchera pas le plaisir de la découverte : «L’inspiratrice de Norman Mailer, c’est l’âme à nu. Norman Mailer nous lance notre destin au visage. Le choc de vivre et de mourir à la fin du deuxième millénaire et au début du troisième, Mailer le restitue à la littérature en version intégrale.» Magistral non ?

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 278
Editeur : Ramsay
Collection : Biographie
Sortie : 18 septembre 2008
Prix : 21 €

Précédé d’un entretien exclusif avec Michael Mailer – Traduit de l’anglais par Jean Rosenthal qui écrit également la préface.