L’impératrice lève le masque – Avis +

Présentation de l’éditeur

En 1863, en plein centre de Venise, une jeune femme est retrouvée sauvagement assassinée dans son appartement. Le commissaire Alvise Tron, responsable du secteur de Saint-Marc, est chargé de l’enquête qui le conduit jusqu’au cœur du pouvoir autrichien. La victime, Anna Slataper, n’est autre que la maîtresse de l’archiduc Maximilien, jeune frère de l’empereur François-Joseph…

Crime passionnel ou politique ? Dans le brouillard de la lagune et les méandres des rios vénitiens, Alvise Tron se perd dans les vraies fausses pistes : le meurtrier est-il un des résidents du majestueux hôtel Danieli, un des passants anonymes de la riva degli Schiavoni, un des invités des fastueux bals masqués de l’aristocratie vénitienne, ou un proche de l’archiduc ? L’assassin semble lui échapper. Pourtant une jeune fille a vu son visage…

Avis de Domino

Nicolas Remin aime Venise… et la maison vieillissante des Hasbourg, qu’on se le dise ! Alors que Sissi était la figure centrale de son premier roman, L’impératrice lève le masque, dans ce second opus, un autre membre de la famille, au destin tout aussi tragique, l’archiduc Maximilien d’Autriche, le futur empereur du Mexique, est le pivot autour duquel s’articule l’intrigue. Si le premier roman de Nicolas Remin vous a plu, vous adorerez le second volet des aventures du commissaire Tron où l’auteur réitère sa déclaration d’amour à l’Italie, à sa culture et… à Alessandro Manzoni !

Dans cette seconde enquête, le lecteur retrouvera avec plaisir, Alvise Tron, comte et descendant d’une illustre famille vénitienne, mais aussi amateur de poésie et accessoirement commissaire. S’il est toujours aussi piètre enquêteur, il a conservé son humanité confondante qui le rend si attachant. Jamais héros n’aura été aussi peu charismatique. Pas très grand, maigre, vêtu d’une redingote élimée et d’un chapeau haut de forme qui a connu des jours meilleurs, il incarne à merveille Venise, une ville à la décrépitude distinguée. Et pourtant, tout comme la princesse [[un des personnages du premier roman]] à laquelle il s’est fiancé, on ne peut s’empêcher de l’aimer. Et lorsqu’un personnage lui demandera pourquoi, elle ne pourra que répondre « parce qu’il respecte les autres« . La clé du personnage et du roman est là. La gentillesse du héros, sa courtoisie jettent comme un voile sur les aspects les plus sordides du récit, les rendant supportables.

Alvise Tron ne résout pas son enquête en examinant les lieux, en interrogeant les suspects ni même en analysant les faits. Non, Alvise Tron, comme tout à chacun, patauge, s’égare et peine à démêler les fils d’une enquête qui au fur et à mesure qu’elle avance et que les morts s’accumulent change de forme ! Doit-on voir un complot politique ou une sordide affaire de mœurs ? Nicolas Remin qui s’est amusé à bâtir une intrigue astucieuse embarque lecteur et enquêteur sur des fausses pistes et il faudra bien attendre les dernières pages du roman pour connaître le fin mot de l’histoire. Et le lecteur s’amusera de voir notre héros s’empêtrer dans son enquête… autant que lui-même.

Étroitement imbriqués à l’enquête policière, les démêlés personnels d’Alvise Tron viennent lui compliquer la vie. Comme s’il ne lui suffisait pas d’avoir à résoudre une affaire passablement embrouillée, il se doit également de composer avec un supérieur plus soucieux de ses amours que de combattre le crime, une mère qui lui rappelle avec une constance quasi démoniaque l’état désastreux dans lequel se trouve leur palais et une fiancée qui lui demeure à maints égards mystérieuse. A côté de ces personnages récurrents, d’autres apparaissent comme la lumineuse Angelina Zolli, l’agent Bossi qui préfigure l’enquêteur moderne avec ses méthodes nouvelles et un nouveau langage ou encore Maximilien d’Autriche à la fois pathétique et ridicule.

Au milieu d’un monde qui meurt et naît à la fois – en perpétuel mouvement – Alvise Tron essaie de tenir bon, de se cramponner à ce qu’il croit être juste et cela le rend à la fois émouvant et irrésistiblement drôle lorsque son jusqu’au-boutisme l’accule dans des positions intenables. C’est ainsi qu’on se passionnera tout autant pour les méandres de l’enquête qui avance paresseusement que pour les démêlés d’Alvise ou encore les prémices de la tragédie mexicaine qui à Venise a encore des allures d’opérette.

Si l’intrigue et les personnages sont réussis, le ton retiendra également l’attention du lecteur. C’est un mélange de franche drôlerie teintée de mélancolie dans lequel, on distingue une pointe de tragédie. L’humour est toujours là, parfois grinçant, parfois à la limite de l’absurde et toujours d’une très grande finesse. Les fiancés de Venise bâti comme une tragicomédie aux accents doux-amers est à découvrir et à déguster avec Verdi en fond sonore !

Fiche Technique