Au bout de la nuit – Avis +

Résumé

Tom Ludlow est le meilleur détective de l’Ad Vice, unité spécialisée de la Police de Los Angeles. Son supérieur, le capitaine Wander, ferme les yeux sur ses procédés souvent « hors normes » et le protège lors de l’enquête interne menée par le capitaine Biggs.

Accusé à tort du meurtre d’un collègue, Ludlow doit lutter seul contre le système corrompu pour prouver son innocence.

Avis de Valérie

Au bout de la nuit est un long métrage relativement désabusé dont le style rappelle des séries policières réalistes comme The Shield. On est rapidement plongé dans cette ambiance schizophrène d’une police contrainte de « contourner » la stricte application de la loi pour obtenir des résultats réclamés par les instances supérieures ou pour tout simplement sauver la vie de citoyens.

L’inspecteur Ludlow, après avoir perdu sa femme, est un flic totalement désillusionné et alcoolique. Il fait son travail avec conviction, peut-être, mais sans faire dans le détail. Pour balayer le carnage derrière lui, il sait pouvoir compter sur ses coéquipiers ainsi que son supérieur hiérarchique, spécialistes pour faire coller les rapports avec les règles.

Parti aux trousses de son ex-partenaire qui l’a donné à l’IGS, il assiste impuissant à sa mise à mort par des braqueurs. Son dilemme va naître du fait que quoi qu’il ait eu à lui reprocher, il a été son meilleur ami. En son souvenir, pour son honneur, Ludlow va vouloir venger sa mort sans savoir à quel point celle-ci est liée à sa propre survie.

Tout est une question de pouvoir, de manipulation. Tom Ludlow comprend qu’il est totalement en dehors des réalités politiques bien que particulièrement bien informé de réalité de la rue. Cette dichotomie en fait un flic « fer de lance » qui fonce droit sur une cible et ne pose jamais de questions. On retrouve l’écriture noire de James Ellroy, même si la mise en scène de David Ayer magnifie la cité des anges et lui offre une lumière bienvenue.

Beaucoup de personnages secondaires sont des acteurs de premiers plans et prennent bien leur place dans la trame. Ce qui est troublant avec Forest Whitaker c’est que son rôle de flic ripoux est à l’opposé de celui dans la série The Shield, justement, où il interprète un lieutenant de l’IGS collé aux basques de la strike team doté d’une morale psychorigide hors du commun. D’ailleurs, afin de faire craquer l’équipe, il mettra la pression sur le plus honnête d’entre eux, Curtis Lemansky, personnage pouvant se reconnaître dans Tom Ludlow.

Au bout de la nuit est un très bon polar, un film mis en scène par un réalisateur qui a su imposer sa propre vision sans dénaturer le récit et interprété par une brochette d’excellents acteurs à la présence capitale comme Keanu Reeves, Forest Whitaker, Cedric, the Entertainer, Jay Mohr, Hugh Laurie, Chris Evans, Naomie Harris, Terry Crews et Martha Higareda.

Avis de Trinity

Dans la masse des films américains de l’année, rares sont ceux qui émergent du lot quand on y réfléchit un peu et qu’on fait le point. Au bout de la nuit fait partie de ces privilégiés tant le long métrage époustoufle par sa virtuosité, son ambiance moite et pesante et sa manière de montrer une ville dans toute sa splendeur et sa noirceur que protègent des flics corrompus mais persuadés de faire le bien. Si on rajoute une réalisation magnifique et un casting rassemblant les meilleurs acteurs du moment, on obtient un excellent film qui ressemble fort bien à un immense coup de cœur pour ma part, comme a pu l’être La nuit vous appartient l’an dernier.

Après la mort de sa femme, Tom Ludlow est devenu alcoolique et ne travaille plus que de nuit pour l’Ad Vice de Los Angeles. Ces méthodes flirtant avec la loi sont brutales mais efficaces, et c’est tout ce que ses collègues et son patron lui demandent. Mais lorsqu’il part à la recherche du meurtrier d’un de ses anciens amis, il se rapproche de la vérité peu reluisante du milieu policier et est à son tour accusé et traqué lorsqu’il risque de mettre en péril tout un système basé sur la corruption et la mafia.

