Obscure prémonition – Avis +

Présentation de l’éditeur

Spécialiste en langues anciennes, Grace St. John travaille pour une fondation scientifique de renommée internationale. Par erreur, on lui confie un jour la traduction d’un manuscrit du XIVe siècle rédigé en gaélique. De fait, il ne s’agit que d’une copie sur CD-Rom, l’original avant mystérieusement disparu. Or ce parchemin indique l’emplacement où Niall d’Ecosse, dernier grand maître des Templiers, aurait enseveli le, trésor de l’Ordre.

A peine en a-t-elle commencé le décryptage que la vie de Grace est menacée. Son mari et son frère sont assassinés par les dirigeants de la fondation, qui veulent à tout prix récupérer le manuscrit. Terrifiée, Grace s’enfuit, emportant avec elle le CD-Rom dont elle est déterminée à percer le secret. Cachée sous une fausse identité, errant d’un job minable à un autre, elle poursuit obstinément sa tâche. Jusqu’au jour où s’ouvrent les portes du Temps…

Avis de Domino

Il est des livres qui dès la première lecture vous plongent dans l’émerveillement et pour lesquels le miracle se renouvelle à chaque lecture. Qu’on découvre ce roman ou qu’on en soit à la dixième lecture, le charme est toujours là et agit avec la même force. Rares sont ces livres et on en compte peu dans sa bibliothèque. Obscure prémonition (ou La femme et le chevalier) appartient à cette catégorie de livres que l’on conserve précieusement et qu’on lit et relit avec toujours le même plaisir.

Si le talent de Linda Howard éclatait dans Le secret du lac, dans Obscure prémonition, il explose. L’auteur y est au sommet de son art. De nouveau Linda Howard mêle avec bonheur intrigue policière et paranormal. Mais ici, l’osmose est parfaite. Les deux intrigues sont étroitement imbriquées, chacune éclairant l’autre.

Le roman démarre très fort avec un double meurtre et la fuite de l’héroïne qui doit échapper non seulement à la police mais aussi aux tueurs lancés à sa poursuite. La première partie du roman est axée sur Grace qui voit sa vie tranquille voler en éclats en quelques secondes et doit apprendre à survivre dans un monde devenu hostile. Pour sauver sa vie et essayer de donner un sens à cette tragédie, il lui faut enfouir sa douleur et s’endurcir. Mourir au monde en quelque sorte. La clé du mystère est cachée dans les documents qu’on lui a confiés et ils vont devenir son point d’ancrage au monde, sa seule raison de continuer à vivre et à se battre. La jeune femme un peu ronde, douce et tranquille, heureuse en amour meurt et à sa place naît une femme dure, pleine de hargne, sans attache et habitée par deux sentiments, la haine et la volonté farouche de traduire les documents dont elle devenue la dépositaire.

La traduction des premières pages fait surgir un personnage mystérieux, Niall d’Ecosse que Grace va traquer au fil des documents. Il est la clé même si elle ne comprend pas quelle porte il peut bien ouvrir. Mais Niall ne reste pas une entité abstraite et prend corps et vie dans ses rêves, lui insufflant l’énergie pour continuer. A travers les siècles Niall et Grace, se cherchent, se répondent et se trouvent pour se séparer laissant leur faim de l’autre inassouvie.

Si la première partie du roman était clairement policière, centrée sur la fuite de Grace, dans la seconde l’aspect paranormal s’accentue. Après avoir percé le mystère des manuscrits et de Niall, Grace se trouve placée devant un autre défi, voyager dans le temps pour venger mari et frère et sauver le monde de l’emprise du mal. Cette seconde partie tout aussi réussie que la première voit enfin la rencontre de Grace et Niall. Les péripéties s’enchaînent, le rythme s’accélère, à des scènes sensuelles répondent d’autres pleine de fureur, de bataille ou bien d’émotion avant que l’intrigue ne se dénoue dans une série de scènes de plus en plus intenses.

Tout est réussi dans ce roman et tout concourt à en faire un roman inoubliable. L’intrigue est un mélange subtil d’angoisse, de mystère et d’émotion ; les personnages ne laisseront aucun lecteur indifférent, de la fragile Grace devenue guerrière malgré elle à Niall le Templier qui a perdu la Foi, en passant par Conrad, l’énigmatique chef des tueurs ou Parrish, l’incarnation du Mal absolu. Linda Howard dépeint avec force détails l’envers du décor de la société américaine, le monde des exclus, de ceux qui survivent à la marge et on suit avec émotion la descente aux enfers de Grace. C’est également avec le même luxe de détails que l’auteur fait revivre un Moyen Age bruyant, sale et paillard, très loin de la vision policée de certains romans. Linda Howard fond en un ensemble harmonieux, intrigue, personnages et descriptions créant un roman qui marquera durablement les esprits. Parvenu à la fin du roman, on éprouvera du mal à le replacer dans la bibliothèque, tout comme on a du mal à quitter des amis après une soirée réussie. Longtemps, Grace et Niall hanteront votre esprit et comme nombre de lecteurs vous ne pourrez vous empêcher de replonger dans l’univers tumultueux d’ Obscure prémonition et de succomber à la tentation d’une nouvelle lecture !

