Présentation
Après son triomphe à Cannes où il a obtenu la Palme d’or, il nous a donc fallu sagement attendre la rentrée scolaire pour enfin découvrir le quatrième long métrage de Laurent Cantet (après Ressources humaines, L’emploi du temps et Vers le Sud): Entre les murs. Cela faisait plus de vingt ans (après le très contesté Sous le soleil de Satan de Maurice Pialat avec Sandrine Bonnaire et Gérard Depardieu) qu’un film français obtenait la récompense suprême, et, cette fois, sans polémique. Le mérite t’elle ?
Avis de Luc
Ma réponse est franchement Oui ! Entre les murs est une chronique très sensible où l’on suit une année scolaire complète d’une classe de quatrième dans un collège difficile du XXe arrondissement de Paris. Ce thème vous rappelle t-il quelque chose ? Oui, bien sûr. Dans Etre et avoir, Nicolas Philibert suivait l’année scolaire complète de la classe unique d’un petit village d’Auvergne, près d’Issoire. C’était un documentaire (avec quelques scènes scénarisée) où on suivait le vrai instituteur, M. Lopez, donner de « l’instruction » aux enfants du village.
Entre les murs, est, à l’inverse, une fiction tournée par Laurent Cantet en s’appuyant sur le livre souvenir de François Begaudeau, professeur de français, et il y tient son propre rôle. Les autres acteurs ont été sélectionnés dans un collège du même arrondissement et le film a été tournée pendant l’été, au moment où ils quittaient la quatrième. Ils sont tous bouleversants de vérité.
Le début de Entre les murs est tristement banal. Le professeur de français (François Begaudeau) découvre sa classe de 4e avec des enfants d’origine sociale variée qui n’ont rien à faire de l’apprentissage de la langue. La leçon sur l’imparfait du subjonctif est cocasse ! Puis, peu à peu, ce gentil professeur, plutôt que d’accaparer la parole, la donne à ces élèves. C’est une expérience risquée qui rappelle celle du professeur incarné par Robin Williams dans Le cercle des poètes disparus de Peter Weir mais où il s’appropriait le savoir. Dans Entre les murs au contraire, il laisse les adolescents s’exprimer ce qui est dangereux (leur langage est particulièrement salé !) mais débouche, dès la moitié du film à l’émotion.
Cet affrontement verbal entre deux cultures avait été déjà évoqué dans L’esquive d’Abdellatif Kechiche où le langage brut des jeunes de banlieue se heurtait au langage policé de Marivaux avec Les jeux de l’amour et du hasard (tout un programme !) mais l’émotion est plus palpable dans le film suivant de Kechiche : La graine et le mulet.
Dans Entre les murs, on retrouve cette émotion qui sort directement du langage. C’est un phénomène mystérieux et magique pour moi qui ne suis pas littéraire pour deux sous. Les mots peuvent déboucher sur la gravité. Ici c’est la grâce qui surgit et on sort du film transfiguré.
Après le tournage du film l’an dernier, les élèves sont entrés en 3e, et, à cette rentrée, beaucoup ont intégré le lycée. Le collège est déjà du passé. De même, après le tournage (réel celui-là) de « Etre et avoir », les élèves les plus âgés entraient au collège d’Issoire. Le rôle du professeur ou de l’instituteur est ainsi. Son rôle est fugace, mais essentiel. Il sert de tremplin vers la vie d’adulte. Quelques uns, comme ce M. Lopez en Auvergne ou Frédéric Bégaudeau à Paris, laisseront une trace majeure pour la vingtaine d’enfants ou d’adolescents qui ont eu la chance de travailler un an avec eux.
Et voilà, c’est fini. Entre les murs se referme avec son lot d’émotion. Magnifique et magique. Une grande Palme d’or.
Avis de Miss
Ceux qui connaissent très bien la situation de l’Ecole et des enseignants dans les zones sensibles risquent de trouver Entre les murs ennuyeux. Sur cette thématique, certains reportages diffusés sur les chaînes publiques ont déjà tout montrés. Moins médiatisés ces derniers étaient pourtant plus poignants et émouvants et surtout plus emprunts de réalisme. Parce qu’à mi-chemin entre le reportage et la fiction, le spectateur ne sait plus ce qui est véridique de ce qui est enjolivé.
Quand une élève demande à son professeur « Monsieur ça veut dire quoi désormais ? », il y a eu des rires dans la salle pendant la séance. Mais c’est impossible de rire quand on sait que cette élève n’est pas une actrice et qu’elle ne joue pas ! C’est plutôt dramatique en fait. A d’autres moments, il y a des mises en scène évidentes et une approche caricaturale des professeurs, alors le spectateur ne sait plus comment se positionner.
Le film porte sur grand écran un fait social actuel en France et touche à un problème de fond ; à savoir la prise en compte de la diversité par l’institution scolaire.
Espérons qu’en raison de sa Palme d’or, les débats seront relancés au niveau politique et qu’enfin les réformes aboutiront.
Fiche technique
Scénario : François Bégaudeau (d’après son livre), Laurent Cantet, Robin Campillo
Genre : comédie dramatique
Durée : 130 minutes
Sortie : 24 septembre 2008
Avec François Bégaudeau, Nassim Amrabt, Laura Baquela, Juliette Demaille, Franck Keïta