A l’origine, le film était censé se passé dans le Los Angeles post-émeutes de 1992, mais les producteurs ont décidé de situer l’histoire dans la Cité des Anges d’aujourd’hui tout en gardant les thématiques générales du scénario original, écrit par James Ellroy, déjà auteur des romans qui amèneront à L.A. Confidential et Le Dahlia Noir. Le producteur Erwin Stoff commente : « David Ayer, le réalisateur, et James Ellroy partagent le même amour de la ville dans toute sa beauté et sa laideur. David a la même fascination pour Los Angeles et la culture tribale de sa police qu’Ellroy. David est un pur produit de L.A., il a grandi dans ses rues et est capable de préserver l’incroyable complexité des personnages qu’Ellroy a crée tout en les plaçant dans le Los Angeles multiracial d’aujourd’hui. Ils ont deux sensibilités très proches, à des époques différentes. » Et en effet, le film rend un véritable hommage à cette ville qui est magnifiée et lumineuse dans cette nuit noire qui sert de décor à la majorité des scènes, alors que paradoxalement, ce sont les quartiers les plus sordides et misérables qui sont dévoilés. Cette violence exposée et cette tension sourde qui risque d’imploser imprègnent l’atmosphère déjà alourdie par l’intrigue et prend le spectateur à la gorge durant tout le film.

Le personnage de Tom Ludlow représente toute la complexité et les contradictions des idéaux contenus dans le titre original du film, Street Kings (Les rois de la nuit), titre qui aurait mérité d’être conservé dans la version française car il est vraiment révélateur de l’état d’esprit de ce film. Tom est donc le roi des rues du Los Angeles nocturne et un protecteur de la société. Il dispense une justice expéditive et sans compromis, à la limite de la légalité. Chaque nuit qui passe, Tom se perd davantage dans cette existence qu’il subit plus qu’il ne la contrôle et se remet en tout confiance à ses collègues qu’il considère comme ses frères d’armes et surtout à son chef, le capitaine Wander qu’il respecte, admire et considère comme un vrai père. Keanu Reeves est parfait dans ce rôle tourmenté et qui se réveille progressivement, découvrant l’horreur de ce qui se passait sous ses yeux sans qu’il en soit conscient. Cela fait du bien de revoir cet acteur en pleine forme après un grand passage à vide depuis Matrix !

Les personnages secondaires sont tout aussi intéressants, cachant chacun une part sombre et impitoyable d’eux-mêmes au monde extérieur. L’immense Forest Whitaker prouve une fois de plus qu’il s’agit d’un acteur remarquable, capable de jouer des rôles de haut vol, dont cette figure paternaliste qui peut se retourner contre vous ou dont vous voulez vous en débarrasser en faisant un acte de rébellion. Il est très surprenant et agréable de voir Hugh Laurie, le fameux Dr House, enfin sur grand écran et autrement qu’en blouse blanche, dans un personnage moins caricatural et plus sombre, même s’il ne peut s’empêcher de lancer quelques piques dignes du personnage qui a rendu cet acteur très populaire.

Le manichéisme est le grand absent de ce film à la fois violent mais très émouvant. Le scénario ne brille pas par sa grande complexité ou son machiavélisme, mais le tout forme un ensemble très compact, cohérent et homogène, avec de l’action, du rythme, et un final surprenant qui tranche avec les trames convenues hollywoodiens.

Bref, que du bonheur de visionner l’un des meilleurs polars de l’année, donc courez-y vite, vous ne serez pas déçus !

Fiche technique

Sortie : 25 juin 2008

Avec Keanu Reeves, Forest Whitaker, Hugh Laurie

Genre : policier

Durée : 109 minutes

Titre original : Street Kings