Si vous ne connaissez pas ce roman, il est grand temps pour vous de le découvrir, s’il prend la poussière dans la bibliothèque, qu’attendez-vous pour retrouver Grace et Niall ?

http://www.blue-moon.fr

Avis de Marnie

Paru précédemment sous le titre La femme et le chevalier, ce roman peut décontenancer si l’on pense découvrir un livre de la collection “suspense”. Il s’agit, en effet, d’un récit fantastique, ou plus précisément d’un time travel, des plus réussis.

– Grace est une jeune femme commune, très intelligente mais peu remarquable. Douce, s’habillant avec des vêtements amples et non apprêtés, ne se maquillant pas, considérée comme une potelée pas très dégourdie, son univers se réduit à sa petite vie en banlieue, choyée par son mari, son frère et occupée par un travail intéressant. Jusqu’au moment où d’intéressant, il devient passionnant sans qu’elle en comprenne la raison. Soudain, les deux hommes de sa vie se font tuer devant elle. De petite innocente plutôt fade, les épreuves subies vont la transformer physiquement, et son intelligence va être le moteur d’un changement de personnalité, et en faire une adversaire digne de ce nom. C’est en fait cette évolution que j’ai trouvé, pour ma part, des plus captivantes (le même thème sera repris dans Le disparu de San Pablo).

– Niall est un héros howardien, et donc bien entendu doté d’un appétit sexuel impressionnant. Toutefois, c’est un homme entier, passionné, qui s’est totalement engagé en devenant templier et en a respecté les préceptes pendant huit ans (dont la chasteté), plaçant ainsi sa foi au-dessus de tout. Mais, le massacre de ceux qu’il appelle ses frères, l’ont lui aussi profondément changé. Rongé par l’amertume, il ne croit plus en rien, sauf en sa mission de gardien et en l’Ecosse. Son côté ardent se manifestant que par des étreintes violentes, frustrantes et rapides avec toutes les femmes qui croisent son chemin, sans qu’aucune ne l’intéresse.

Peu à peu, par rêves interposés, les deux héros vont commencer à s’observer, à s’intéresser puis à se passionner l’un par l’autre, ce qui n’est pas sans leur poser des cas de conscience. Grace craint trahir son époux qu’elle n’a pas pleuré, l’esprit totalement tourné vers la vengeance et Niall, souhaitant que rien ne le détourne de sa mission de gardien. Malgré les siècles qui les séparent, ils vivent en fait dans le même univers sombre de violence et de dureté. La jeune femme est poursuivie par des tueurs et apprend à lutter et à se battre pour survivre. Niall, lui, défend sa forteresse de son épée vengeresse. Par contraste, les rêves qu’ils partagent alors sont les seuls moments de douceur et d’émotions amoureuses du roman.

La critique que je ferai à Linda Howard, c’est qu’elle crée souvent des histoires aux arrières-plans à peine ébauchés, même ratés. Mais cet auteur rattrape ses intrigues bâclées par des dialogues passionnants et passionnés menés par des héros en verve. Or, ici, le contexte est solide et bien charpenté. Les méchants ont une vraie consistance, les amis également, et Niall et Grace n’échangeront leurs premiers mots qu’à la page 281… Mais, attendu et préparé tout le long de l’intrigue, ce premier dialogue est si lourd de tension que le lecteur ne peut que ressentir la force et l’intensité de ces premiers mots qui cachent bien de non-dits.

Je n’ai pas retrouvé ici le style enjoué, très second degré, de l’auteur de Oeil pour oeil ou de Mister Perfect. Non. En fait, le ton est âpre, tragique de bout en bout, ainsi lorsque l’héroïne voit sa vie dévastée en assistant à la mort de son mari et de son frère, dans sa fuite éperdue et sa transformation au fil des mois, ou encore dans les scènes sensuelles assez violentes. Le rythme est rapide, et tout est au premier degré. Il n’y a plus rien de doux chez ses héros qui ont, chacun, perdu tout ce qui faisait leur vie, et qui finissent par se jeter à corps et à cœurs perdus dans cette aventure bien plus passionnée qu’amoureuse. Leurs souffrances se traduisent par une certaine agressivité qui trouve son point culminant dans l’intensité de leurs scènes sensuelles. Mais c’est ce dont ils ont besoin pour se libérer de leur amertume et enfin de pouvoir dire adieu à un passé révolu.

Je regretterai seulement un enchaînement soudain, bien trop rapide à la fin (la façon dont la jeune femme tombe entre les mains du méchant) qui accélère soudain le rythme, alors qu’il aurait fallu s’attarder sur les liens qui se consolident entre les héros, ce qui aurait donné un peu plus de crédibilité au choix de Grace. J’ai eu l’impression qu’on avait donné un nombre défini de pages à l’auteur qui avait ainsi l’ordre de boucler son livre. C’est loin d’être le roman le plus réussi de Linda Howard, mais il montre notamment grâce à son intensité, sa profondeur et sa force, une autre facette de son talent, notamment qu’on aimerait bien voir dans ses comédies policières.

Fiche Technique

Format : broché
Pages : 380
Editeur : J’ai Lu
Collection : suspense
Sortie : 5 décembre 2006
Genre : thriller fantastique
Prix : 6,80 €